Plus encore que Clint Eastwood, qui avait inauguré dans les années 80 le principe fructueux du « un film pour moi, un film pour eux », Johnnie To est passé maître dans l’art d’alterner productions ultra-commerciales, légères et calibrées pour cartonner, et polars minimalistes hautement stylisés. Si c’est pour ces films (en vrac, Election, The Mission, PTU… la liste est longue) que l’on connaît le plus le réalisateur / producteur à l’étranger, il faut s’habituer à le voir s’éloigner parfois quelques années du genre avant d’y revenir avec force. Trois ans après Blind Detective et Drug War, primé au festival de Beaune, et alors qu’il venait de réaliser la comédie musicale Office, l’infatigable peintre des guerres mafieuses et policières s’apprête à nous livrer Three : un polar qui a la particularité de se dérouler quasi-entièrement dans un seul décor… un hôpital !
Trio sous tension
L’un des acteurs fétiches de Johnnie To, Louis Koo, incarne ici Ken, un détective tenace mais pas très clair, à deux doigts de boucler son ennemi juré Shun (Wallace Chung). Seulement, celui-ci a choisi de se tirer une balle dans la jambe pour obliger la police à l’emmener à l’hôpital. Là, il tente de gagner du temps pour que son gang vienne le délivrer avec pertes et fracas. Ken a compris son jeu, et va faire en sorte d’attirer dans cet établissement sous haute protection l’intégralité de ces truands, pour tous les attirer d’un coup. Et les patients dans tout ça ?
Suspense quasiment en temps réel (l’action se déroule pendant une période de six heures), Three implique bien évidemment, comme son titre le suggère, un troisième protagoniste tout aussi important, en l’occurrence une neuro-chirurgienne (Vicki Zhao, Mulan) qui a juré avant tout de guérir ses patients, et pas de faire respecter la loi. Comme souvent dans l’univers du réalisateur de Sparrow, les personnages sont ici confrontés à une crise inextricable, où chacun de leurs choix peut les amener à une situation fatale.
Mise en scène clinique
Avec son décor qui évoque inévitablement le final d’À toute épreuve, et son pitch malin laissant présager un ballet opératique explorant tous les recoins et possibilités de l’hôpital, Three aiguise immédiatement notre curiosité. Le réalisateur se frotte ici à un véritable scénario-concept, où il peut laisser libre cours à ses expérimentations stylistiques et sa mise en scène hyper mobile. Three comporterait d’ailleurs, entre autres, un plan-séquence ininterrompu de quatre minutes qui évoquerait les meilleurs morceaux de bravoure de The Mission ou Exilé.
Cerise sur le gâteau : les premières critiques anglo-saxonnes sont pour l’instant très positives, et le film, qui sort le 24 juin en Chine, pourrait être un beau succès pour le réalisateur, qui œuvre toujours sous la bannière, chargée de nostalgie, de Milkyway Images. Pour la France, il faudra attendre qu’un distributeur aventureux (peut-être Metropolitan, qui avait distribué Drug War en France ?) se penche sur son cas pour que le film soit visible, sans aucun doute directement en vidéo. Dans le cas d’un cinéaste aussi important en Asie que l’ami To, ce serait en tout cas mieux que rien !
Bande-annonce :