Weird : Radcliffe domine un hilarant faux biopic
Parodie de biopic retraçant le destin farfelu du chanteur Al Yankovic, Weird réjouit grâce à la partition irrésistible de Daniel Radcliffe.
Si vous êtes assez vieux pour avoir connu les balbutiements d’Internet, vous êtes forcément tombé, dès les débuts des sites de vidéo en streaming, sur un clip de « Weird Al » Yankovic. Cette grande tige frisée aux atroces chemises hawaïennes est sans doute la plus improbable des stars de la musique. S’il avait débuté sa carrière à l’ère de Tik Tok, Yankovic serait un phénomène, alors qu’il n’a écrit aucun tube. « Weird Al » s’est contenté d’écrire les plus fameuses et hilarantes parodies de hits pop-rock de l’Histoire, d’Amish Paradise, pastiche de Gangsta’s Paradise, à Like a surgeon qui met en boîte le méga-tube de Madonna. C’est son truc, à Yankovic, expliqué dans les dialogues du (faux) biopic qui lui est consacré, Weird : « changer les paroles des chansons célèbres », les transposer dans un autre univers trivial et drolatique pour, paradoxalement, en souligner le côté musicalement imparable. Le jovial accordéoniste a trouvé une niche qu’il a exploitée avec un vrai talent, anticipant avec 30 ans d’avance la mode du recyclage infini et des covers ironiques des hits du XXe siècle.
L’incroyable faux destin d’Al Yankovic
Weird : the Al Jankovic Story, produit sous la bannière du site Internet humoristique Funny or Die, ne pouvait être chose qu’une comédie parodique, tournant en dérision les clichés du biopic musical à l’américaine, du terrible Bohemian Rhapsody à Elvis en passant par Rocketman. Le gag est énoncé en voix off par l’intéressé dès l’ouverture du film, réalisé par Eric Appel : il affirme que tout ce qui sera montré dans le film est vrai, ce qui est évidemment… faux. Weird retrace la vie fantasmée d’un Al Yankovic qui aurait été persécuté par sa famille pour son amour de la musique (tout petit déjà, il parodiait des classiques religieux, sacrilège !), deviendrait populaire dans les « soirées polka » grâce à sa maîtrise de l’accordéon, avant de connaître la méga-gloire grâce à sa parodie de My Sharona de The Knack, inspirée par un paquet de cervelas ! On ne passera pas en revue tous les rebondissements qui parsèment ce scénario bifurquant sans cesse et sans prévenir vers plus de loufoquerie, s’autorisant tous les délires et les caméos entre deux recréations des véritables hits parodiques de la star – dont un Eat it que le film, twist génial, présente comme écrit par Yankovic avant que Michel Jackson ne le parodie avec Beat it !
« Intense, impeccable dans son tempo comique et bizarrement très, très musclé, Radcliffe est une joie de tous les instants à l’écran. »
Tout comme Walk Hard ou (surtout) Popstar, exemples fameux de faux biopics zinzin, Weird gagne en efficacité non pas par sa mise en scène, qui s’autorise peu d’excentricités, mais par l’impeccable premier degré avec lequel le casting interprète les scènes les plus saugrenues. Au sommet de la pile, c’est bien sûr Daniel Radcliffe qui prend la lumière et s’en empare sans trembler. L’ex-Harry Potter s’est fait depuis longtemps une spécialité des rôles improbables et pourtant géniaux, et celui de « Weird Al » (on ne peut plus éloigné de lui physiquement, et pourtant !) marque une forme de culmination idéale de ce parcours. Intense, impeccable dans son tempo comique et bizarrement très, très musclé, Radcliffe est une joie de tous les instants à l’écran – même s’il ne chante pas lui-même les tubes de Yankovic.
Weird, s’il est efficace et désopilant de bêtise assumée, aurait pu aller plus loin dans le non-sens total. À l’image de ce générique de fin garni de blagues là encore très drôles, mais presque trop attendues, le film déroule un peu en mode automatique son extravagance gonzo. Ce qui paraîtra totalement cintré et excentrique au non-initié ressemblera à un autre lundi pour le fan de « Weird Al », celui qui garde religieusement dans ses boucles YouTube les clips intemporels du meilleur parodiste de la pop contemporaine.