Bad Milo ! : le monstre de l’arrière-train
Un comptable stressé doit contenir la rage d’un monstre sorti… de son anus. Oui, ce film existe depuis 2014 et s’appelle Bad Milo. Et il s’avère plutôt réussi !
Dans le grand monde de la série B fantastique, il devient de plus en plus difficile de se démarquer. L’offre de titres est pléthorique dès lors qu’on se tourne vers le marché de la vidéo, et pour attirer le chaland, marquer les esprits, il faut une idée forte, un concept facilement expliquable. Bad Milo ! réussit ce tour de force par la grâce d’une idée de base aussi forte que saugrenue : imaginez qu’un monstre dentu, né de toutes les colères et frustrations réprimées par votre inconscient, se crée dans votre colon, et « s’expulse » au prix de violentes douleurs gastriques pour zigouiller toutes les personnes à l’origine de votre stress. Oui, vous avez bien lu : Bad Milo !, parle d’un Gremlin logé dans l’arrière-train d’un type, qui lui sort régulièrement d’entre les fesses. Voilà, ÇA, c’est le genre de pitch qu’il ne vaut mieux pas présenter au CNC de nos jours si on veut avoir une carrière !
Ciel mon colon !
Le candidat malheureux à cette explosion anale à répétition, c’est Duncan (l’adorablement mou Ken Marino, vu entre autres dans Party Down). Dguncan a des problèmes de santé, au travail, où il est chapeauté par un patron fielleux (Patrick Warburton, The Tick), mais aussi à la maison, où sa tendre Sarah (Gillian Jacobs, Community) l’aime toujours d’amour mais cache de moins en moins ses envies de grossesse. Et il y a aussi sa mère, Béatrice, remise en ménage avec un type décomplexé qui pourrait être son fils. Bref, Duncan, pour dire les choses clairement, en chie, et il n’est pas au bout de ses peines gastriques. Un soir de déprime, ses tourments intestinaux le font carrément s’évanouir dans les toilettes… car, à son insu, c’est une très élastique bestiole qui s’évade de son derrière et s’en va boulotter ceux qui lui causent du tort. Coup de chance pour Duncan, son illuminé de psychiatre, Highsmith (un Peter Stormare tout fou, qui semble débarquer du plateau de Minority Report) a une idée de ce qui arrive à son patient, et de ce qu’il doit faire pour sauver la situation…
« Le film comporte quelques gags à base de pets et de caca, mais sans doute beaucoup moins qu’une comédie d’Eddie Murphy. »
Moins cradingue et régressif qu’on pourrait le croire à première vue (soyons honnêtes, le film comporte quelques gags à base de pets et de caca, mais sans doute beaucoup moins qu’une comédie d’Eddie Murphy), Bad Milo ! est avant tout une comédie absurde et gentiment moraliste, qui utilise une idée cintrée comme une métaphore transparente pour vanter l’accomplissement personnel. Car si Duncan a autant de problèmes avec ce Milo (un nom qu’il attribue au débotté à ce drôle de monstre) en premier lieu, c’est parce qu’il refoule, littéralement, ses envies d’envoyer bouler tous ceux qui se servent de lui ou le rabaissent au quotidien. Assumer sa future paternité, quitter un boulot où il n’est pas considéré, tenir tête à sa mère, voire à son père absent qu’il finira par retrouver… Pour faire dans la métaphore filée, Milo est un peu le détonateur qui va permettre à Duncan de s’épanouir enfin comme il le devrait. Bon, quitte à laisser un petit gnome vorace sauter au visage de quelques pauvres victimes, qui de toute façon l’avait bien cherché. Oui, c’est aussi une comédie horrifique, rappelons-le.
Montre-moi tes fesses, je te dirai qui tu es
Malgré ses petits moyens (le film a été produit par deux papes du cinéma indépendant, les frères Duplass), Bad Milo ! réussit à faire naître une créature de cinéma immédiatement mémorable. Animé à l’ancienne en plateau, le petit Milo, avec ses grands yeux de labrador contrastant avec une rangée de dents dévoilée par un rictus impressionnant, ressemble à une fusion improbable entre Gizmo, le jumeau difforme de Basket Case, un Critters et l’extraterrestre phallique d’Elmer le remue-méninges. Que des références des années 80, auquel Bad Milo ! s’apparente beaucoup dans sa façon de mener une idée simple mais barrée à son terme, sans jamais se départir d’une certaine modestie et de sa légèreté de ton.
Encore une fois, le film, s’il a tout du divertissement scato-rrifique destiné à faire rire bêtement le spectateur attardé qui sommeille en chacun de nous (le jeu délicieusement détaché de Marino y contribue fortement, surtout lors des scènes où il doit… « accueillir » Milo en lui à nouveau), n’est pas un one-shot vulgaire et bas de plafond, mais un film tout bête et bien vu, réussi dans ses effets et logique autant qu’on puisse l’être en parlant de sphincter malmenés et de créatures cronenbergiennes. Une chose est sûre : vous repenserez à ce film à chaque fois que votre intestin fera des siennes…