L’attention portée au précédent projet de Lana et Andy Wachowski, Cloud Atlas, avait jusqu’à présent repoussé un peu leur autre projet science-fictionnel, Jupiter Ascending à la marge. Presque trop ambitieux et lyrique pour son propre bien, Cloud Atlas, avec ses six storylines emboîtées, son casting devenu polymorphe, avait malgré toutes ses qualités rencontré un accueil assez tiède. De manière assez insidieuse, les Wachowski sont devenus depuis Matrix Reloaded les têtes de turc de la critique américaine, à la manière de Night Shyamalan (qui lui par contre a un peu tendu le bâton pour se faire battre).
À la reconquête… du public
Espérons que ces a priori n’handicapent pas trop un projet qui s’annonce cette fois comme un divertissement beaucoup plus accessible, et immédiatement jouissif. Car après un premier trailer mystérieux et bancal, Jupiter Ascending s’annonce cette fois via une incroyable bande-annonce qui ne lésine pas sur les promesses et les money shots impressionnants. De quoi rappeler à qui l’aurait oublié que les Wachowski, avant d’être une entité fusionnelle aux ambition méta-textuelles parfois intimidantes (ou gonflantes, selon le point de vue), sont de sacrés entertainers, à l’imaginaire débridé mais parfaitement contrôlé.
Et si Jupiter Ascending était le film de la reconquête ? Les réalisateurs ont mis quelques chances de leur côté en castant en tête d’affiche un couple bankable et glamour à mort, à savoir Channing Tatum et Mila Kunis. Le musculeux héros de Magic Mike incarne dans cette aventure interstellaire Caine, guerrier conçu génétiquement qui a pour mission de venir en aide à une Terrienne nommé Jupiter Jones. C’est la frêle Kunis (Black Swan) qui incarne cette nouvelle « élue » qui s’ignore. Tandis que l’on essaie de nous faire croire que son personnage gagne sa vie en récurant des toilettes, l’action se déplace bientôt dans l’espace. Car loin, très loin de nous, a déjà débuté une guerre spatiale autour de la jeune femme, héritière d’un patrimoine génétique qui la rend particulièrement précieuse pour certaines civilisations…
Un parfum de guerre des étoiles…
[quote_right] »Plus qu’un spectacle accessible, c’est à un dépaysement total que souhaitent nous inviter les Wachowski. »[/quote_right]Une héroïne/élue à sauver, un guerrier sans peur et sans reproches, des batailles dans l’espace, des monarques mégalomanes… Les ingrédients de Jupiter Ascending se veulent décidément plus familiers et compréhensibles pour le public que dans les précédents films des Wachowski. Impossible de ne pas penser, avec cette débauche de planètes, de vaisseaux étranges et de civilisations « exotiques », à Star Wars, même si l’on se doute que les enjeux et les intrigues inventées pour l’occasion par les Wachowski seront bien moins infantiles qu’ils n’en ont l’air.
Artistiquement, le film s’annonce dans la lignée de leurs précédents travaux, les réalisateurs ayant gardé aux postes clés leurs fidèles collaborateurs : l’expérimenté directeur de la photo John Toll (Cloud Atlas), le directeur artistique Charlie Revai (Matrix Revolutions), le production designer Hugh Bateup (Cloud Atlas) et bien sûr, la fidèle responsable des costumes Kym Barrett, présente à leurs côtés depuis le premier Matrix, et poste-clé dans une filmographie où les mots d’ordre semblent être à chaque nouveau projet « créer du jamais vu ». De fait, ceux qui ont peu goûté les artifices capillaires et les maquillages de Cloud Atlas trouveront rapidement à redire sur le look de Tatum, affublé d’un bouc blond, d’oreilles en pointes et de lentilles de contact qui le font un peu ressembler à un elfe de l’espace. Voilà un look qui ne s’oublie pas.
Sci-Fi Originals
Dans une année marquée, comme 2013, par l’arrivée d’un grand nombre de projets SF à gros budget, basés sur des scénarios originaux, Jupiter Ascending semble être celui ressemblant le plus à un space-opera à l’ancienne : plus qu’un spectacle accessible, c’est à un dépaysement total que souhaitent nous inviter les Wachowski. C’est un pari osé, un de plus, que tente aussi Warner Bros, studio actuellement à la pointe de l’originalité dans un secteur asphyxié par le manque de prise de risques. Interstellar, Godzilla, Edge of Tomorrow : à l’ombre de ces projets imposants, Jupiter Ascending s’est conçu dans une relative discrétion, et avec une sortie prévue le 23 juillet prochain en France, la campagne marketing autour du film, ne fait sans doute que commencer. Espérons que le film ne connaisse pas le même destin que John Carter, et contribue plutôt à remettre au goût du jour la science-fiction originale et novatrice, chose que Gravity et Pacific Rim (pour ne citer que deux projets estampillés Warner), ont réussi à faire l’an passé.
Màj : Histoire de rendre l’attente un peu plus insupportable, Warner a repoussé la date de sortie française au 4 février 2015.