Connaissez-vous l’œuvre de Gustav Klimt, « Le portrait d’Adèle Bloch-Bauer » ? Ce tableau de 1907 est en tout cas célèbre chez tous les Autrichiens que vous croiserez. Ceux-ci seront sans aucun doute très sensibles à l’histoire racontée dans La femme au tableau (alias Woman in Gold en VO, l’autre nom donné à la toile séculaire), basée sur la vie de Maria Altmann, juive autrichienne exilée aux USA pendant la Seconde Guerre mondiale. La vieille dame avait du vivre loin de sa famille, avec son mari pour seul réconfort, tout en sachant que les nazis avaient consciencieusement pillé les biens de sa famille viennoise, parmi lesquels figuraient les toiles de Klimt, ami de longue date des Bloch-Bauer. Plusieurs décennies plus tard, le fameux portrait est devenu l’équivalent national de la Joconde, exposé au Belvédère, et Maria Altmann décide d’en reprendre possession. Aidé par un jeune avocat de Los Angeles, Randol Schoenberg, qui se trouve être également un descendant de cette même famille, elle s’engage dans un combat de longue haleine avec le gouvernement autrichien.
Quoi de mieux qu’une histoire vraie célébrant la victoire de l’individu dans toute sa dignité sur l’Histoire collective et les destins qu’elle écrase sur son passage ? À défaut d’être pleine de suspense, la quête de justice au cœur de La femme au tableau convoque en tout cas des valeurs nobles, et fournit une bonne matière première au scénariste débutant Alexi Kaye Campbell pour un drame plein de violons et de larmes réprimées. Bon, en plus, les méchants de l’histoire sont soit des profiteurs nazis, soit des conservateurs d’Art aussi coincés que des coqs de basse cour, donc question manichéisme facile et ressorts dramatiques, il n’y a pas de raison de se retenir.
Dans les tourments de l’Histoire
Autant être honnête malgré tout. Le succès, local et international, de Philomena en 2014 a donné des idées aux producteurs, et aux frères Weinstein en particulier. Il y a définitivement un public pour les drames, teintés de comédie, sur des septuagénaires à la fois impossibles et adorables, dignes mais fragiles, si possible interprétés par des acteurs irréprochables. Après dame Judi Dench, c’est donc dame Helen Mirren qui enfile ici perruque et costumes stricts pour jouer Maria Altmann, avec la gravité et le jeu nuancé qui s’imposent. La grande actrice britannique pourrait jouer ce genre de rôle dans son sommeil, mais elle n’est pas pour autant en pilotage automatique dans le film, auquel elle confère une humanité certaine. Il est peut-être difficile d’en dire autant de Ryan Reynolds, pas forcément l’acteur idéal pour incarner un rond de cuir en pleine crise de conscience, et qui forme un duo légèrement comique avec Mirren un peu trop forcé pour être honnête. En gros, il n’est pas Steve Coogan. Et c’est d’autant plus dommage que le scénario s’attarde grossièrement sur sa vie privée (l’occasion de donner à Kathie Holmes un rôle bien ingrat) en essayant de donner une sorte d’ambiance Erin Brokovich à l’affaire, alors que c’est bien le drame intérieur de Maria Altmann, éternelle déracinée n’ayant jamais pu oublier ce qu’elle a dû laisser derrière elle, qui importe le plus.
[quote_center] »Il y a définitivement un public pour les drames, teintés de comédie, sur des septuagénaires à la fois impossibles et adorables. »[/quote_center]
Le réalisateur Simon Curtis, qui s’était déjà plongé dans la reconstitution historique avec son précédent long-métrage, My week with Marilyn, profite d’ailleurs intelligemment du récit de sa vie pour caser quelques flash-backs sur la famille Bloch-Bauer, sur le mariage, la persécution puis l’évasion mouvementée du couple Altmann. Rien que de très académique, mais le jeune duo composé de Tatiana Maslany (Orphan Black) et de Max Irons (The Riot Club) compense par son charisme fiévreux le classicisme de ses passages obligés, qui contiennent bien plus de moments forts que les ronflantes séquences contemporaines de procès et de discussions sur le droit international. Pas étonnant que la dernière bobine tente un rapprochement à travers le temps, façon Titanic, avec ces séquences visuellement cossues.
Sans surprise, sans génie, La femme au tableau illustre finalement assez platement un combat moral pourtant primordial, et toujours d’actualité lorsqu’il s’agit de contempler les ravages causés par les guerres. Qu’il s’agisse de familles séparées ou de biens culturels spoliés (ou même détruits, voir les saccages absurdes perpétrés par l’État islamique), le thème est porteur et amène son lot de réflexions. Le film de Curtis, lui, est bien plus branché émotions. C’est ce qui fait, en de rares occasions, sa force, mais surtout sa limite.
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La femme au tableau (Woman in gold)
De Simon Curtis
2015 / Angleterre – USA / 109 minutes
Avec Helen Mirren, Ryan Reynolds, Daniel Brühl
Sortie le 15 juillet 2015
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