Il n’est peut-être pas reconnu comme un sommet de la littérature historique, mais le livre de Michael Punke, Le Revenant, excite les producteurs hollywoodiens depuis sa sortie en 2003, et son scénario adapté signé Mark L. Smith. Plusieurs réalisateurs se sont succédé à la barre de ce projet excitant, sorte de pré-western survivaliste, inspiré de l’une de ces histoires vraies qui ont fait la légende de l’Ouest sauvage du XIXe siècle. Après que John Hillcoat (La Route) entre autres se soit intéressé au film, c’est finalement Alejandro Gonzalez Inarritu, qui s’est pris d’amour pour The Revenant en 2011, au point d’en débuter le tournage alors même qu’il terminait la tournée promotionnelle de Birdman, et se voyait couvrir d’Oscars par l’Académie.
[quote_center] »Le réalisateur s’est lancé dans un tournage marathon de neuf mois, dans les recoins les plus sauvages de la Colombie Britannique. »[/quote_center]
Le timing ne pouvait donc être meilleur pour la Fox, productrice du film, d’autant plus que la star débauchée pour tenir le film sur ses épaules, après que Christian Bale ait été approché, n’est autre que Leonardo DiCaprio. Métamorphosé, limite méconnaissable avec sa barbe hirsute et son teint cadavérique, l’acteur incarne dans The Revenant le pionnier Hugh Glass, qui dans les années 1820 prend part à une dangereuse expédition dans les contrées inexplorées du Missouri et du Dakota du Sud. Suite à une attaque de grizzly, dans laquelle il est grièvement blessé, Glass est laissé pour mort par ses camarades d’expédition (joués par Tom Hardy et Will Poulter), envoyés par leur chef Andrew Henry (Domnhall Gleeson, Ex Machina). Contre toute attente, Glass va survivre. Laissé à lui-même au milieu d’un environnement hostile, en plein hiver, il va reprendre des forces, puis la route, mû par une seule idée : la vengeance.
Un tournage entièrement « naturel »
L’histoire de Hugh Glass, bien que très documentée, n’est peut-être pas aussi spectaculaire que les versions fictives qui en ont été tirées. Mais qu’importe : cette épopée en solitaire, célébrant la résilience et le courage d’un homme défiant les éléments, l’adversité (à cette époque, rappelons-le, les Indiens sont des ennemis redoutables pour les explorateurs américains) et les animaux sauvages qui l’entourent, est un récit trop beau pour ne pas être porté au cinéma. Cela a d’ailleurs déjà été le cas, puisque le méconnu Convoi Sauvage (1971) de Richard Sarafian, avec Richard Harris, s’inspirait déjà de ce périple (le titre original résumait d’ailleurs encore mieux le propos : Man in the wilderness).
La cerise sur le gâteau, c’est qu’un formaliste adepte des défis impossibles comme Alejandro Gonzalez Inarritu se soit emparé du projet. Epaulé par son surdoué chef opérateur Emmanuel Lubezki (déjà deux fois oscarisé pour Gravity et Birdman), le réalisateur s’est lancé dans un tournage marathon de neuf mois, dans les recoins les plus sauvages de la Colombie Britannique (Canada), avec comme obsession de ne filmer ses séquences, toujours marquées par des longs plans enveloppant le spectateur dans l’action, qu’en lumière naturelle. Une exigence qui a rendu les journées de travail d’Inarritu et son équipe, déjà exigeantes (la moitié de chaque jour était consacrée à l’acheminement du matériel et des acteurs dans des décors très reculés), franchement épuisantes, avec des semaines consacrées à la mise en boîte de plans très courts, filmés à l’aube ou dans le brouillard. Une expérience finalement pas inutile pour se mettre dans l’esprit d’un survival pur et dur, une sorte de Man vs Wild en peau de bête, option pistolets à poudre.
La bande-annonce de l’année ?
Les idées du réalisateur ont, à la vue de l’impressionnante bande-annonce révélée le 17 juillet, en tout cas porté leurs fruits. Dès les premières échauffourées en bord de rivière, où un DiCaprio ensanglanté et enragé tente de fuir avec les siens un piège tendu par une tribu indienne, la caméra virevoltante, la lumière fuyante entre les arbres, les contre-jours cadrés au ras de l’eau et ces paysages canadiens à la puissance virginale secouent les sens. On pense pêle-mêle au Michael Mann du Dernier des Mohicans, au Terrence Malick du Nouveau Monde, voir au sous-estimé Vorace pour cet aspect à la fois historique et cru, évocateur et sauvage.
Le trailer lui-même, cadencé par le rythme saccadé de la respiration du héros, constamment à bout de souffle, enchaîne par la suite les plans d’anthologie, tous captés dans une lumière monochrome, blafarde, en Scope grand angle et à l’aide de caméras Red Epic, jusqu’à cette dernière banderille, une incroyable chevauchée en plan-séquence suivant Glass apeuré, tentant d’échapper à ses poursuivants. 2015 n’est pas encore terminé, mais The Revenant, qui ne sortira qu’en janvier 2016 dans nos contrées, vient déjà de remporter le titre de bande-annonce de l’année. Reste à espérer, même si le contraire serait étonnant, que le film soit à la hauteur de cette stupéfiante présentation.