Plus que le fait de voir le jeunot (22 ans) Daniel Radcliffe endosser enfin un rôle d’adulte, l’attrait de cette adaptation de La dame en noir vient du fait qu’elle soit produite par une version 2.0 de la Hammer. Le célèbre studio britannique, qui avait déposé les armes à l’aube des années 80 alors que triomphait un genre (l’épouvante) qu’il avait modernisé quinze ans plus tôt, a été rebooté en 2007 par un producteur de télévision, Simon Oakes. De vrais budgets et une certaine ambition ont été associée à cette résurrection inattendue, qui s’est traduite par la sortie, l’an passé, d’un remake certes inutiles mais chaleureusement accueilli par la critique (Laisse-moi entrer) et d’un thriller domestique (La locataire) où passait dire bonjour LA figure légendaire attachée pour toujours à l’image du studio, Christopher Lee. Encore inédit de ce côté-ci de la Manche, Wake Wood est un film d’horreur bien plus ancré dans l’imagerie traditionnelle de la firme, avec son village isolé dans la campagne anglaise, ses rites sataniques et ses lourds secrets éclairés par la faible lueur des bougies.

Un manoir, des jump-scares

Arthur en pleine visite du manoir de Crythin Gifford. Au menu, jardin hanté, salon lugubre, et nurserie réservée aux cardiaques !

Ces prémices, timides mais encourageants, n’étaient toutefois que l’avant-garde annonçant une production bien plus ambitieuse, réalisée par James Watkins, repéré avec son traumatisant Eden Lake. Deuxième adaptation du roman de Susan Hill après le téléfilm de 1989, La dame en noir se veut, dès son générique brumeux, un hommage déférent et studieux à cette école de l’épouvante gothique que l’on croyait disparue. Comme dans l’original, le héros de ce conte cruel est un notaire, veuf et père d’un petit garçon, devant se rendre dans une région sinistre entourée de marais pour régler la succession d’une cliente décédée. Dès son arrivée dans un manoir décrépi devenu une sorte de tombeau géant, il aperçoit la dame en noir. De là, les ennuis commencent avec les habitants du village voisin, et les apparitions diaboliques se multiplient…

Watkins a sans doute eu pour objectif de faire peur sans donner dans la surenchère sanglante. Le cinéaste, qui cherchait depuis longtemps à réaliser un film de fantômes, se saisit avec efficacité du script rédigé par Jane Goldman (habituelle collaboratrice de Matthew « Kick-Ass » Vaughn), qui livre une adaptation presque trop scolaire du roman. Se résumant pour une bonne part à un aller-retour d’Arthur (Radcliffe, qui débarrassé de ses lunettes de magicien, a un faux air d’Elijah Wood) entre la maison hantée et le village apeuré, l’intrigue donne pendant un bon moment l’impression de tourner en rond. Les jump scares ne manquent pas, et sur échelle de 1 à Insidious, sont dans une bonne moyenne (les brusques embardées orchestrales étant ici utilisées à leur potentiel maximum), mais il en faut plus pour faire un film. Dans ces moments de tension, où Radcliffe est laissé à lui-même pour convoyer ce sentiment de peur et de vulnérabilité (un facteur d’autant plus prégnant que l’acteur est lui-même plutôt chétif), la direction artistique impeccable du film, ainsi que les décors aménagés par Kave Quinn contribuent pour beaucoup à faire passer la pilule. Qu’il s’agisse du manoir abritant la dame au linceul, perché sur une sorte de Mont Saint-Michel boueux, ou du hameau cabossé, déniché dans le Yorkshire, ces lieux évocateurs forment un univers cohérent, qui en rappellent d’autres : les faux villages roumains des Dracula de Fisher ou la familière campagne sauvage du Chien des Baskerville.

Réminiscences écrasantes

Un spectre menaçant, des enfant innocents, un lourd secret… Des prémices connus du genre.

C’est dans ce faisceau d’images, de souvenirs cinématographiques et de traditions littéraires que La dame en noir trouve sa légitimité. Plus en tout cas que dans son application à raconter une histoire finalement très classique, qui plus est handicapée par un dénouement ringardisant par une imagerie sulpicienne une mythologie qui méritait un traitement disons plus macabre – une caractéristique « hammerienne » que saisit avec plus d’acuité l’inédit I sell the Dead de Glenn McQuaid.

Que Jane Goldman avoue avoir voulu émuler le style du J-Horror popularisé par Ring et The Grudge n’est qu’un gimmick « modernisant » parmi d’autres (comme l’importance thématique donnée au monde de l’enfance, clairement hérité de l’incontournable école espagnole). Cela ne fait pas de La dame en noir un drame fantastique original, bien au contraire : chaque frisson que procure le film de Watkins, tout délicieux et élaboré qu’il soit, en rappelle un autre, plus viscéral, cruel ou original. Tant mieux pour les nostalgiques de la Hammer originelle. Mais le studio aux lettres sanglantes, pour sa nouvelle vie, mérite mieux.


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Trois sur cinq
La Dame en noir (The Woman in Black)
De James Watkins
2011 / Angleterre / 95 minutes
Avec Daniel Ratcliffe, Ciaran Hinds, Janet McTeer
Sortie le 14 mars 2012
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