Fort du succès de Once, l’Irlandais John Carney a traversé l’Atlantique en 2014 pour les besoins de New York Melody. Ce film musical avec Marc Ruffalo et Keira Knightley, porté par les mélodies pop guimauves d’Adam Levine, le chanteur de Maroon 5, apparait désormais comme un intermède insipide. Carney revient sur ses terres pour signer, avec Sing Street, un film sensiblement plus personnel. Le bassiste devenu réalisateur s’attache, dans ses films, à transmettre l’émotion de la réunion entre le cinéma et la musique. Ses films, pétris de références cultes, à défaut d’être pointues, sont entrecoupés de créations originales, de véritables mini-clips. Dans Sing Street, un feel-good-movie dans un contexte intéressant, son style fait sens.

Rock, culs bénis et envie d’évasion

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Conor (Ferdia Walsh-Peelo) est un ado, qui vit dans un Dublin en proie à la crise qui l’a touché dans les années 80. Faute de travail décent, les jeunes partaient en masse chercher la bonne fortune en Angleterre. La misère commence à toucher sa famille qui se déchire autour de parents au bord du divorce. Pour faire des économies, il doit rejoindre une école catholique publique, réputée pour sa violence. Initié par son grand frère (Jack Reynor, Macbeth), il se découvre une passion pour la musique pop, rock, métal et new wave qui connait son apogée. Il ne manque jamais Top of the Pops à la télé et s’imprègne comme une éponge des Dunran Duran, The Cure ou encore David Bowie qu’il admire. Pour séduire la belle Raphina (Lucy Boynton), il décide de monter un groupe avec ses copains de lycée. Raphina devient sa muse. Petit à petit, les adolescents naïfs et boutonneux se métamorphosent jusqu’à devenir de véritables bêtes de scène.

[quote_center] »Dans Sing Street, un feel-good-movie dans un contexte intéressant, le style de John Carney fait sens. »[/quote_center]

À un rythme effréné, John Carney déploie dans Sing Street, qui a récemment triomphé au Festival de Dinard, une partition très plaisante, de la misère sociale ambiante à l’amourette tendre, en passant par le drame familial poignant qui fait la part belle à la relation complice entre frères. La transformation physique et mentale du gamin timide au rockeur affirmé, à la fois dans la coiffure, les vêtements et même le maquillage, le fait passer du grotesque déguisement à l’affirmation sociale et culturelle d’une impressionnante confiance en soi. À aucun instant, le doute ne semble possible : un véritable groupe irlandais est en train d’éclore – et tant pis pour le suspense.

Avalanche de personnages

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John Carney joue également sur l’émotion procurée par certains aspects de son histoire. Raphina, qui passe habilement de l’artificiel au naturel, paraît bien plus mature que Conor, sans que cela ne l’empêche de faire de mauvais choix. Il est également facile de comprendre Brendan, le grand frère protecteur, désabusé et nostalgique de l’avenir qu’il a perdu. Mais en dehors de ce trio formé autour de Conor, les personnages manquent de saveur. Occultés par la personnalité fraternelle imposante, la sœur de Conor et les parents incarné par Maria Doyle Kennedy (The Tudors) et Aidan Gillen (Game of Thrones) s’avèrent particulièrement mal écrits.

De même, le fameux groupe de débutants, sorte de gang d’outsiders maldroits à la Stranger Things en version musicale, aurait mérité un peu plus d’attention. Du producteur en herbe, sorte d’incarnation de la jeunesse du réalisateur à l’écran, au partenaire de compo idéal à la manière d’un Paul McCartney pour John Lennon, si des personnalités se dessinent, elles restent en surface, de simples figurants.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Troissurcinq
Sing Street
De John Carney
2016 / Angleterre-Irlande / 106 minutes
Avec Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynory
Sortie le 26 octobre 2016
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