Vanishing : suspense coréen… à la française
Film franco-coréen, Vanishing nous amène en territoire connu, mais avec l’œil d’une étrangère jouée par Olga Kurylenko.
Il est parfois rafraîchissant de replonger dans un genre que connu sur le bout des doigts, mais manipulé par un outsider. En l’occurrence ici, le thriller criminel sud-coréen, genre ô combien maîtrisé par les cinéastes locaux depuis Park Chan-wook et Bong Joon-ho et qui a contribué à la renommée de cette cinématographie. Avec Vanishing, production essentiellement française, c’est à un réalisateur étranger dans tous les sens du terme à cet univers, Denis Dercourt, qu’il incombe de revisiter ce pays, ce genre et ses clichés, ses tropismes (machisme et paupérisation, villes tentaculaires, corruption des élites, violence très graphique) avec un regard neuf. Quoi de mieux pour ce faire que d’imposer en héroïne une Française elle-même parachutée hors de son élément, dans une culture et une ville qu’elle connaît à peine ?
Les disparues de Séoul
Cette ville, c’est Séoul. Une capitale bouillonnante aux confins boisés où un cadavre est retrouvé, quasiment inidentifiable, dans une valise jetée dans la rivière. Le générique de Vanishing détaille avec une absence d’explication qui n’empêche pas la clarté le cheminement macabre de ce corps inerte, résultat de ce qui semble bien vite être un trafic d’organes, organisé avec soin et sans aucun scrupule pour les victimes – des jeunes filles chinoises piégées par une agence d’intérim locale. Jin-ho (Yoo Yeon-seok), inspecteur efficace et magicien à ses heures perdues, est chargé de l’affaire et sollicite le renfort d’une pathologiste française, Alice (Olga Kurylenko, à l’opposé de ses récents rôles dans Sentinelle et The Room), qui a développé une méthode de prise d’empreintes digitales novatrice. Grâce à leur enquête, les mécanismes du trafic sont dévoilés un par un, alors qu’en parallèle, le chirurgien impliqué et sa femme tentent sans succès d’arrêter les frais…
« Vanishing n’est pas du genre rentre-dedans, mais plutôt gentiment classique. »
Avec des éléments aussi noirs (espérons que vous n’êtes pas allergiques aux scènes d’autopsie), une galerie de personnages veules ou carrément menaçants à opposer à son couple de héros, des scènes de suspenses retors et des innocents, femmes comme enfants, mis constamment en péril, Vanishing a tout pour s’inscrire dans la tradition du genre. Dercourt a dû adapter le roman dont il s’inspire, Les disparues de Shanghai de Peter May, à un nouveau pays et une nouvelle société, mais Vanishing se fond presque totalement dans un moule qu’on aurait imaginé plus malmené par la personnalité de son metteur en scène, entouré d’une équipe pluriculturelle. Nous percevons la volonté de proposer quelque chose de différent dans la place que prend la romance semi-avouée entre Alice et Jin-ho, dans le son d’un saxo de film noir qui plane sur le métrage, dans ces séquences mollassonnes où Alice en apprend plus sur la culture locale aux côtés de sa traductrice.
Cette volonté de mixer nonchalance sentimentale et polar violent coince un peu au final Vanishing au milieu du gué. Contrairement à un No Mercy (qui en 2010 démarrait de la même manière), le film de Dercourt n’est pas du genre rentre-dedans, mais plutôt gentiment classique. Rien n’ennuie, mais rien ne dépasse non plus, y compris le trauma presque secondaire d’Alice, reléguée pendant une bonne heure au rang de touriste jet-laguée après avoir été présentée comme une pionnière énergique. Le côté frais est bien là, le côté révolutionnaire, beaucoup moins.