Qu’on se le dise, le mois de novembre 2012 s’est révélé plutôt belliciste sur le front des sorties direct-to-video. C’est un dogme commercial dont nous reparlerons bientôt, mais l’approche des fêtes a tendance à rendre les distributeurs un poil guerriers, et lorsque ce ne sont pas de merveilleux dessins animés de seconde zone qui envahissent les étals pour les fêtes, ce sont les coffrets « films de guerre » pour papa qui font office de tête de gondole. Ce mois-ci donc, la sélection BTW se teinte de rouge et fait sonner les trompettes, avec du « raid », de la « war », du « barbare » et du « front » au menu. Allez, bonne lecture… et bonne chasse !
Demain quand la guerre a commencé
Un film de Stuart Beattie, avec Rachel Hurd-Wood, Caitlin Stasey, Lincoln Lewis
Sorti le 19 novembre – Metropolitan
Genre : action
De la même manière que le crétin Hunger Games était une version teenage et aseptisée de Battle Royale, Demain, quand la guerre a commencé (quelle somptueuse antinomie) est une version inoffensive et étrangement anachronique de L’aube rouge. Comme dans le petit classique de John Milius, une bande de teenagers se retrouve isolée en forêt au moment où une armée étrangère (les Russes en 1984, une coalition asiatique ici) envahit leur pays. Malgré leurs têtes de minets, les six post-ados décident de prendre les armes et de lutter contre l’oppresseur avec les moyens du bord. Succès monstre en 2010 dans son pays natal, l’Australie, Demain… est un spectaculaire film d’aventures profitant de paysages idylliques et d’une réalisation efficace du newbie Stuart Beattie, scénariste de Pirates des caraïbes et Collateral. L’histoire a beau être invraisemblable, on s’attache à ce groupe de « Wolverines » des Antipodes, aussi cliché que glamour : Beattie adapte ici le premier tome d’une série de romans à succès, et compte bien réaliser les deux séquelles prévues (la fin ouverte est là pour les annoncer). Manque juste une chose : un potentiel à l’exportation, dont Demain… manque cruellement malgré sa réputation au pays de Peter Weir.
Ronal le barbare
Un film de Thorbjorn Christoffersen & Kresten Vestbjerg Andersen & et Philip Lipski
Sorti le 2 novembre – Seven Sept
Genre : comédie d’aventures
Qu’on se le dise, les Danois aussi ont envie d’animation. Alors que se succèdent dans les salles les dernières grosses productions de Dreamworks et Disney, le dessin animé Ronal le barbare, malgré ses nombreux atouts, échoue lui directement en vidéo. Il faut dire que cette production chapeautée par trois réalisateur-scénaristes aux noms imprononçables (surtout si on est paresseux), n’est pas spécialement destinée aux enfants. Imaginez une vision parodique de Conan le barbare, piochant ça et là dans l’univers de Tolkien, le jeu vidéo Brutal Legend ou des BD comme Ingmar le viking, et où les gags reposent sur les flatulences, des testicules volants ou des amazones nymphomanes. Vous y êtes ? Rajoutons une ambiance « hair métal » savoureuse convoquant entre autres le chanteur de Twisted Sister et un morceau final intitulé « Barbarian Raphsody », et vous aurez une idée du délire régressif auquel vous attendre. Ronal le barbare, bien qu’un peu modeste aux entournures (la modélisation fait très années 2000, les visages des personnages sont très sommaires), carbure autant à l’humour absurde qu’aux péripéties spectaculaires, et constitue un amour de divertissement malpoli, du genre qu’on ne verra jamais en double programme avec Niko le petit renne 2.
Space Time, l’ultime odyssée
Un film de William Eubank, avec Gunner Wright, Bradley Horne
Sorti le 6 novembre – Emylia
Genre : science-fiction
William Eubank est un débrouillard. Il fallait en effet une certaine maîtrise du système D pour concocter avec à peine un demi-million de dollars un space-opera réflexif, le genre de projet qui amène à dessiner des comparaisons avec des pointures du genre 2001, l’odyssée de l’espace. Un parallèle que le distributeur français s’est empressé de souligner au marqueur rouge avec un titre fourre-tout incompréhensible. En anglais, Space Time se dit Love, du nom de l’album concept du groupe Angels & Airwaves qu’Eubank adapte indirectement. Chose surprenante, on entend assez peu la musique d’« A&A » dans Love, huis-clos étrange se déroulant dans une station spatiale habitée par un homme de plus en plus seul. Normal : sur Terre, l’humanité est en train de s’auto-détruire, comme elle le fait depuis la nuit des temps, ce que nous rappellent des flash-backs retraçant des batailles de la guerre de Sécession. Bref, Eubank marche tout de même un petit peu sur les plates-bandes de Kubrick, voire même de Mission to Mars, jusqu’à l’illumination finale du héros, qui passe par tous les états avant d’atteindre celui de la transcendance. Fans de Moon, Love pourrait vous plaire, si vous passez outre le côté lo-fi et l’absence de réelle intrigue, que compense une courte durée et la débrouillardise étonnante d’Eubank pour rendre son film crédible avec des décors de bric et de broc.
Le grand raid
Un film de John Dahl, avec James Franco, Benjamin Bratt, Joseph Fiennes
Sorti le 13 novembre – Studio Canal
Genre : guerre
C’est le moment d’avoir une pensée pour John Dahl. Réalisateur célébré pour sa « trilogie noire » (Kill me again, Red Rock West, Last Seduction, que des perles du genre), Dahl a perdu de son aura à la suite de projets avortés et de déceptions commerciales où pointait pourtant encore son talent de conteur inimitable (Les joueurs, Une virée en enfer). Sa carrière a définitivement flanché à la suite de ce Grand Raid pas honteux, voire même spectaculaire, mais le film a été jeté aux ordures par ses producteurs, les frères Weinstein, au moment de la guerre avec Disney. Tourné en 2005, sorti en 2008 aux USA, Le grand raid retrace l’histoire vraie du sauvetage de 500 prisonniers de guerre américains aux Philippines, en 1945, par une unité de Rangers inexpérimentée. Le casting est solide à défaut d’être prestigieux, les moyens conséquents, l’émotion est là malgré un rythme hoquetant. Bref, Le grand raid n’a pas à rougir de la comparaison avec les vieux classiques traitant des batailles du Pacifique, comme Retour aux Philippines avec John Wayne. John Dahl, lui, est devenu un réalisateur de télévision prolifique, tournant du Dexter ou du Californication à la chaîne.
Front de l’Est
Un film de Gerado Herrero, avec Juan Diego Botto, Carmelo Gomez
Sorti le 6 novembre – Aventi
Genre : guerre
Un film de guerre inhabituel que ce Front de l’Est, au titre français trompeur puisqu’il n’est guère question, dans ce film espagnol de Gerado Herrero (surtout connu pour ses productions, comme Dans ses yeux ou Tetro) de batailles et d’explosions. Front de l’Est est en fait une enquête à la Seven dans une ambiance à la Stalingrad. Deux soldats d’une division de Franco envoyée en Lituanie pour soutenir les troupes allemandes, se retrouvent malgré leurs différences (l’un est un ancien inspecteur de police, l’autre un franquiste convaincu) à devoir traquer un serial killer qui décime un par un leur troupe, constituée d’hommes idéologiquement opposés, venus se battre pour des raisons bien différentes. Le contraste, qui tient de l’absurde, entre les tueries de masse, les conditions climatiques intenables du front, et cette minutieuse enquête ciblant des personnes bien particulières constitue le principal intérêt de Silencio en la nieve (titre original), dont le rythme lent n’exclue pas certains plans d’une beauté stupéfiante (notamment la scène d’ouverture avec ses chevaux glacés).