Séance de rattrapage : The Power
Cachant sous une dose de frissons rétro un propos engagé, The Power n’en reste pas moins un film d’épouvante faiblard, lardé de poncifs.
Les films fantastiques, et en particulier d’épouvante, ont souvent beau jeu de mettre en avant sur leur affiche ou en ouverture qu’ils sont « tirés de faits réels ». Une annonce assez fantaisiste dans la plupart des cas, mais pour ce qui est du contexte social et temporel dans lequel se déroule The Power (à ne pas confondre avec la série Prime Video du même nom), il n’y a rien à redire. Ce premier long-métrage britannique signé et mis en scène par Corinna Faith prend place à Londres en 1974, alors qu’un conflit social avec le gouvernement entraîne des coupures nocturnes programmées d’électricité dans toute la capitale. Un épisode véridique, et surtout un prétexte idéal pour imaginer durant ces blacks out réminiscences du blitz londonien une histoire horrifique tirant parti des ténèbres profondes qui envahissent la ville – ou plus précisément un hôpital délabré, qui comme celui de Lars Von Trier abrite son lot de spectres un peu envahissants.
L’hôpital et ses fantômes
La victime en puissance de The Power s’appelle Valerie (Rose Williams, vue dans la série Reign). Une jeune femme sans famille, dont le rêve de devenir infirmière devient justement réalité le jour où la lumière commence à manquer dans son premier hôpital. L’établissement en question n’est pas une sinécure : labyrinthique et vieillissant, l’endroit est fidèle à l’idée qu’on s’en ferait dans les seventies, et un décor qui même avec ses lumières blafardes allumées, angoisse plus qu’il n’apaise les sens. Confrontée de suite à une hiérarchie crispée et des collègues de travail tantôt compatissantes, tantôt condescendantes, Valerie va en plus être obligée de faire immédiatement des heures supplémentaires : elle doit prendre une garde de nuit dans le noir ou presque, alors qu’une majorité de patients est évacuée. C’est le moment que choisit la présence fantomatique qui hante les lieux pour s’en prendre à elle…
« Malgré sa courte durée et son propos implacable sur les violences faites aux femmes, le résultat tourne rapidement à vide. »
Même s’il collectionne tous les éléments constitutifs du film de fantômes (forces invisibles et jump scares, femmes et enfants en péril, crime impuni, obscurité menaçante), The Power veut être plus qu’une série B. Cela se sent dès son titre polysémique, qui désigne tout aussi bien la force surnaturelle qui s’empare de Valerie – jusqu’à en faire une contorsionniste schyzo aux yeux révulsés, vision elle aussi familière – que celle qui régit cet hôpital aux relents patriarcaux réactionnaires. Le genre est tellement rebattu qu’il ne faut pas longtemps pour comprendre que les attaques qui s’abattent sur l’hôpital n’ont rien de gratuit ou même de démoniaque : si un fantôme s’en prend aux humains, c’est en général parce qu’il réclame justice. Corinna Faith ne laisse certes rien au hasard (la photo et la musique sont au diapason du propos), mais son film ne génère hélas pas beaucoup de sursauts ou de surprises. Malgré sa courte durée et son propos implacable sur les violences faites aux femmes, le résultat tourne rapidement à vide. Le casting est inégal, les limites du budget visibles, la dimension horrifique très timide – tout se passe hors champ ou par des effets cut presque illisibles. Bref, The Power n’a rien d’assez puissant pour marquer les mémoires une fois ses mauvais esprits rassasiés de vengeance.