Princess Bride : un conte pour les gouverner tous

par | 8 août 2011

Vingt-cinq ans après sa sortie, Princess Bride, conte de fées unique en son genre signé Rob Reiner, n’a pas pris une ride.

Vingt-cinq ans après sa sortie, Princess Bride, conte de fées unique en son genre signé Rob Reiner, n’a pas pris une ride. C’est l’apanage de tous les contes de fées, mais celui concocté par Bill Goldman et Rob Reiner est unique en son genre. C’est l’histoire d’un petit garçon pas si malade qui tue le temps en jouant dans sa chambre à un affreux jeu de base-ball (1) jusqu’à ce que Colombo, mais avec une moustache, débarque pour raconter une histoire à son petit-fils.

Il ne cède pas encore ici aux excès de sensiblerie qui lui feront enchaîner des comédies romantiques oubliables dans la deuxième partie de sa carrière. Rob Reiner est en pleine possession de ses moyens, et transforme malgré un budget serré un bouquin mineur de William Goldman (il l’a écrit pour ses filles, dans un genre où il ne s’est pas souvent aventuré) en formidable réflexion sur le genre littéraire du conte de fées, et celui, plus cinématographique, du film de cape et d’épées.

You killed my father. Prepare to die !

Princess Bride ne se moque pas des clichés propres à cet univers : il s’en délecte, détectant le ridicule propre à chaque convention pour, assez subtilement, en offrir sa propre version, qui réussit à être à la fois touchante et totalement exagérée. On pourrait appeler ça du cynisme : les remarques du petit-fils joué par Matt Savage interrompent par exemple régulièrement l’histoire pour en souligner les clichés. Une forme de commentaire intra-diégétique (ce qui veut dire qu’en gros, le film se parle à lui-même) que des films comme Scream et ses suiveurs ont poussé jusqu’au point de non-retour. Mais le film de Reiner est plus subtil : bientôt, ces commentaires cessent (« tu veux que je te raconte l’histoire ou pas ? »), et tout comme l’enfant, le spectateur abandonne ses réticences face à une histoire pas si innocente qu’elle n’en a l’air.

C’est le propre de William Goldman : le scénariste oscarisé de Butch Cassidy et le Kid et Marathon Man est aussi un dialoguiste de renom, et Princess Bride en apporte une preuve éclatante. Bavard à souhait, le film rebondit de réplique en réplique en affirmant à chaque fois, un peu plus, son identité. « My name is Inigo Montoya », « Anybody want peanuts ? », « He didn’t fall ? Inconceivable ! »… Les exemples pleuvent autant que les rires qui ponctuent chacune de ces perles, déclamées avec un visible plaisir par une tribu d’acteurs maniant à la perfection le sourire complice tout en jouant leur partition au premier degré. Couple de méchants guindés et absolument délicieux, Christopher Guest et Chris Sarandon ne sont toutefois pas aussi anthologiques que le fermier/pirate Westley (Cary Elwes, qui n’avait pas encore ses joues de castor), et le trio de brigands composé par Montoya (Mandy Patinkin), Vizzini (Wallace Shawn) et Fezzik (le regretté André the Giant). Chacun a son moment de gloire, un duel par-ci, une saillie drolatique par-là. Même Billy Crystal passe faire bonjour, caché sous des tonnes de maquillages.

Fantaisies de l’imagination

Le résultat ne serait toutefois pas aussi délicieux si la réalisation de Reiner et la photo digne d’une enluminure d’Adrian Biddle (futur spécialiste du film d’aventure, auprès de Ridley Scott et de Stephen Sommers) ne tenaient pas la route. Tourné dans la campagne anglaise, dans des paysages entièrement naturels – même le château moyenâgeux a été utilisé tel quel, tentures comprises – Princess Bride en remontre à bien des productions plus cossues, et sait utiliser le côté artificiel de ses décors de studio quand il faut. Le duel entre Westley et Montoya, qui rappelle autant Douglas Fairbanks qu’Errol Flynn (références avouées du réalisateur et de son auteur), se situe ainsi sur la paroi d’une falaise tout sauf réelle. Reiner sait nous rappeler qu’il s’agit d’une fantaisie, la traduction de l’imagination d’un enfant écoutant une histoire qui le transporte hors du temps – même si nous sommes apparemment au Moyen-Âge, dans des contrées aux noms toutefois imaginaires.

En avance sur son temps (il n’y a qu’à se pencher sur les productions de l’époque, de Labyrinth à Willow en passant par L’Histoire sans fin, pour constater que le film était loin au-dessus de la mêlée), Princess Bride connaît un succès qui ne se dément pas. Comme l’équipe se plaît à le noter, chaque génération recommande à ses enfants de voir ce film qui a bercé ses jeunes années. « Nous n’imaginions pas devenir Le Magicien d’Oz de cette époque » avance même Mandy Patinkin (mmm… aux États-Unis, peut-être, mais chez nous… pas vraiment). Quoiqu’il en soit, le film a généré sa propre fanbase, et même son propre site Internet, www.princessbrideforever.com. Et pour n’importe quel trentenaire ayant succombé à ses charmes, la simple mention de la princesse Bouton d’Or ou d’Inigo « Hello » Montoya suffit à rappeler de grands souvenirs. N’était-ce pas là le but premier de Rob Reiner ?

(1) Nommé Hardball pour l’anecdote. Les bruitages du jeu d’Accolade Inc. étaient tellement mauvais qu’ils les ont doublé pour les besoins de la scène. Oui, c’est vrai, je ne suis peut-être pas très retro-gaming. Mais rendons-nous à l’évidence : le jeu vidéo, ça vieillit mal. Sauf le 16 bits.