Vous n’en rêviez pas, on l’a fait quand même. La rubrique « Qualité France », repère de trailers méchamment cafardeux, puissamment nanardesques, est de retour. Parce qu’on a de la matière, voyez-vous. L’époque est plutôt chiche en comédies beaufisantes appelant au facepalm généralisé (quoique l’adaptation garantie 100 % glucose de la BD Joséphine semble assez proche de cette définition), mais question productions improbables éclairées comme un court-métrage étudiant et filmées dans le trois-pièces cuisines de votre tante du 15e, l’année 2013 semble être un très bon cru, comme le prouvent les trailers qui suivent.
On vous rappelle quand même le principe, qui est de descendre en flammes des films frenchy sur la seule base de leur bande-annonce. Au moins, si on s’est trompé, on pourra toujours dire que c’était la faute du monteur : si deux minutes d’images censées vous donner envie de voir un film finissent par en paraître vingt, c’est généralement qu’il y a un problème, non ?
Pour cette troisième fournée, ont donc été sélectionnés quelques drames, une comédie, une comédie dramatique… Enfin, ça reste assez flou, hein, parce que dans certains cas, on est pas sûr que les auteurs de la chose sachent eux-mêmes ce qu’ils sont en train de réaliser. La preuve par quatre.
Noémie redouble
Ah, Noémie Llovsky. On ne lui voulait pas de mal jusqu’à présent, à l’actrice et réalisatrice quarantenaire. Collaboratrice de Desplechin, second rôle solide… Et puis est venu Camille redouble, chronique sur la jeunesse perdue couverte d’honneurs et de nominations aux Césars, quand bien même le film n’est qu’un remake à peine assumé de Peggy Sue s’est mariée blindé de faux raccords et de perruques affreuses. Depuis, Noémie, on a envie de la baffer plus qu’autre chose, et ça ne risque pas de changer avec Chez nous c’est trois !, nouvelle comédie énergique (rires) de Claude Duty, le visionnaire derrière Filles perdues, cheveux gras et Bienvenue au gîte. Llovsky y incarne… une réalisatrice qui part en « province » (comprendre dans un trou perdu avec son église et ses salles de MJC) présenter son film « Baisers fanés ». Elle tombe sur son amour d’enfance et… un spécialiste des bises, censé donner une justification à un titre dont le double sens a sans doute échappé à son réalisateur. Avec sa musique de salle d’attente, ses gags vieillots, ses seconds rôles faussement osés (Judith Godrèche en pimbêche, quelle bonne idée) et sa photographie terne comme un pluvieux jour de mai, la bande-annonce est un grand moment de solitude. Mais tout n’est pas perdu : selon le site toutelaculture.com, qui a eu la CHANCE de voir la chose, c’est « un concentré de vitamine à s’offrir sans complexe et sans complexité ». Bon déjà, ça ne veut pas dire grand chose, mais surtout, vous prenez quoi comme vitamines ?
La punchline qui vend du rêve : « J’étudie la géographie des plaques tectoniques des bises »
Éloge de la rebellitude
Bon alors, très honnêtement, il est permis d’être un peu optimiste en ce qui concerne le film de Pierre Godeau, Juliette. Déjà, les producteurs de Wild Bunch ont eu la bonne idée d’embaucher un vrai monteur pour mettre en boîte le trailer, ce qui est plutôt utile pour donner du peps à un film censé parler de l’indécision de la jeunesse. Le vrai problème de Juliette, ça semble être plutôt ça : l’héroïne a 25 ans (« l’âge des possibles, l’âge des amants » nous apprend le pitch officiel… euh c’est pas plutôt quand on a 20 ans que tout est possible ?), elle n’a pas envie de grandir, ni de travailler. Juste de faire la fête, de courir très vite la nuit, de faire des bulles et de sauter dans les vagues. C’est un thème intéressant, mais ça ne suffit pas pour faire un film. Et ce n’est pas la présence de l’excellent Féodor Atkine qui va y changer quelque chose : dans Juliette, il y a quand même de fortes chances que malgré les chouettes images, on se fasse gentiment chier et qu’à la fin, on nous dise que grandir c’est nul et que la rebellitude romantique, c’est quand même une belle idée.
La punchline qui vend du rêve : « T’as-bientôt-25-ans-t’as-terminé-tes-études-l’année-dernière-tu-fais-plus-rien-c’est-quoi-ton-problème ? »
À quand le suivant ?
Vous avez déjà entendu parler de René Féret ? Non ? Mais enfin, ce gars-là a eu le prix Jean Vigo en 1975 quand même ! Il a réalisé La communion solennelle, Promenades d’été et Les frères Gravet. C’est cuuuulte, quoi, René Féret. Non ? Bon, okay, peut-être pas. Après avoir fait tourner sa fille Marie dans deux films d’époque (vous voulez vraiment les titres ?), René Féret se la joue Nuit Américaine avec son très attendu Le prochain film – quel titre, quand même -, qui parle on l’aura compris de cinéma. C’est l’histoire de deux frères, dont l’un propose à l’autre de jouer dans son film, qui sera une comédie adaptée de Feydeau, qui est un peu le Shakespeare des comédiens français…en moins intemporel. S’ensuivent discussions dans la cuisine de chacun et chacune, plans fixes ou tremblants sur des comédiens essayant d’être drôles en faisant semblant d’être bêtes, et non-rythme général nous assurant que cet « autre film »-là ne restera pas dans les mémoires. Et tant pis pour les acteurs comme Frédéric Pierrot (Les Revenants), qu’on aime beaucoup plus quand ils ne viennent pas se perdre dans des micro-drames nombrilistes et anémiques comme celui-là.
La punchline qui vend du rêve : « Le comique… Se caractérise… Par la cocasserie des situations » (non ?!)
Incroyable mais nul
Là, très clairement, on a gardé le meilleur pour la fin. Quelque chose se passe dans Inavouables, dès les premières notes de musique de la bande-annonce : le psychodrame meurtrier en PACA, le casting hystérique, les plans filmés dans le noir où on ne voit rien, les dialogues murmurés ou hurlés directement dans la perche, le montage aux fraises… Inavouables, c’est du n’importe quoi de compétition (« inspiré de faits qui pourraient vous arriver », scande l’affiche. Fichtre, quelle audace !). Un truc qui se donne des grands airs de film mystère et vaguement cul en plaquant du violon, du piano et du Nougaro sur ses images délavées, avec des acteurs qu’on jurerait sortis d’une audition ratée de Plus belle la vie. Le réalisateur leur fait même débiter leurs répliques face caméra, comme dans une version fauchée des Ch’tis à Saint-Tropez. Inavouables, c’est une sorte de petit exploit à son échelle : une bande-annonce qui donnerait presque envie de voir le produit fini, histoire d’autopsier en détails les ingrédients d’un authentique navet à la française. Mais bon, c’était bien marqué « presque », hein. On se calme.
La punchline qui vend du rêve : « J’n’avais jamais vu un mort… (longue pause)… il était dans ma salle de bains »
Nougaro n’a rien à voir avec ce film.
Ah ça n’est pas lui qu’on entend à la fin de la bande-annonce ? My mistake si c’est pas le cas, alors.
La punchline qui vend du rêve est beaucoup mieux que celle que vous citez et que voici :
« Je n’avais jamais vu un mort (longue pause) C’était comme ma salle de bain ». Sublime !
C’est pas si éloigné, non ? 🙂