Alors que son Green Inferno, hommage aux films de cannibales italiens et à Ruggero Deodato en particulier, se fait toujours attendre sous nos latitudes, Eli Roth continue en parallèle son petit bonhomme de chemin en tant que producteur, avec diverses fortunes. Fort du succès inattendu du Dernier Exorcisme, qui a donné lieu à une inutile séquelle, Roth est apparu ensuite au générique de L’homme aux poings de fer de RZA, la série horrifique Hemlock Grove ainsi que du nouveau Ti West, The Sacrament. Des projets qui, entre pur opportunisme et paris risqués, laissent généralement circonspects. C’est également le cas d’Aftershock, l’enfer sur terre, improbable co-production américano-chilienne (à ne pas confondre avec le blockbuster chinois, donc), dont le poilu réalisateur a eu l’idée en partant en vacances peu après les tremblements de terre ayant touché le Chili, et fait 525 morts. Et si une éruption en pleine ville permettait soudain à des détenus de s’évader de prison pour semer la terreur parmi les survivants ?
[quote_right] »C’est le moment où on se dit qu’une séance de repassage serait sans doute plus utile. »[/quote_right]Ce mélange de film catastrophe et de survival horrifique tente tellement le cinéaste qu’il part illico en Amérique du Sud superviser la production d’Aftershock, tourné pour deux millions de dollars avec un casting majoritairement chilien sous la direction d’un petit surdoué de la comédie locale, Nicolas Lopez. Histoire d’assurer une bonne promotion internationale pour son bébé, Roth y joue aussi l’un des rôles principaux, convaincu qu’il est depuis Inglorious Basterds d’être un comédien accompli. Le talent limité et l’aisance toute relative de Roth devant une caméra passent cependant inaperçus dans le film, puisque en dehors de l’acteur Nicolas Martinez, sosie de Zach Galifianakis avec lequel il partage la vedette, l’intégralité du casting joue comme un pied. Mais à la limite, ce n’est même pas ce qui est demandé à Aftershock, lequel échoue à remplir les conditions syndicales d’un bon divertissement.
Chili con carnage
Même s’il n’est pas crédité officiellement au scénario, il est impossible en suivant la première demi-heure du film de ne pas penser aux réalisations de Roth, tant la formule semble maintenant lui coller à la peau : comme dans Hostel, trois potes portés sur la fiesta, les filles et les drogues douces prennent du bon temps sur les plages chiliennes. Curieusement, l’un d’eux seulement, Gringo (sic), est américain, ce qui explique pourquoi il est joué par Roth, mais pas comment il connaît ses amis. Bref. Après de multiples et inintéressantes rencontres en boîte de nuit ou à une dégustation de vins (parce qu’au Chili, ils font du vin, okay ?), le trio se retrouve en compagnie de trois charmantes femmes, dont deux sœurs, dans une boîte de nuit où le danseur star s’avère être un adepte du break dance. C’est au moment où on se dit qu’une séance de repassage serait sans doute plus utile que de se torturer à suivre une introduction aussi molle du genou, que le tremblement de terre promis se déclenche enfin. La caméra bouge dans tous les sens, la moitié des figurants se fait écraser par le plafond, c’est la panique, bref, on a enfin l’impression qu’il se passe quelque chose.
À partir de là, Aftershock montre à la fois ses atouts et ses limites, à savoir un budget permettant de décorer avec crédibilité quelques rues en ruines, mais pas de concevoir des effets numériques dignes de ce nom. Gringo et toute l’équipe se retrouvent bien souvent à fixer un point derrière la caméra sans que le film ne daigne enchaîner avec un contre-champ spectaculaire. Par la force des choses, et de manière assez incohérente, ce sont alors les filles, que l’on connaît à peine et qui sont toutes interchangeables – l’une d’elles est définie par son tatouage dorsal, c’est dire – qui prennent le dessus. Est-ce un hasard si les actrices s’avèrent être comme par hasard d’anciens mannequins (on a même droit à un caméo incongru de Séléna Gomez, créditée en tant que « VIP girl » – re-sic) ?
Après plusieurs morceaux de bravoure au suspense éventé (Ariel, le pote devenu manchot, va-t-il périr dans ce funiculaire qui grince depuis dix minutes ? Suspense !), les détenus font leur apparition, bien plus meurtriers et impitoyables que la Nature elle-même. Aftershock verse alors de plus en plus dans le gore frontal et bien racoleur, avec une volonté de réalisme mal placée vu l’indigence des effets spéciaux et l’invraisemblance du script (le pompier gentil qui devient tout d’un coup psychopathe décroche le pompon du nawak total). On a même droit à un tsunami façon Asylum des plus pitoyables. Pas aidé par des choix de production assez discutables, une photographie assez hideuse qui tire tous les plans nocturnes dans le violet, des cadrages étriqués, des décors trop vides pour être honnêtes et une impression de bâclage généralisé, Aftershock s’avère être un spectacle pénible et beaucoup moins choquant qu’il ne le voudrait.
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Aftershock, de Nicolas Lopez
2012 / Chili – USA / 90 minutes
Avec Eli Roth, Andrea Osvart, Natasha Yarovenko
Sorti le 27 novembre chez Wild Side Vidéo
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