Found, mon frère, ce serial-killer

par | 26 octobre 2022

Found, mon frère, ce serial-killer

Opus choc sorti de nulle part, Found est un micro-budget aussi extrême que sensible. Un vrai coup de cœur déconseillé aux âmes sensibles.

Inédit depuis sa présentation au Festival du film fantastique de Bruxelles (BIFFF) en 2012, Found est un uppercut qui frappe sans prévenir en dépassant sa simple dimension de film d’horreur un peu (non, très) gore pour toucher à des thèmes graves. Ce type de surprise arrive toujours de nulle part, et dans le cas de Found, l’expression n’est pas usurpée. Le film est l’œuvre d’un cinéaste inconnu chez nous, Scott Schirmer, qui n’avait signé que des courts-métrages. Rien qui puisse augurer d’un long aussi maîtrisé. Le pitch est d’une efficacité désarmante : Marty, 12 ans, est un fan solitaire de films d’horreur pour qui la vie commence à flirter avec la fiction quand il découvre une tête coupée dans le sac de son grand frère, Steve, et réalise que celui-ci est un serial-killer. Sujet aux moqueries de ses camarades, isolé par sa passion pour les BD et les séries Z gore, Marty ne peut s’empêcher d’admirer son frérot tout en redoutant son « autre personnalité ». Found se transforme en un récit initiatique tordu et pervers, au fur et à mesure que l’influence de Steve déteint sur un Marty soudain ouvert au pouvoir cathartique de la violence. Seulement, Steve lui n’est pas du genre à faire dans la demi-mesure…

Une famille formidable

Found, mon frère, ce serial-killer

Tourné pour moins de 10 000 dollars dans les paysages champêtres et banlieusards de l’Indiana, Found impressionne dès son générique animé, dans lequel les super-héros de BD créés par Marty prennent vie le temps d’une sanglante nuit. Le film sent à plein nez le système D, l’esprit do-it-yourself, les imperfections techniques (notamment au niveau de la prise de son pour quelques séquences dialoguées) et le rendu froid de l’image vidéo est transcendé par une sublime direction photo, éthérée et évocatrice, qui renvoie parfois au À bout de course de Sidney Lumet. Cet emballage serait superflu s’il n’illustrait pas un scénario d’une profondeur et d’une sensibilité insoupçonnée. Située à une époque où les vidéo-clubs renferment encore des rangées de VHS gore et exotiques, Found est autant une déclaration d’amour au genre qu’une analyse douloureuse des effets induits par cet amour. Marty comme Steve sont nourris au film d’horreur, dans lesquels l’un trouve de « l’inspiration » (la K7 secrète de Steve, « Headless », est un torture-porn écœurant que Marty finit par prendre pour une illustration des méfaits de son frère) et l’autre une échappatoire. Ce lien qui les unit aveugle Marty sur la folie de Steve, qui finira, forcément, par se relâcher sur leurs parents, aussi bienveillants qu’absents, dans un dernier acte où le malaise et l’atmosphère de menace qui pesaient sur le métrage éclatent de manière extrême.

« Scott Schirmer peut se reposer, pour un exercice qui traite tout de même de thèmes aussi sensibles que le sadisme, l’inceste, le racisme ou la fascination pour la mort, vus par les yeux d’un enfant, sur deux acteurs fabuleux. »

Attention, donc, il est clair que Found n’est pas à mettre devant tous les yeux, car s’il induit une distance esthétique entre réalisme et série Z (dans la séquence « Headless », notamment, où le grain de la VHS disparaît brusquement), et établit en une phrase la morale paradoxale de son film (« Ma vie est en train de devenir un film d’horreur »), Scott Schirmer ne lésine pas sur les passages choquants, utilisés ici avant tout comme un outil discursif. Le film possède pourtant une certaine dose d’humour très noir, souvent introduit par la voix off de Marty, observateur émotionnellement de moins en moins détaché d’une histoire personnelle (les relations avec son père, qui était sans doute fan avant eux de vieux films de monstre ou avec son meilleur ami, qui ne supporte pas son côté passif) qui vire inexorablement au drame le plus brutal.

Deux frères, deux révélations

Schirmer peut se reposer, pour un exercice qui traite tout de même de thèmes aussi sensibles que le sadisme, l’inceste, le racisme ou la fascination pour la mort, vus par les yeux d’un enfant, sur deux acteurs fabuleux. Gavin Brown et Ethan Philbeck, dans leur premier rôle au cinéma, sont impressionnants de justesse et de charisme, Philbeck, formé au théâtre, étant encore plus mis à contribution dans un rôle exigeant qui mêle les registres de la folie pure et de l’amour fraternel, parfois dans le même plan. Ce sont leurs regards, leur parcours émotionnel compliqué et contradictoire, que capte à la perfection un cinéaste en herbe qui réussit à parler de l’enfance sans prendre de gants et sans se montrer complaisant. On n’est pas prêt en tout cas d’oublier leur dernière « explication », ainsi que cet ultime plan, chute ironique, choquante, remettant en perspective toute l’atmosphère de fausse innocence qui baignait le film. Une sacrée performance, qui malgré ses aspects extrêmes, mérite d’être découverte.