Ava : flemme fatale

par | 9 décembre 2020 | À LA UNE, Critiques, NETFLIX

Ava : flemme fatale

Tout entier dédié à son actrice et productrice Jessica Chastain, le paresseux Ava se veut à la fois drame familial et thriller d’action sexy, mais échoue malgré tout sur les deux plans.

C’était devenu un passage obligé, inévitable, pour une actrice du calibre de Jessica Chastain. Comme ses consoeurs Angelina Jolie, Jennifer Lawrence ou (évidemment) Charlize Theron, la star de Zero Dark Thirty se devait d’ajouter à sa déjà impressionnante carrière un rôle d’action woman en bonne et due forme. Un rôle physique, sérieux, tout en restant glamour – c’est la constante – avec de la baston et du complot. Pour Chastain, ce véhicule est donc Ava, un thriller qui marque ses retrouvailles avec le réalisateur Tate Taylor, après le carton désormais lointain (et plus vraiment assumé par ses actrices) de La Couleur des sentiments. La belle rousse y est bien seule en tête d’affiche, prête à cocher toutes les cases du film d’espionnage sexy post-Jason Bourne : identités multiples (et donc perruques à gogo), coups de pieds sautés, robes de soirées fendues et patrons douteux. Un programme roboratif, donc, mais appliqué avec si peu d’imagination qu’on se demande si le jeu en valait la chandelle.

Un coup de pied dans l’eau

Ava : flemme fatale

Cette production Netflix raconte donc les tribulations d’Ava Faulkner, tueuse à gages d’élite travaillant pour le compte d’une mystérieuse agence américaine qui semble n’avoir que trois employés, dont un John Malkovich grincheux et un Colin Farrell à la touffe impayable – les deux acteurs paient visiblement leurs impôts, mais donneront de leur personne lors d’un mano à mano tendu. Après un contrat réussi en France (mais visiblement tourné, comme le reste d’un film faussement globe-trotter, dans les alentours de Boston, décor principal du film), Ava, peu à peu rongée par les doutes sur ses missions, revient voir sa famille longtemps délaissée, dont sa mère (Geena Davis, ça faisait longtemps !). Par besoin de remplissage, ou de donner de la chair à un personnage dont on a déjà fait le tour psychologique dès la fin du générique, qui raconte tout sur Ava en deux minutes chrono, le film va passer beaucoup trop de temps à construire ses sous-intrigues sur Ava et sa sœur, Ava et son père disparu, Ava et son beau-frère-et-ex-petit-copain, Ava et ses problèmes d’alcool… Le drame familial remplit bientôt tout l’espace au détriment du pitch initial, déjà pas fameux (la tueuse qui se retourne contre ses supérieurs ? Oui, encore), réduisant le film d’action attendu à de brèves escarmouches, emballées sans génie.

« Ava possède cette capacité stupéfiante de s’évaporer de notre esprit alors même qu’on est en train de le regarder. »

Productrice du film, Jessica Chastain s’est donc donnée pour mission de faire un tout-en-un, entre drame familial, combats sanglants et poses sexy, mais le résultat tient plus de la sous-production Besson photocopiée sur un coin de nappe que de l’avatar féminin glorieux de Jason Bourne espéré. Tout est déjà vu, revu et jauni par le temps dans le scénario paresseux d’Ava, qui ne s’embarrasse d’aucune nuance et enchaîne les passages obligés avec la conscience d’un fonctionnaire en dépassement d’horaire. La photo est transparente, les décors sans vie, le montage son même pas toujours au point, le rythme inexistant et le mélange des genres ne fonctionne jamais (peut-on prendre au sérieux un film où Colin Farrell porte une telle moustache ?). Malgré l’implication de sa star toute-puissante, un peu aveuglée par sa volonté de faire du girl-power à tout prix, Ava possède cette capacité stupéfiante de s’évaporer de notre esprit alors même qu’on est en train de le regarder, à l’image de cette non-poursuite finale littéralement boiteuse. On attend donc sans espoir excessif le prochain film d’espionnage international de Chastain productrice, 355, qui vient d’être repoussé à 2022.