The Guest : vous allez rencontrer un beau psychopathe

par | 9 décembre 2015 | BLURAY/DVD, Critiques, VOD/SVOD

The Guest : vous allez rencontrer un beau psychopathe

Le nouveau joujou des auteurs de You’re Next est un thriller caustique et ludique, The Guest, un Drive version psychotique porté par un magnétique Dan Stevens.

En plus d’être un slasher relativement original et très certainement plus efficace que la moyenne, You’re Next, le précédent film des duettistes Adam Wingard et Simon Barrett (respectivement réalisateur et scénariste), pouvait s’appuyer sur une création ô combien jouissive et divertissante : un personnage féminin principal, Erin, qui changeait complètement de visage à mi-parcours pour affronter ses adversaires d’un soir. Une botte secrète, en quelque sorte, qui montrait que ses auteurs avaient à cœur de proposer de l’inédit, des surprises à un public ado (et plus) difficile à exciter, et de plus en plus blasé par un genre standardisé à l’extrême. Bien qu’il soit résolument tourné vers un plus large public, The Guest arrive à point nommé pour procurer lui aussi quelques frissons futés et surprendre son audience, en prenant paradoxalement moins de détours pour y parvenir.

Retour du soldat inconnu

The Guest : vous allez rencontrer un beau psychopathe

The Guest, qui a fait le tour des festivals avant de tardivement être distribué chez nous directement en vidéo, se dégustera mieux si l’on en ne connaît pas les détails. Mais on ne gâchera rien en révélant qu’il s’ouvre sur les scènes de vie quotidienne d’une famille américaine typique du Midwest, meurtrie par le décès de leur fils aîné en Afghanistan, Caleb. C’est dans ce paysage familier, semi-désertique, que débarque en joggant David (Dan Stevens), le proverbial inconnu frappant à votre porte. David se présente à la mère de Caleb comme un frère d’armes venu apporter du réconfort à la famille Peterson. Ses bonnes manières, son côté affable, et surtout son charisme infernal de grand gaillard blond aux yeux azur, prennent rapidement le pas sur la méfiance initiale que la petite famille pourrait avoir à son égard. Il devient le confident de biture du père (Leland Orser), le mentor bizarre du jeune Luke (Brendan Meyer), et de manière plus ambiguë, un objet de fascination pour l’ado Anna (Maika Monroe, qui a depuis explosé avec It Follows).

« The Guest exerce un pouvoir d’attraction au moins égal à celui de son acteur vedette, Dan Stevens, au charisme ripoliné jusqu’à l’absurde. »

Mais, même s’il semble répondre de manière pratiquement télépathique aux besoins de cette famille nucléaire, en résolvant de manière de plus en plus radicale leurs problèmes, comme une version redneck du Théorème de Pasolini, une chose est sûre : David n’est pas ce qu’il dit être. L’ancien militaire s’épanche peu sur son passé. « C’est classifié », explique-t-il de manière commode aux Peterson. Et les cadavres qui s’amoncellent en ville ont sans doute quelque chose à voir avec la présence dans les parages de cet homme à la dévotion sans limites…

La bête à la maison

The Guest : vous allez rencontrer un beau psychopathe

You’re Next marchait dans les traces d’un sous-genre très représenté, le home invasion, en pervertissant rapidement ses codes. De la même manière, The Guest pourrait être le home invasion ultime : l’arrivée de cet inconnu dans une maison se fait de manière très calme, et pourtant menaçante : David n’a même pas besoin d’être agressif pour prendre possession des lieux. En quelques plans, il figure dans tous les recoins de la vie des Peterson, redonnant confiance à un Luke brimé, jouant les beaux gosses musclés chez les amis d’Anna, qui derrière son cynisme, est en fait littéralement troublée par sa présence. Wingard et Barrett jouent avec malice sur ce procédé dramatique, qui permet au spectateur d’être conscient de la dangerosité de David tout en observant les effets de sa puissance de séduction sur chaque personnage. Le doute sur ses intentions persiste longtemps, mais les lents mouvements de caméra sur le regard tantôt bienveillant, tantôt froid comme la mort du soldat, servent d’indices révélateurs quant à la direction dans laquelle les auteurs nous emmènent.

 L’autre aspect brillant du personnage de David, dont le comportement et la nature exacte sont autant de clins d’œil à des classiques qu’il ne faut pas nommer (c’est un spoiler en soi), est qu’il pourrait être tout aussi bien une victime. Un homme de guerre traumatisé par ce qu’il a vu sur le terrain – notamment la mort de Caleb, prétend-t-il – simplement désireux de répandre le bien autour de lui. Le microcosme de The Guest pourrait tout aussi bien être celui d’un drame anti-militariste, s’il n’appartenait pas corps et âme au monde de la série B. C’est dire si ces protagonistes créés par Barrett sont tout sauf de bêtes clichés sans profondeur. C’est parce que leurs conflits et leurs peines paraissent crédibles que le ton caustique, puis de plus en plus délirant, du film, fonctionne aussi bien.

Attractions et influences

The Guest : vous allez rencontrer un beau psychopathe

Sans être un sommet d’inventivité et de frénésie visuelle, The Guest exerce un pouvoir d’attraction au moins égal à celui de son acteur vedette, Dan Stevens, comédien britannique habitué des séries et téléfilms en costumes (de Jane Austen à Downton Abbey), sans qui le film ne serait pas du tout ce qu’il est. L’acteur propulse grâce à un charisme ripoliné jusqu’à l’absurde un script calibré comme une série B des années 80 : c’est-à-dire soucieuse de prendre son temps pour établir une histoire, avant de foncer tête baissée dans l’action à la Terminator (le premier, hein) et le fun, au son de boucles synthétiques héritées, encore et toujours, de John Carpenter – le film se passe même à Halloween, bon sang ! Les jeux de couleurs criardes, les cadrages en Scope, contribuent également à évoquer la tendance rétro-eighties popularisée par Drive, qui partage avec The Guest cet amour immodéré pour les éclats de violence esthétisants, et la transformation des clichés du genre à de simple backgrounds narratifs.

Là où le film d’Adam Wingard se différencie, c’est dans l’utilisation d’un humour qui pourrait passer pour du cynisme, s’il n’était pas aussi subtilement utilisé. Le réalisateur et son scénariste débordent d’un amour visible pour leurs acteurs et leurs personnages, ce qui se traduit par un dénouement laissant la porte ouverte à un The Guest 2 qui ne serait pas de refus. Dans l’immédiat, le duo est en train d’enchaîner sur le remake de J’ai rencontré le diable, un choix à la fois intéressant, et aussi un peu flippant…