Aussi frustrant que cela puisse paraître, depuis 17 ans, et la révélation Spaced, le réalisateur précocement surdoué Edgar Wright n’a réalisé « que » cinq films en tout et pour tout. Contrairement à son pote de chambré Simon Pegg, omniprésent dans la sphère geek et à Hollywood, le cinéaste britannique a pris le temps de peaufiner une minuscule mais essentielle poignée de bijoux pop et virtuoses, en l’occurrence la « Cornetto Trilogy » (Shaun of the Dead, Hot Fuzz et Le dernier pub avant la fin du monde) et l’adaptation avant-gardiste de Scott Pilgrim. Soit autant de longs-métrages au potentiel de revisionnage infini, mais qui n’ont pas fait pour autant de Wright un cador du box-office – c’est même tout le contraire si l’on parle de Scott Pilgrim.

Du style à revendre

Baby Driver : roule, bébé, roule !Tout cela aurait dû changer il y a deux ans, avec la sortie de son Ant-Man. Un film de super-héros conçu et produit en lien étroit avec Marvel sur huit ans, à une époque où le studio n’était pas encore une machine à débiter du blockbuster milliardaire. Un film fantasmé pendant ce qui a paru être une éternité… et qui n’a finalement jamais vu le jour, pour les raisons que l’on sait (les « différents créatifs »). Ce temps perdu, Edgar Wright l’a heureusement passé aussi à rédiger dans son coin des scripts originaux, dont l’un, Baby Driver, a fini par prendre la forme d’un long-métrage américain. Son deuxième, donc, et peut-être celui qui va lui ouvrir les portes d’un succès global qui lui tend depuis longtemps les bras. Car Wright, en plus d’avoir très bon goût en matière de cinéma (sa fameuse liste des « 1000 films à voir dans sa vie » a fait sensation en 2016), est un cinéaste profondément généreux dans l’âme, et un grand adepte de films populaires. En gros, Baby Driver semble fait pour ceux qui ne connaissent rien à son univers, mais aussi pour les fans transis de son style férocement ludique, original et virtuose.

La première mondiale de Baby Driver a eu lieu le 11 mars au festival SXSW d’Austin. Dès le lendemain, deux bandes-annonces, visibles ci-dessous, étaient mises en ligne. La lecture des premières critiques, extatiques pour la plupart, accompagne donc en direct la découverte de ce projet là encore patiemment couvé pendant des années par son scénariste et réalisateur. En surface, et même à la vision des trailers, Baby Driver a un parfum familier : des braquages de banque, des cascades automobiles en milieu urbain, des punchlines, des babes, une bande-son qui décoiffe, un héros cool et taiseux… Edgar Wright se serait-il laissé aller à draguer le public des Fast and Furious ? La vérité est plus complexe : le héros du film, surnommé Baby (Ansel Elgort, vu dans Nos étoiles contraires), chauffeur surdoué pour malfrats et lointain cousin du Ryan Gosling de Drive, est totalement enfermé dans son monde intérieur. Souffrant d’acouphènes suite, paradoxalement, à un accident de voiture, Baby porte en permanence des écouteurs avec de la musique à fond pour éviter d’entendre des sifflements. Bien évidemment, l’un de ses contrats va mal tourner, et tous les bandits qu’il fréquente (joués par Kevin Spacey, Jon Hamm, Jamie Foxx ou encore Jon Bernthal) vont mettre à mal son idylle naissante avec la jolie Lily James.

« Un film de braquage musical »

Baby Driver : roule, bébé, roule !

N’importe quel exégète d’Edgar Wright vous le dira, le bonhomme accorde une énorme importance à la bande-son de ses films. Influencé selon ses propres dires par son amigo Quentin Tarantino, Wright envisage souvent ses scènes en musique, et pas seulement quand il s’agit de scènes d’action – réalisées ici sans trucages numériques, normal vu le traumatisme manifeste provoqué par Fury Road sur le metteur en scène. Baby Driver promet d’être le pinacle attendu de cette tendance artistique, puisque son réalisateur l’a envisagé comme « un film de braquage musical », une dimension qui n’apparaît qu’en filigrane dans les bandes-annonces. Les critiques anglo-saxons ont été jusqu’à comparer le résultat à un « Heat version jukebox musical », ou à un « Point Break taillé pour la génération La La Land ». Une manière de souligner aussi ce qui différencie le projet d’Edgar Wright du tout-venant, et qui pourrait engendrer, malheureusement, un nouveau malentendu avec un grand public peu enclin à accepter un peu de sophistication dans un monde de beaufs. Souhaitons donc que ce come-back attendu fasse un carton dans les salles cet été, le 23 août plus précisément en France !

Bande-annonce

Bande-annonce internationale