Ce troisième jour de festival de Beaune 2016 a aussi marqué la fin de la compétition pour les quatre jurys invités à rendre leur verdict. Dans cette ultime ligne droite, nous avons ainsi découvert d’une part le franco-flamand Diamant Noir, qui nous immerge dans l’univers des diamantaires, une efficace révélation dans la sélection Sang Neuf, Clean Hands, ainsi que la troisième Enquête du Département V, Délivrance, projeté en clôture en présence de son réalisateur, Hans Petter Moland, et de la productrice Louise Vesth. Nous les avons rencontrés après cette soirée de gala : rendez-vous bientôt sur BTW pour découvrir ces interviews !
Tout comme le vendredi, l’un des grands événements de la journée consistait en une rencontre avec Brian de Palma, au centre d’une Masterclass animée par Jean-François Rauger, le directeur de la Cinémathèque Française. Une heure et demi, ce fut court, et la longueur des extraits proposés pour alimenter cette leçon de cinéma a sans doute rajouté à notre frustration. Pour le reste, c’est bien évidemment un plaisir immense d’écouter parler le sardonique mais très lucide réalisateur. Celui-ci a réglé une nouvelle fois son compte à tous ceux qui continuent de le rabaisser au rang d’imitateur de Hitchcock, rappelé l’importance cruciale de la géographie d’un décor dans la mise en scène, et s’est aussi remémoré de nombreux souvenirs de turbulente jeunesse, de son passage à l’école Sarah Lawrence à sa rencontre avec les « Movie Brats », Scorsese, Coppola et consorts. Un moment de pur cinéma, comme on dit, sur lequel nous reviendrons là aussi prochainement.
Quant au palmarès, vous le connaissez sans doute désormais, mais le voici au complet :
[icon_check] Grand Prix du Jury et Prix de la Critique : Man on High Heels
[icon_check] Prix du jury ex-aequo : Desierto et Diamant Noir
[icon_check] Prix de la sélection Sang Neuf : Les Ardennes
[icon_check] Prix Spécial Police : Fritz Bauer, un héros allemand
Diamant Noir
L’avis de Wade : pour
La rédaction avoue sa division sur Diamant Noir, le nouveau film de Rogert Harari, qui a travaillé sur la série Ainsi soit-ils et La bataille de Solférino. Le pitch ambitieux et passionnant place son intrigue au cœur des diamantaires d’Anvers, un univers très « spécial », et particulièrement hermétique. L’intrigue, aux légers airs de déjà-vu, dresse le portrait de Pier (le franco-canadien Niels Schneider, Gemma Bovery) un jeune orphelin qui retrouve sa riche famille après la mort de son père. Persuadé que cette famille a dépossédé son père de son héritage par le passé, il accepte, en planifiant sa vengeance, de revenir dans le giron familial à Anvers. Mêlant braquage, tragique et quête d’identité, Diamant Noir, malgré son petit budget parvient à faire passer une large palette d’émotions contradictoires et complexes. Porté par l’interprétation de Niels Scheider, particulièrement doué pour exprimer le détachement feint, le film assure une mise en scène malicieuse et sans lourdeurs. Mention spéciale à son introduction, un hommage appuyé à la stylistique des années 70 qui ne manque pas de piment.
L’avis de Nico : contre
Le prix attribué par le jury, et le bon accueil réservé au film d’Arthur Harari, sèment le doute : a-t-on vu le même film ? Y a-t-il quelque chose, dans cette intrigante mais très maladroite histoire de vengeance familiale chez les diamantaires d’Anvers, qui appelle à des différences d’interprétation ? Certes, Diamant Noir commence de façon originale, avec un prologue filmé comme un giallo des années 70 (et pour cause, la séquence se déroule à cette période). Il installe une ambiance, hypnotique et fiévreuse, censée représenter l’état mental dans lequel sont les tailleurs de diamants, qui doivent plonger leur regard continuellement dans une pureté lumineuse insaisissable. Mais l’idée est surexploitée, et ne console pas de la déception, en premier lieu visuelle, que constitue le film. Excepté ses 5 premières minutes, Diamant Noir est absolument affreux à regarder, avec ses zooms insistants d’un autre âge, ses couleurs délavées, son montage patraque et ses décors éclairés comme une fin de partie de poker (heureusement que l’histoire se délocalise cinq minutes en Inde). L’intrigue, ensuite, de l’outsider s’immisçant dans une famille pour la détruire (en séduisant/violant avec la finesse d’un maquereau à Pigalle la femme de son cousin, notamment), sans que l’on comprenne vraiment pourquoi cette vengeance lui tient à cœur – il a à peine connu son père, dont la disparition enclenche toute l’histoire – est mille fois vue. L’interprétation, enfin, est véritablement inégale : Niels Schneider aborde un jeu impassible qui traduit plus la constipation que le tumulte intérieur, et Abdel-Hafed Benotman, qui joue son mentor, donne l’impression d’assister à un atelier de théâtre filmé par une MJC. Vraiment, où est la révélation là-dedans ?
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Diamant Noir
D’Arthur Harari
2016 / France / 115 minutes
Avec Niels Schneider, August Diehl, Hans Peter Cloos
Sortie le 8 juin 2016[/styled_box]
Clean Hands
Rien de plus évocateur pour parler de Clean Hands que de le résumer comme une version « classe moyenne » et néerlandaise des Sopranos. Le décor familial est le même : Sylvia, la quarantaine un peu vulgos mais pimpante, veille sur son adolescente de fille et son jeune garçon, pendant que son mari Eddie, règne sur la vente de drogue à Amsterdam. Ils vivent dans un pavillon cossu et s’amusent à la plage, et leur routine est rodée… jusqu’à ce que la disparition d’un proche d’Eddie rameute la police, et fasse vaciller ce précaire équilibre. Clean Hands n’a donc pas recours à un rebondissement psychiatrique, et s’avère beaucoup plus direct : Sylvia tente de ménager un bonheur impossible, et malgré le danger que représente Eddie et ses activités mafieuses, elle veut continuer à croire en un possible amour pour le père de ses enfants. C’est cet équilibre amour / haine, plus complexe à un certain niveau qu’attendu, qui donne son originalité à ce qui se révèle être un thriller très efficace. Les personnages secondaires sont soignés et marquants, la photographie splendide, la réalisation de Tjebbo Penning pleine d’idées fortes (mouvements de grues osés, jeu sensitif sur la chaleur qui accable les héros, montages alternés inspirés), et le casting impressionnant. On connaissait déjà en dehors des Pays-Bas Thekla Reuten (Bons baisers de Bruges, The American), beaucoup moins la star locale Jeroen Van Koninsbrugge, qui incarne avec un mélange de fragilité et de folie furieuse un avatar local de Vin Diesel qui aurait pris trop d’excitants. Belle découverte, vraiment.
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Clean Hands
De Tjebbo Penning
2016 / Hollande / 110 minutes
Avec Thekla Reuten, Frederik Brom, Poal Cairo
Sortie inconnue
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Les enquêtes du Département V : Délivrance
Les deux enquêteurs Danois repartent pour une nouvelle enquête, plus démoralisés que jamais. Cette troisième adaptation de la série de romans de Jussi Adler-Olsen a remporté un succès stratosphérique dans son pays. Le Département V a changé de réalisateur, après Mikkel Norgaard (Borgen), qui réalise les deux premiers volets, le Norvégien expérimenté Hans Petter Moland (Refroidis) reprend le flambeau. Le Norvégien Pål Sverre Valheim Hagen (Refroidis, Kon-Tiki) incarne un psychopathe halluciné et hallucinant. Même si cet épisode s’achève sur une légère note d’espoir, les aventures des deux acolytes s’avèrent, comme on pouvait s’y attendre, de plus en plus sombres. Une bouteille jetée à la mer va les conduire au cœur de la communauté des Témoins de Jéhovah où sévit un mystérieux, et non moins diabolique, au sens propre du terme, kidnappeur d’enfants. L’enquête millimétrée permet de dénoncer les dérives auxquelles peuvent conduire l’excès de foi, tout en questionnant celle de ses héros. C’est un véritable plaisir de retrouver cette saga, qui a en bonus beau jeu de nous montrer les plus beaux paysages du Danemark (et d’Allemagne, où le film a été en partie tourné.
Nous avons eu la chance de rencontrer Hans Petter Moland et Louise Vesth, la productrice des trois films et du suivant. Nous y reviendrons prochainement.
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Les enquêtes du Département V : Délivrance
De Hans Petter Moland
2016 / Dannemark-Allemagne-Suède-Norvège / 112 minutes
Avec Nikolaj Lie Kaas, Fares Fares, Johanne Louise Schmidto
Sortie le 6 mai 2016 en e-cinéma
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