Comme vous le savez tous, le Bifff 2013, c’est fini. Nous avons vu tellement de films à Bruxelles que nos paupières commencent tout juste à s’en remettre, car tel Alex dans Orange Mécanique, elles ont été tenues fermement ouvertes pendant dix jours. Pour le meilleur parfois, pour le pire, plus rarement. Entre les deux, on a trouvé aussi pas mal de séries B plus ou moins réussies, inspirées, ou concluantes. Le polar islandais Rat King n’en faisait clairement pas partie. On s’est aussi demandé où le réalisateur du fauché I declare war, avec ses pré-ados fans de GN belliqueux, voulait en venir. Plus accrocheur, l’indonésien Belenggu dévoilait un mystère lynchien teinté de Donnie Darko dans une ambiance de morne cauchemar éclairé au néon, sans qu’on sache si sa lenteur était un tropisme culturel ou une tare propre au réalisateur.

 

Au milieu du gué, on a enfin trouvé trois films, trois moments de cinéma bis venus des States, dont le budget n’était certainement pas le meilleur argument de vente. Tous se démarquent malgré tout par leur scénario, leurs parti-pris et leur appartenance au genre horrifique. Place donc, dans l’ordre, au huis-clos Chained, de Jennifer Lynch, à la pochade satanique Hellbenders 3D, de J.T. Petty, ainsi qu’au sadique The Human Race, de Paul Hough.

 

Chained : tuer le père

Chained

Mal-aimée du cinéma et soumise à une inévitable comparaison avec le cinéma de Papa, Jennifer Lynch signe son quatrième long-métrage qui prend la forme d’un huis-clos gore et brutal. Un petit garçon et sa mère se font enlever par un conducteur de taxi qui s’avère être un dangereux psychopathe. Après avoir tué sa mère, le tueur laisse la vie sauve au jeune garçon, mais en fait son esclave et le surnomme « Rabbit ». L’enfant, devenu adolescent, grandit auprès de cet homme implacable et cruel, prisonnier et enchaîné. Au moment venu, le monstre, à la fois bourreau et père adoptif, cherche à lui passer le flambeau.

 

Jennifer Lynch filme sans ménagement l’horreur, jusqu’à flirter avec l’insoutenable. Dans un malaise ambiant calculé, elle pousse le spectateur dans ses retranchements. Elle livre une analyse ambitieuse mais pas inédite sur la transmission de la folie et de la violence. Une réflexion qui finalement ne va pas bien loin et ne justifie peut-être pas ce séjour prolongé dans cette ambiance glauque. En outre, le twist de fin sans rapport immédiat avec l’intrigue principale, se perd en conjecture. Le film s’achève sur une fin ouverte, s’ouvrant à l’imagination du spectateur pour mieux le frustrer.

 


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Chained, de Jennifer Lynch
2012 / USA / 94 minutes
Avec Vincent d’Onofrio, Eamon Farren, Julia Ormond
Sortie prochainement
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Hellbenders 3D : pêché de paresse

Hellbenders 3D

Voilà un projet qui s’était fait discret depuis sa présentation au sein des fameux « Midnight Madness » du festival de Toronto, voilà déjà huit mois. Hellbenders 3D fait partie de ces petits films qui peuvent devenir culte en moins de temps qu’il vous en faut pour dire « buzz viral », sur la base de leur unique pitch : un mélange joyeusement incorrect entre L’Exorciste et SOS Fantômes, qui part du principe que le Vatican a créé, de manière officieuse, des brigades d’exorcistes chargés de collectionner les pêchés, histoire d’être prêts à aller en enfer si besoin en même temps les démons qu’ils pourchassent. Ces « Hellbound Saints » sont obligés de jurer, de mentir, de tromper et de profaner tous les orifices qui passent à leur portée. Bien évidemment, nos héros, qui font partie de la paroisse de Brooklyn, vont être confrontés à un démon bien plus retors que d’habitude, ce qui va nécessiter un certain sens du sacrifice…

 

C’est J.T. Petty, le réalisateur du western horrifique The Burrowers et scénariste des jeux Splinter Cell, qui a imaginé cet univers d’abord dans un roman graphique, et où l’on sent l’influence entre autres du Jour de la bête d’Alex de la Iglesia. On comprend d’autant moins pourquoi le scénario de Hellbenders paraît si peu soigné. Avec un concept aussi diabolique (ah ah), c’est presque pêché de la part de Petty d’en tirer une comédie horrifique si anodine, avec en plus la présence au casting de Clancy « Kurgan » Brown, de Clifton Collins Jr. et d’un Dan Fogler déchainé. Pour faire court, Hellbenders 3D (ou plutôt 2,5D, tant la post-conversion se révèle inutile) donne l’impression que le scénariste/réalisateur a couché sur papier un simple traitement de dix pages, qu’il a étiré au jour le jour sur le plateau. Sur les 85 minutes que dure le film, une bonne trentaine constitue du pur remplissage. L’équipe passe son temps à se chamailler ou à tailler le bout de gras dans son logement de fonction, les gags vraiment efficaces (l’un des prêtres est plâtré de la tête aux pieds, un autre tient un registre à la Very Bad Trip de leurs pires débauches, la bouche de l’enfer ressemble, littéralement, à un vagin dentu) sont rares, et une sous-intrigue éculée concernant l’opposition du nouveau pape ressemble à une blague de fin de repas étirée au-delà du raisonnable.

 

Le pire dans tout cela, c’est que Petty bâtit malgré tout une mythologie solide autour de ces prêtres défroqués, dont on entrevoit la richesse au milieu d’un entrelacs de séquences hâtivement mises en boîte, et qui fonctionne bien dans sa première partie. Manque de moyens, de temps, d’inspiration ? Hellbenders 3D s’avère en tout cas bien décevant, même au niveau de la forme (la photographie est terne, les couleurs bavent, le montage est aussi hasardeux que les SFX). Voilà une apocalypse bien frustrante. Vivement le remake !

 


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Hellbenders 3D, de J.T. Petty
2012 / USA / 85 minutes
Avec Clancy Brown, Clifton Collins Jr., Dan Fogler
Sortie prochainement
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The Human Race : course contre la mort

The Human Race

 Les aficionados de Stephen King le savent, Frank Darabont, le réalisateur des Évadés et de The Mist, a depuis longtemps fait part de son envie d’adapter l’un des premiers romans du maître, Marche ou crève, œuvre de jeunesse qui était déjà un prolongement thématique d’un classique du 7e art, On achève bien les chevaux. Mine de rien, Paul Hough, fils de John (La maison des damnés), vient un peu de lui couper l’herbe sous le pied avec The Human Race, dont l’histoire ne peut que faire penser à cette course où une centaine de concurrents doit marcher jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un debout… et vivant. Dans le film de Hough Jr., ce sont des quidams tout ce qu’il y a de plus normaux, « téléportés » dans un décor grisâtre et anonyme, qui doivent non pas marcher, mais courir, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un vainqueur. Pourquoi sont-ils là ? D’où vient cette voix dans leur tête qui leur explique « qu’il ne faut pas marcher sur l’herbe », « se faire dépasser deux fois » ou « cesser de courir », sous peine de la voir exploser ? Surtout, que peuvent-ils faire pour éviter que cette compétition atroce ne tourne pas au carnage intégral, surtout lorsqu’on voit à quelles extrémités certains sont prêts à aller pour ne pas y passer ?

 

La fin de The Human Race répond de manière claire à toutes ces questions (notamment lors d’un final très Twilight Zone, inattendu et réjouissant), et s’il y avait une morale à retenir de cette série B ne lésinant pas sur le gore, c’est que l’être humain n’a besoin que d’une pichenette du destin pour révéler sa vraie nature : égoïste, violente, dominatrice. Paul Hough, qui a su exploiter toutes les maigres ressources mises à sa disposition (peu de décors, peu de figurants, peu de moyens pour des effets spéciaux visuels ou prosthétiques) pour dynamiser son histoire, s’en est donné à cœur joie pour parfaire sa démonstration nihiliste : l’introduction nous montre par exemple une jeune femme ayant vaincu à force d’efforts et de prières sa maladie… et qui devient la première victime de la course sitôt qu’elle pose le pied sur ce maudit gazon. Une bonne manière de montrer que personne n’est à l’abri, pas même les femmes enceintes, les vétérans et les gentils enfants chinois. Originalité intéressante, ce sont des héros handicapés, deux sourds et un amputé, qui finissent par vaincre les plus pernicieux et sadiques de leurs concurrents, Hough montrant malgré tout qu’ils ne sont pas à l’abri de ces mêmes pulsions.

 

Dans le rôle de l’unijambiste, Eddie McGee, véritablement handicapé, donne vie à un personnage des plus badass, ex-soldat aussi létal avec des béquilles qu’avec sa jambe restante. Anecdote jouissive, McGee est aussi connu pour avoir gagné la première saison du Big Brother américain, en battant là aussi… tous ses concurrents.

 


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The Human Race, de Paul Hough
2012 / USA / 90 minutes
Avec Paul McCarthy, Eddie McGee, Trista Robinson
Sortie prochainement
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