De Roma aux frères Coen, la splendide fin d’année de Netflix

par | 27 juillet 2018

Alfonso Cuaron, Orson Welles, les frères Coen, Susanne Bier… Le planning des films « Netflix Originals » annoncé pour 2018 fait saliver !

Ils nous avaient prévenus. Netflix avait annoncé que 2018 serait une année charnière dans le lancement et la diffusion de contenus maison dans le domaine du 7e art. Alors qu’il s’est imposé sur la durée en France comme le premier fournisseur de séries (et de documentaires, ne l’oublions pas) pour des millions d’insomniaques, le géant de la SVOD a peiné à convaincre les sceptiques en matière de films. Malgré une brochette de réussites produites (Okja, Mudbound) ou acquises (Annihilation, Beasts of no Nation, Le Rituel) parfois à grands frais, le grand public retient surtout la myriade de séries B fantastiques, bluettes pour ados et comédies régressives dont Netflix semblait s’être fait une spécialité.

Mais la compagnie, de par sa position de leader incontesté, a les moyens de ses ambitions. Par la promesse d’une liberté créatrice totale qui contrebalance la distribution limitée de ses productions sur grand écran (enfin, aux USA, parce qu’en France… « ce sont des téléfilms »), elle attire désormais dans son giron le gratin de la cinéphilie mondiale, et son plus grand coup médiatique à ce jour reste The Irishman, la fresque mafieuse de Martin Scorsese avec Pacino, De Niro et Joe Pesci attendue pour 2019.

Roma : le retour d’un génie mexicain

D’ici là, Netflix a pris soin d’aligner pour le second semestre 2018 (saison des « films à Oscars », une institution au sein de laquelle le PDG Reed Hastings souhaite clairement s’imposer) une brochette de projets étincelants, pilotés justement par des réalisateurs oscarisés. Ainsi, cinq ans après Gravity, c’est sur le service de vidéo illimitée qu’Alfonso Cuaron fait son grand retour avec Roma, tourné en 65 mm et en noir et blanc. Le film, une histoire chorale se déroulant à Mexico dans les années 70 et présentée comme une « ode artistique à la matriarchie qui a façonné son imaginaire», aurait pu créer l’événement à Cannes. Mais la politique de blocus absurde du festival a laissé le champ libre à la concurrence (Venise, Toronto, le New York Film Festival) pour présenter le film en compétition. Un très bref (et apaisant) teaser vient de faire son apparition sur le compte Twitter du réalisateur, annonçant une œuvre radicalement différente esthétiquement de ses prédécesseurs et désormais attendue pour la fin de l’année.

Avant cela, Netflix compte bien faire briller les yeux des cinéphiles de tous poils. Un calendrier plus ou moins définitif de ses plus grosses productions vient de tomber… On vous laisse juge de sa diversité !

28 septembre : Apostle

On était sans nouvelles de Gareth Evans depuis sa tonitruante (et un poil trop ambitieuse) séquelle de The Raid. Le réalisateur gallois revient à sa langue natale à la rentrée avec Apostle, un thriller à mi-chemin entre The Wicker Man et The Sacrament, qui voit un homme mystérieux (Dan Stevens) partir sur une île reculée pour sauver sa sœur des griffes d’un culte religieux commandé par Michael Sheen.

16 octobre : 22 Juillet

Tout comme Roma, 22 July fait partie de la sélection officielle du festival de Venise et marque pour Paul Greengrass le retour à ce qu’il sait faire de mieux après un Jason Bourne dispensable. Le réalisateur de Bloody Sunday, Vol 93 et Capitaine Phillips s’appuie sur une histoire vraie particulièrement remuante, en l’occurrence l’attentat d’Utøya perpétré en 2011 par Anders Breivik, pour ce projet tourné en Norvège avec une équipe et un casting local (où l’on retrouve Anders Danielsen Lie, vu cette année dans La nuit a dévoré le monde). Le film se penchera sur les attaques et leurs conséquences sur le pays et le gouvernement norvégien. 22 July sera par contre, choix étrange, tourné en anglais, et sortira quelques mois seulement après un autre film sur le même sujet, Utoya July 22, réalisé par un Norvégien, Erik Poppe.

2 novembre : The Other side of the wind

Autre grosse et cruelle occasion manquée par Cannes, la première projection, quarante ans après son tournage à rebondissements, du film inachevé d’Orson Welles, The Other side of the wind, aura lieu à Venise en septembre. C’est deux mois plus tard que nous pourrons enfin découvrir cette chronique du crépuscule du « vieil Hollywood » à l’orée des années 70, montée entre autres par Peter Bogdanovich, qui accomplit ainsi la promesse faite à l’époque à son vieil ami.

23 novembre : Outlaw King

Avec Les poings contre les murs et Comancheria, le très actif David McKenzie a réussi un percutant doublé qui a mis sa carrière sur orbite. Le cinéaste écossais est retourné sur ses terres pour les besoins de Outlaw King, un film en costumes consacré au légendaire Robert 1er, ou Robert the Bruce, roi d’Écosse déclaré hors-la-loi par la Couronne qui combattit pour l’indépendance de son royaume. L’Américain Chris Pine hérite du rôle-titre aux côtés de son partenaire de jeu dans Comancheria, Ben Foster, et d’Aaron Taylor-Johnson.

21 décembre : Bird Box

Susanne Bier, réalisatrice danoise oscarisée pour Revenge et que l’on a retrouvé l’an passé sur la très remarquée mini-série The Night Manager, s’attaque pour la première fois à la science-fiction avec le mystérieux Bird Box. Elle s’est payée pour l’occasion une habituée du genre, Sandra Bullock, héroïne de ce film post-apocalyptique dont le pitch (une mère remonte le fil d’une rivière avec ses deux enfants dont elle bandé les yeux, en tentant d’échapper à une menace invisible) évoque un peu Sans un bruit.

2018 sans date : The Ballad of Buster Scruggs

C’est la surprise des chefs : jusqu’à la semaine dernière, le nouveau projet de Joel et Ethan Coen, qui marquait leur retour au western après le remake de True Grit, était une mini-série avec, entre autres, le génial Tim Blake Nelson, Brendan Gleeson, Liam Neeson et James Franco. Mais cette semaine, The Ballad of Buster Scruggs est apparu en compétition au prochain Festival de Venise, et l’anthologie est devenue un film à sketches, composé de six histoires indépendantes. Comment le génial duo a-t-il géré la transformation de ce projet d’environ six heures en long-métrage ? On a hâte d’avoir la réponse.