Depuis sa création en 1975, le festival du cinéma américain de Deauville, cette station balnéaire si facile d’accès pour les Parisiens, s’est défini avant tout comme une vitrine, commerciale et légèrement complaisante, de l’industrie hollywoodienne. Privilégiant le glamour des stars invitées (et elles sont de fait quasiment toutes venues) à une vraie cohérence de programmation, le festival s’est payé une crédibilité en introduisant à partir de 1995 une compétition officielle. Avec, en guise de fil conducteur, cet objectif de sélectionner le meilleur du cinéma indépendant. Deauville a depuis lors eu le nez creux : Dans la peau de John Malkovich, Girlfight, ou dernièrement Take Shelter, font partie des perles que le public normand a pu découvrir avant tout le monde, parallèlement aux avant-premières hors-compétition qui font toujours la part belle aux films issus des grands studios. Cela a ses mauvais côtés : le cinéma indépendant américain, souvent financé directement par Hollywood (voir à ce sujet le très pertinent livre de Peter Biskind, Sexe, mensonges et Hollywood), a parfois tendance à être méchamment conformiste, y compris lorsqu’il affiche sa singularité. Du cinéma à message, souvent prétexte à de grands numéros d’acteurs surdramatisés, dont Collision serait l’ultime exemple, canonisé aux Oscars. Ces films-là, ronflants à souhait et remplis d’une sincérité rassurante et de fades slogans « politiquement incorrects », Deauville en projette chaque année. En faisant le tri, il est possible de picorer des merveilles, heureusement, et l’ajout durant les années 2000 d’une section documentaires a permis de varier plus efficacement les plaisirs, comme le fera ce festival de Deauville 2012.
En septembre dans les salles… et avant en Normandie
Cette année encore, la programmation passe d’un extrême à l’autre pendant dix jours, entre blockbusters et productions très modestes. La compétition se distingue par son actualité, la plupart des films étant prévus pour sortir dans les semaines qui suivent, ce qui donne l’impression d’assister à un « rattrapage de projections de presse ». Le film d’ouverture, Robot & Frank, est une comédie « robotique » avec Frank Langella qui sera en salles le 19 septembre. Les nouveaux opus de Michel Gondry et Quentin Dupieux (The We and the I, Wrong) seront aussi visibles prochainement, tout comme l’énervé God Bless America et le tragi-clinique Compliance (voir à ce sujet notre rubrique My trailer is rich). Cela n’empêche toutefois pas cette sélection d’être pour une fois riche en longs-métrages intrigants, les révélations de Sundance et Cannes (le polar Booster, l’incroyable Les bêtes du Sud sauvage) côtoyant les films sortis de nulle part, comme Smashed, de James Ponsoldt, un drame sur un couple de jeunes alcooliques où l’on retrouve Aaron « Breaking Bad » Paul.
Côté films de gala, pas de surprises, c’est là encore dans l’agenda de septembre et octobre que Deauville est allé piocher ses titres. Faute de pouvoir découvrir le Mud de Jeff Nichols, on verra les attendus Savages, Lawless, Ted, Jason Bourne : l’héritage ou Bachelorette en compagnie d’un parterre de VIP. La sélection docus est elle plus chargée en inédits, certains faisant le buzz depuis déjà plusieurs mois (Room 237 et sa dissection du Shining de Kubrick, The Imposter ou encore Into the abyss de Werner Herzog), d’autres plus mystérieux – la liste est particulièrement chargée en biographies plus ou moins romancées.
Friedkin et Van Peebles, seventies connection
Enfin, Deauville ne serait pas Deauville sans les hommages à ses invités de prestige : les acteurs Harvey Keitel, Liam Neeson, Paul Dano et Salma Hayek vont pouvoir remplir efficacement le quota tapis rouge d’une édition assez pauvre en la matière. Paul Wagner est également présente, pour sans doute vanter les mérites de sa collaboration de longue date avec Tom Cruise.
Mais les vrais événements sont sans doute à chercher du côté de la venue de Melvin Van Peebles, le père de Mario et, dans une certaine mesure, de la blaxploitation, qui s’accompagne d’une rétrospective éclairante à plus d’un titre ; et de William Friedkin, en plein marathon promo français à l’occasion de la sortie de son Killer Joe. Celui-ci a prévu de donner une master class qu’on imagine remplie d’anecdotes similaires à celles racontées à Bruxelles, mais surtout, son séminal Convoi de la peur (Sorcerer) sera projeté dans une toute nouvelle copie 35 mm (en VONST) amenée par le cinéaste lui-même. Immanquable, tant le film est quasi impossible à voir dans de bonnes conditions. Enfin, pour les mélomanes, un concert symphonique gratuit est consacré le vendredi 8 septembre aux musiques de John Williams. Sympathique, même si on aurait aimé que le maestro soit à la baguette pour l’occasion.
Rendez-vous donc en Normandie à partir du 1er septembre, en tout cas si vous avez les poches pleines : il est effet impossible d’acheter des places autrement que via des pass journées et festival assez onéreux. Sinon, il vous reste toujours les planches !
Plus d’infos : www.festival-deauville.com