Avec une dizaine de films projetés chaque jour, difficile de tout voir et de tout rattraper au Bifff. Découvertes ou déceptions se suivent sans jamais se ressembler, la diversité des œuvres proposées (on peut ainsi passer d’un Z friqué de chez Nu Image comme Spiders 3D, dont nous reparlerons bientôt, à une anthologie horrifique coréenne ou un film muet – le splendide Blancanieves) garantissant un intérêt renouvelé à chaque fois que les lumières du Bozar – endroit splendide où retentissent dans les couloirs de paradoxales mélodies classiques – s’éteignent. Au programme aujourd’hui, trois nouveaux films de provenance complètement opposés : la comédie pas si absurde que ça Key of life (Japon), le sympathique mais inégal Ghost Sweepers (Corée du sud), ainsi qu’un turbulent divertissement romantico-temporel enlevé, The man from the future (Brésil).

 

Key of life : et si vous changiez de vie ?

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[quote_left] »Pas inoubliable mas vraiment bien troussé. »[/quote_left]Key of life est le type même de découverte qui fait plaisir. Ingénieux mais sans prétention, drôle sans être hystérique, Le film de Kenji Uchida sait se rendre très attachant en partant d’une idée simple qui rappelle beaucoup Un fauteuil pour deux de John Landis. D’un côté, nous avons donc Kondo, un tueur à gages méticuleux, riche et impitoyable qui glisse malencontreusement un jour sur une savonnette dans un bain public et perd la mémoire suite au choc. Un acteur au chômage et suicidaire, Sakurai, en profite pour prendre ses clefs et son identité, sans savoir dans quoi il met les pieds… En parallèle, Kanae, rigide directrice de publication, a décidé de se marier sans savoir pour l’instant avec qui. Son chemin va finir par croiser celui d’un Kondo devenu pauvre amnésique… temporairement.

 

Comme chez John Landis, il est question dans Key of Life du pouvoir que l’argent procure et des changements radicaux de personnalité qui s’opèrent lorsqu’on se retrouve privé de tout. Les personnages d’Uchida sont ainsi tous frustrés d’une manière ou d’une autre, et leur changement brusque de situation va les obliger à révéler des capacités ou des secrets insoupçonnés (Sakurai n’est par exemple pas un si mauvais acteur, et Kondo n’est pas si létal qu’il y paraît). Cette dimension de conte moral n’empêche pas le film d’être également une comédie menée de main de maître, avec de nombreuses séquences d’humour absurde, de gags parfois faciles (celui du « battement de cœur » est aussi mignon que surexploité), et de quiproquos échevelés. Teruyuki Kagawa (Space Battleship), dans le rôle de Kondo, est particulièrement excellent dans ses variations de jeu, passant du tueur patibulaire à celui de candide engoncé dans les t-shirts trop petits de Sakurai. Pas inoubliable mas vraiment bien troussé.

 

Note BTW


3

Key of life

Un film de Kenji Uchida / 2012 / Japon / 128 minutes

Avec Teruyuki Kagawa, Masato Sakaii


Ghost Sweepers : drôles d’exorcistes

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[quote_right] »Scooby-Doo, moins le chien-chien. »[/quote_right]C’est un fait, les comédies horrifiques sont difficiles à réussir. Bien que la Corée du Sud, un peu comme l’Inde, ne soit pas réticente au mélange extrême des genres, le pays s’est encore rarement essayé à cet exercice. Raison de plus pour attendre avec curiosité ce Ghost Sweepers, qui n’a pas rencontré le succès lors de la sortie en Corée, mais propose tout de même un pitch intrigant : une assemblée d’exorcistes (on parlerait plutôt de chamanes dans ce pays) est envoyée dans un village de pêcheurs où une grande quantité d’ectoplasmes a été signalée. Seulement voilà, la force maléfique présente sur place, qui a la forme d’un gros nuage noir à la Lost, s’avère plus puissante que prévu, et il ne reste bientôt que cinq exorcistes, plus ou moins motivés, pour poursuivre la mission et renvoyer le fantôme ad patres.

 

Vous pensez à SOS Fantômes ? C’est normal, et pour tout dire inévitable, même si les différences culturelles font que Ghost Sweepers, à l’écran, ne repose pas sur les mêmes ressorts comiques que la saga d’Ivan Reitman. Comme les ghostbusters, les chasseurs d’esprits (traduction quasi littérale du titre anglais) sont à la fois professionnels et un brin escrocs, plein de ressources mais pas très malins. Le décor insulaire dans lequel s’installe l’action, avec un méchant fantôme qui se révèle être caché parmi la population, ainsi que l’enquête menée par une équipe mixte et gaffeuse, rappelle pour sa part… Scooby-Doo, moins le chien-chien. Mais pour ceux qui connaissent la carrière du réalisateur Shing Jeong-Won, Ghost Sweepers rappellera surtout son précédent film, Chaw, chasse au sanglier géant qui repompait sans vergogne la structure scénaristique des Dents de la mer. Triomphe au box-office coréen, Chaw a été une telle réussite pour son auteur que ce dernier a tout simplement dupliqué sa formule en l’appliquant au genre fantastique, repiquant par exemple le principe de l’introduction successive de tous ces personnages. Le film possède du coup une certaine efficacité dans la gestion de tous ses héros, sans pour autant qu’ils soient mémorables. La faute à un trop-plein de sous-intrigues occasionnant de fréquentes chutes de rythme, défaut récurrent des grosses productions coréennes, et des changements de ton trop déconcertants. Passant de la comédie fofolle au grand spectacle échevelé, oscillant entre divertissement familial et grands frissons (un des personnages principaux est éliminé dans une grande mare de sang), Ghost Sweepers perd de sa cohérence en cours de route. Jeong-Won, lui, se fait plaisir en rendant encore hommage à Jaws lors d’un final en pleine mer, qui clôt un spectacle certes divertissant et techniquement léché, mais assez oubliable.

 

Note BTW


3

Ghost Sweepers

Un film de Shin Jeong-Won / 2012 / Corée du Sud / 119 minutes

Avec Jeong Yun-Min, Kang Ye-Won, Kim Su-Ro


The man from the future : hip hip hip Moura !

 

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[quote_left] »Moura dans un autre rôle que celui du capitaine Nascimento, c’est un peu comme si Olivier Marchal jouait soudainement dans une comédie de Francis Veber : ça fait un choc. »[/quote_left]Si vous ne connaissez pas son nom, vous savez malgré tout à quoi ressemble l’acteur brésilien Wagner Moura. C’est son visage qui orne les affiches des deux films-chocs de José Padilha, Troupes d’élite 1 et 2, sortis un peu trop en catimini chez nous – le deuxième opus n’a même pas eu les honneurs d’une distribution sur grand écran. Dans ces deux polars fiévreux et polémiques, Moura a imposé un charisme brut idéal pour son rôle de capitaine de force spéciale intransigeant, dont la carapace craque peu à peu alors que sa vie privée part en lambeaux. Dans la foulée ces deux énormes succès locaux, Wagner Moura a enchaîné avec ce Man from the future écrit et réalisé par Claudio Torres. Un divertissement rocambolesque dans lequel il joue Zéro, un scientifique de génie coincé dans un poste d’enseignant, qui invente par accident une machine à voyager dans le temps en travaillant sur un accélérateur de particules. Direction : les années 90 et ce moment crucial lors du bal de fin d’année, où Zéro rencontre l’amour dans les bras d’Helena avant de connaître l’humiliation suprême. Zéro peut-il changer le passé, et ainsi modifier son avenir pour devenir celui qu’il estimait devoir être ?

 

Autant le dire, durant les premières minutes, découvrir Moura dans un autre rôle que celui du capitaine Nascimento, c’est un peu comme si Olivier Marchal jouait soudainement dans une comédie de Francis Veber : ça fait un choc. Gesticulant comme un beau diable, jouant jusqu’à trois versions de son personnage simultanément à des âges différents, Moura révèle devant nos yeux éberlués toute l’étendue et la variété de son talent, mis au service d’un script impeccable. A mi-chemin entre Timecrimes (pour la multiplication des corps et une certaine rigueur scientifique dans les dialogues) et Retour vers le futur (on retrouve la même idée du bal où tout l’avenir du personnage est en jeu, et la vision d’un avenir perverti de la mauvaise manière par l’altération de la ligne temporelle), The man from the future ne cherche jamais à réinventer la poudre, mais trouve un équilibre rare entre rires (les rencontres de Zéro avec ses doubles, habillés de bandages ou en cosmonaute, sont hilarantes), conte moraliste à la Scrooge et aventure SF exaltante. Pour ne rien gâcher, l’alchimie entre Moura et la craquante Aline Moraes, qui joue le traditionnel amour de jeunesse pour lequel Zéro est prêt à changer, littéralement, l’histoire, est palpable du début à la fin. Cela permet de faire passer la pilule d’un happy-end qui vante doucement les mérites du capitalisme et de la spéculation financière. Amis distributeurs, bougez-vous un peu : ce petit bijou attend une distribution européenne depuis bientôt trois ans !

 

Note BTW


4

The man from the future (O homem do futuro)

 Un film de Claudio Torres / 2011 / Brésil / 106 minutes

Avec Wagner Moura, Aline Moraes, Maria Mendonça