Le festival du film fantastique de Bruxelles est un habitué des grands écarts extrêmes. Les plus prestigieuses manifestations peuvent aller se rhabiller, ce n’est qu’à Bruxelles qu’on peut découvrir à la fois un wu xia steampunk (Tai Chi Zero / Hero, dont nous reparlerons bientôt) et un drame surnaturel sur le franquisme, The Forest, dans la même journée. Dans le même ordre d’idée, cette nouvelle sélection de films vus dans les deux salles du Bozar mélange autant les genres que les plaisirs. Ces trois nouveaux films permettent de voyager dans le temps et à travers l’Europe, avec des ambitions bien différentes : vient en premier le foutraque, fauché et rarement inspiré Frankenstein’s Army (Pays-Bas), le timide slasher Afterparty (Espagne), ainsi qu’un mélodrame inattendu avec Jeremy Irons par le réalisateur multi-palmé Bille August, Night train to Lisbon (Allemagne / Portugal). Suivez le guide !

Frankenstein’s army : bienvenue à naziland

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[quote_left] »Il faut se faire à l’idée qu’en 1944, les militaires aimaient confier des caméras à des Parkinsoniens n’hésitant pas à détaler avec un matériel de plusieurs kilos. »[/quote_left]En lisant le pitch de Frankenstein’s Army, qui confronte durant la Seconde guerre mondiale une section de soldats russes à une armée de zombies-robots (des « zombots », donc) créés par le petit-fils de l’ami Frankenstein pour le compte des nazis, on ne peut s’empêcher de penser à Iron Sky, présenté l’an dernier également à Bruxelles. Pas seulement parce que les deux films partagent cet imaginaire uchronique un brin steampunk, mais aussi parce que les deux projets représentent un investissement colossal pour leurs créateurs respectifs. Tout comme Iron Sky, Frankenstein’s Army est resté plusieurs années dans les cartons du néerlandais Richard Raaphorst, avant que les financements nécessaires soient débloqués pour que les teasers, posters et autres artworks cèdent la place à un vrai film, annoncé comme un film d’horreur brut de décoffrage peuplé de créatures inhumaines effrayantes.

La première déception, constatée dès les premières minutes, vient du fait que Frankenstein’s Army se présente comme un nouveau found footage. Hé oui : il faut se faire à l’idée que même en 1944, les militaires aimaient confier des caméras légèrement moins maniables et résistantes qu’aujourd’hui à des Parkinsoniens qui n’hésitent pas à courir dans des couloirs sombres avec un matériel de plusieurs kilos. On aimerait passer outre cet artifice invraisemblable, mais la première demi-heure de Frankenstein’s Army, qui veut nous immerger dans la vie du bataillon chargé à l’insu de son plein gré d’aller débusquer l’armée du savant fou, tient plus du calvaire que du film de guerre. Le rythme anémique, l’interprétation caricaturale, le choix absurde de faire parler tout le monde anglais (même les nazis !) et la photo terne (c’est bien le found footage, ça évite d’avoir à s’emmerder avec des choix de focales, n’est-ce pas) fait craindre une escroquerie de grande envergure.

Et puis, malgré la bêtise d’un scénario confus et les plans de traviole qui s’enchaînent, on finit par entrer de plein pied dans le show promis par Richard Raaphorst, une fois que ses fameux monstres tant désirés entrent en scène. Créés mécaniquement et filmés comme des attractions de train fantôme, les « zombots » de Frankenstein’s Army sont effectivement de sacrés croquemitaines déglingués, déboulant généralement sur l’écran à chaque fois le caméraman, Dimitri, a le malheur de choisir le mauvais couloir. Il y a une espèce de soldat-moustique perché sur des lances tranchantes, un colosse affublé d’une pale géante, un autre doté d’une vrille tout droit sortie de Bioshock… Bref, une ménagerie malsaine assez (on insiste bien sur le « assez ») bien mise en valeur malgré cette caméra aussi branlante qu’énervante. Le clou du spectacle est atteint avec l’apparition de Frankenstein lui-même, incarné par Karel Roden (Hellboy), savant fou qui procure les moments les plus gore d’un film cachant mal son aspect ultra-artisanal – on atteint péniblement les 90 minutes de métrage – mais qui se rachète un peu par son bestiaire, fruit on l’imagine de longues heures de brainstorming éthylique.

 


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Frankenstein’s Army

Un film de Richard Raaphorst / 2013 / Pays-Bas – USA / 86 minutes

Avec Karel Roden, Joshua Sasse, Alexander Mercury


Afterparty : pour le fun

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Interrogé lors de la présentation du film Afterparty sur la situation économique en Espagne, frappée de plein fouet par la crise, le réalisateur Miguel Larraya s’est contenté d’un sourire. « Je ne souhaite pas m’intéresser à la politique. C’est pour cela que j’ai fait un film avec du sang, du sexe et du fun dedans. » Une soirée vidéo entre potes ? Afterparty s’avère un correct prendre du bon temps sans se prendre la tête.

Pour son premier long-métrage, Miguel Larraya a enfermé un beau minet connu en mode Justin Bieber local et une dizaine de bimbos en chaleur dans une maison, en apparence impénétrable. Martin est le « Capitaine », héros d’une série télévisée et ses conquêtes font les choux gras de la presse à scandale. Le jeune homme déchaîne les passions des adolescentes totalement folles de son minois imberbe. Il se laisse entraîner à une soirée avec la ferme intention de séduire le plus de nénettes possible. Autour de la piscine, les fêtards se lâchent et les filles s’intéressent de près à la célébrité qui s’est jointe au groupe. Le lendemain, Martin se réveille dans une maison vide et totalement verrouillée. Mais devinez quoi ? Il n’est pas complètement seul !

[quote_right] »Afterparty s’avère un slasher correct pour prendre du bon temps sans se prendre la tête. »[/quote_right]Au bout d’une heure, la caméra frénétique de Miguel Larraya tourne en rond : les mêmes couloirs sous-éclairés, les mêmes portes en contre-plaqué, les mêmes serrures infranchissables et le même escalier bétonné. Le budget du film transparaît dans les décors : mornes, malgré la volonté de faire croire au luxe et à la volupté. Nul doute qu’Afterparty dispose d’un bon scénario (évoquant une sorte de Scream inversé) et une imagination débordante lorsqu’il s’agit de trucider les gens, mais il aurait du donner de sérieux coups de cutter dans son montage.


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 Afterparty

Un film de Miguel Larraya / 2012 / Espagne / 78 minutes

Avec Úrsula Corberó, Lucho Fernández, Alicia Sanz

 


 

Night Train to Lisbon : la route est longue

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[quote_left] »Le rythme lent du film n’est en rien justifié par un manque d’idées scénaristiques et la platitude du script. »[/quote_left]En 1933, le Général Salazar, nommé ministre des Finances, introduit une nouvelle constitution qui lui donne les pleins pouvoirs sur son pays. Il aura fallu 11 années de répressions sanglantes et de résistance pour voir enfin tomber cet enseignant devenu dictateur. Dans Night Train to Lisbon, Jeremy Irons campe un professeur de latin à Berne. La soixantaine, le prof n’est plus tout jeune et pourtant, il mène une enquête pour faire resurgir les démons de la dictature portugaise.

Dans cette adaptation du roman de Pascal Mercier, Raimund tombe par hasard sur une œuvre littéraire signée par un médecin et écrivain portugais qui a vécu le régime totalitariste de l’intérieur. Raimund saute dans un train de nuit pour Lisbonne, déterminé à faire toute la lumière sur la disparition mystérieuse de ce personnage. Au fil de l’enquête, Raimund relie les fils des témoignages le menant à la vérité. Le courage de combattre pour un idéal, l’amour et les désillusions marquent ce récit.

Jeremy Irons incarne un personnage autoproclamé « ennuyeux », engoncé dans son âge avancé et fastidieux. Le rythme lent du film n’est en rien justifié par un manque d’idées scénaristiques et la platitude du script. Night Train to Lisbon est un film élégant, porté par Jeremy Irons et Charlotte Rampling d’une part,et  d’autre part parla captation de Berne, du vieux Lisbonne, de la côte Atlantique et enfin par la musique orchestrale composée par Annette Focks. Mais sans effets particuliers, sans saveur ni odeur, il n’apporte rien d’intéressant au genre du mélodrame historique.


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 Night Train to Lisbon

Un film de Bille August / 2013 / 110 minutes

Avec Jeremy Irons, Bruno Ganz, Lena Olin