À moins que vous ne soyez un adepte des DVD non sous-titrés disponibles dans des épiceries spécialisées ou sur certains étals des Puces de Saint-Ouen, difficile, encore aujourd’hui, de se proclamer spécialiste du cinéma indien, tant cette inestimable et bouillonnante cinématographie se refuse chez nous à l’exportation. Les différences culturelles et linguistiques sont bien sûr pour beaucoup dans ce relatif cloisonnement, qui ne s’ébrèche que rarement, malgré l’attention qui est portée sur ce pays produisant plus d’un millier de longs-métrages chaque année, par différents festivals, dont l’incontournable Cannes, qui l’a mis en avant cette année avec, entre autres, la projection de Moonsoon Shootout. C’est un état de fait que nous avions mis en avant lors d’un « épisode » spécial Inde l’an dernier, à l’occasion de la sortie du dernier mélo avec la mégastar Shahrukh Khan, Jusqu’à mon dernier souffle, dans quelques salles françaises. Sans exotisme bollywoodien, caution cannoise (l’exemple Gangs of Wasseypur) ou argument « blockbusterisant » (comme pour Voltage, aka Ra.One), aucune chance de voir débouler chez nous les films d’un Ram Gopal Varma, par exemple.

[quote_center] »Night Ed Films, qui prend le pari de faire sortir ces films d’une sorte de « ghetto culturel ». » [/quote_center]

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Si les choses peuvent changer, c’est grâce à la mobilisation des distributeurs et des passionnés assez fous pour créer des manifestations spécialisées. Début 2013, un nouveau festival, le FFAST (Festival du film d’Asie du sud transgressif) organisé par l’association South asia Paris new art, s’est attelé à débusquer des films indiens sortant des sentiers battus. Depuis le 15 octobre, c’est un autre événement, le festival Extravagant India, qui met le pays-continent à l’honneur. Installée au cinéma Le Lincoln, la manifestation prend le pari de faire se côtoyer différentes cultures locales du cinéma, l’Inde étant célèbre pour ses différents « points cardinaux » de production, disséminés aux quatre coins du pays. Avec ses invités de poids, comme Irfan Khan, célèbre en Occident pour ses rôles dans Slumdog Millionnaire et L’odyssée de Pi, venu présenter de son dernier film The Lunchbox, ou des longs déjà remarqués à Cannes ou l’Étrange, comme Ugly ou The Dirty Picture, Extravagant India signe une première sélection aguicheuse, qui s’est assurée le soutien actif de l’Ambassade indienne en France.

Du Bollywood à déguster en salles

Aussi essentiels soient-ils, ces événements demeurent éphémères et n’attirent que partiellement l’intérêt des médias. La solution la plus efficace pour faire connaître le cinéma indien demeure la distribution en salles, et c’est cette aventure que tente depuis plusieurs années maintenant la compagnie Night Ed Films, qui prend le pari de faire sortir ces films d’une sorte de « ghetto culturel » (comprendre une ou deux salles dans des quartiers spécifiques de Paris) dans lequel ils sont enfermés. La première tentative a eu lieu avec, justement, The Dirty Picture, qui raconte l’ascension et la déchéance d’une actrice bollywoodienne. Et Night Ed Films a récidivé ce mois-ci de belle manière. D’abord en sortant le 9 octobre dernier sur 70 copies le polar « kollywoodien » (c’est-à-dire produit au sud du pays, à Chennai) L’allumette, variation musclée sur le thème de Taxi Driver, puis en proposant, depuis le 16 octobre, la comédie masala – terme culinaire qui évoque le mélange des genres typique de l’Inde, de la comédie cartoonesque ou musicale à l’action pétaradante – Boss, que l’on doit à Anthony D’Souza (Blue, démarquage avoué de Bleu d’Enfer).

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Pur divertissement en provenance de Bollywood, Boss met en scène la star Akshay Kumar, vu dans une centaine de films dont le bourrin Rowdy Rathore, dans le rôle du dit « boss », un gentil gangster qui pour sauver sa famille s’embarque dans une série d’embrouilles qui ne pourront se résoudre qu’en chansons et à coups de poings. Un programme familier pour les connaisseurs du cinéma indien, mais qu’on a peu l’occasion de voir sur des écrans comme ceux du Grand Rex où le film est en ce moment projeté (réservations ici) – le film est également diffusé dans plusieurs multiplexes de province.

La bande-annonce de Boss

En attendant que Born to Watch revienne plus longuement sur ces films qui sortent peu à peu de l’ombre, n’hésitez pas à cultiver votre curiosité, et passez à l’heure indienne !