La sortie d’Histoires de fantômes chinois sur une poignée d’écrans français en 1987 a été autant un évènement cinématographique que culturel : c’était avant l’exportation des films de John Woo, des Il était une fois en Chine, de la lente métamorphose d’un cinéma hollywoodien traumatisé par les excès bariolés et la liberté de ton des films hong-kongais. Exploitation astucieuse, éperdument sincère et vraiment « magique » de la mythologie traditionnelle chinoise, cette production Film Workshop fut l’un des plus grands succès du mogul local, Tsui Hark. Crédité comme producteur à l’époque, c’est à lui qu’est souvent est attribuée la vraie paternité du film et de ses suites tout aussi cultes, mais plus commerciales. Accompagné du réalisateur attitré de la saga, Ching Siu-Tung, l’homme à la barbichette avait tenté de revisiter une première fois cet univers envoûtant par le biais du film d’animation, en 2000. Le résultat, bancal, paraissait toutefois plus sincère comparé à cette nouvelle resucée arrivée sur les écrans chinois en 2011.

Le triangle maudit

Le percepteur nigaud et la belle femme démon : un couple rentré dans la mythologie du cinéma chinois.

Hong-Kong n’est donc pas à l’abri, elle aussi, du dérapage commercial inconsidéré : Histoires de fantômes chinois est un titre cher à la mémoire collective du grand public, là-bas, d’autant plus qu’il est associé à la performance, dans le rôle de l’innocent collecteur d’impôts, du regretté Leslie Cheung. À quoi bon s’attaquer à un monument, quand il s’agit visiblement uniquement d’en proposer une version dépourvue de passions, uniquement justifiée par l’inclusion d’effets spéciaux numériques (bien souvent hideux) et de personnages supplémentaires inutiles ?

C’est donc en se grattant la tête qu’on regarde la tentative de Wilson Yip (capable du pire comme du meilleur avec la star Donnie Yen, de SPL à Dragon Tiger Gate), certes pas dépourvue de moyens, mais qui sonne continuellement faux. Contrairement à l’original, qui se concentrait sur l’histoire d’amour impossible entre l’humain (Leslie Cheung) et la femme fantôme (Joey Wong), Chinese Ghost Story fonctionne comme un triangle amoureux, le chasseur de démons devenant lui aussi amoureux de la belle apparition. Privé d’un véritable cœur émotionnel, le film tangue ainsi dès le départ, et choisit l’option de facilité en misant tout sur l’exotisme aventureux et les combats câblés, seule véritable oasis d’originalité dans un désert artistique.

Histoires de fantômes opportunistes

Louis Koo incarne un chasseur de démons transi d’amour.

On sent bien la volonté de Yip de coller à l’esprit du film original, notamment en reprenant certaines musiques de 1987, et en reprenant les éléments les plus identifiables de cet univers (le héros est un peu nigaud, la femme démon en chef utilise sa chevelure pour étouffer ses adversaires, les chasseurs de démons utilisent des mantras pour déclencher leurs pouvoirs, etc.). Il y a après tout des gens de métier derrière la caméra, et pour tout dire, si le film ne portait pas ce nom, peut-être serait-il jugé comme un divertissement agréable.

Mais rien à faire, si les souvenirs de la saga de Tsui Hark commencent à dater, ils restent tout de même bien présents durant toute la projection, et à aucun moment la comparaison ne joue en la faveur de Yip. Le couple principal est fade et adepte des moues éberluées, Louis Koo toujours charismatique mais peu présent ; seul son mentor manchot incarné par Fan Siu-Wong dégage une véritable animalité en phase avec son personnage de chasseur sans pitié, et donne un semblant de vie et d’énergie au dernier tiers du film. Mais il semble sorti d’un autre film (The Blade ?), d’un autre univers en décalage avec celui d’Histoires de fantômes chinois, qui est avant tout affaire de romantisme fantastique, d’innocence quasi poétique. Une sincérité qui manque cruellement à cette entreprise capitalisant sur un titre pour fabriquer un produit sans âme.


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Deuxsurcinq
Chinese Ghost Story (Sien nui yau wan)
De Wilson Yip
2011 / Chine – Hong-Kong / 100 minutes
Avec Louis Koo, Yu Shaoqun, Liu Yifei
Sortie prochainement
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