Dark Harvest : la citrouille ou la vie !

par | 15 novembre 2023 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Dark Harvest : la citrouille ou la vie !

Le réalisateur de 30 jours de nuit orchestre une étrange chasse au monstre à Halloween dans Dark Harvest, série B très « kingienne ».

Une petite ville américaine dans les années 60, des champs de maïs à perte de vue, une communauté enchaînée à une malédiction qui se perpétue de génération en génération, des jeunes rebelles en butte à l’autorité parentale, un monstre iconique… S’il n’était pas déjà tiré d’un roman plusieurs fois primé en 2006 de Norman Partridge, on pourrait jurer que Dark Harvest est un hommage déguisé à l’œuvre de Stephen King. Resté pendant près de deux ans sur les étagères de la MGM, le nouveau film de David Slade (Hard Candy, 30 jours de nuit), qui se refait ici une santé en revenant au genre qui l’a consacré, Dark Harvest a donc un parfum plus que familier et ce n’est pas un hasard si Prime Video lui a offert une (discrète) sortie sur sa plateforme en octobre, période d’Halloween où se déroule cette série B aussi étrange qu’aguicheuse.

Les ados du maïs

Dark Harvest : la citrouille ou la vie !

Nous sommes en 1962 dans une ville rurale, qui pourrait se trouver n’importe où dans la Corn Belt américaine. Une seule route à travers champs permet de s’échapper, mais bizarrement, personne n’y arrive. Chaque année, les garçons du coin sont enfermés pendant trois jours sans manger, avant de tenter la nuit d’Halloween de gagner la « Course » : il faut attraper et tuer Jack Dents-de-Scie (qu’on va plutôt appeler Joe la citrouille), une créature humanoïde à tête de citrouille, avant qu’il ne franchisse le seuil de l’église locale. Le vainqueur récolte 25 000 dollars, une voiture de sport et le droit de quitter la ville, pendant que ses parents restent à compter leurs sous. Richie Shepard (Casey Likes) a vu son frère Jim gagner la Course un an avant et disparaître. Avec son petit gang, l’ado rebelle est déterminé à participer à l’épreuve. Le soir venu, les garçons sont lâchés sur la ville, affamés et ivres de brutalité. Joe la citrouille commence à faire des victimes, et Richie se retrouve seul, aux côtés de Kelly (E’Myri Crutchfield), qui a bravé l’interdiction pour les filles de sortir. Au moment de leur face-à-face, Richie découvre la vérité sur Joe et ce qui se cache derrière cette fameuse Course…

« Le gore jaillit ici sans prévenir, de manière outrancière et esthétisante. »

À mi-chemin entre Les enfants du maïs, American Nightmare et Outsiders, Dark Harvest se révèle donc être une drôle de bestiole. Un film qui comme tout comme le livre dont il s’inspire soigne une mythologie rapiécée à partir d’ingrédients très (très) familiers, agencés de manière à générer une inquiétante étrangeté. Et Slade, qui s’était éloigné depuis quelques années du cinéma, réussit à instaurer cette atmosphère évocatrice et hors du temps, avec cette ville hors du temps et de l’espace d’où toute fuite est impossible. Un pur champ de fiction où viennent justement pousser des archétypes narratifs, comme le village maudit, le héros malgré lui et la créature à abattre comme rite initiatique. Le film tire le meilleur d’un budget qu’on devine peu mirobolant, notamment en s’autorisant une multitude de décors, en accentuant l’intensité de jeu de ses acteurs – on pense au flic maboul garant du respect des « règles » de la Course – et en sublimant une photo nocturne aux relents oniriques.

Bien sûr, Dark Harvest ne renie pas sa dimension de film d’horreur : le gore jaillit ici sans prévenir, de manière outrancière et esthétisante. Des électrochocs à l’image d’un long-métrage confus, qui comme sa source littéraire laisse pas mal d’explications dans l’ombre, au point que les actes et réactions des personnages engendrent plusieurs incompréhensions (il n’y a ainsi pas de raison donnée à l’origine de la malédiction de Joe la citrouille, ou au comportement excessif et meurtrier des garçons lors de la Course). Mais une fois encore, le résultat, qui sort indéniablement des sentiers battus des films d’Halloween, reste digne d’intérêt, et donne surtout envie de voir comment David Slade va continuer de rebondir dans sa carrière.