Nous inaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique, qui s’adresse aux cinéphiles curieux de choses insignifiantes pour le communs des mortels. Si vous appartenez à cette catégorie, bienvenue dans premier chapitre de « Fun Facts » consacré à… Colin Eggesfield ! Qui ?
Le vrai fantôme du film
Colin Eggesfield vous est sûrement inconnu, et vous devez vous demander pourquoi nous consacrons une page à ce mystérieux Colin « champs d’œufs ». Pour cela, il nous faut revenir à une petite série B, qui n’a eu que les honneurs du DTV, chroniquée dans Born to Watch en février dernier, At The Devil’s Door. C’est grâce à ce film que Colin, appelons-le de cette manière, entra pour toujours dans la légende du cinéma. Et ce, sans même figurer dans le film !
Nos lecteurs ne sont pas sans savoir que nous nous efforçons de mettre en avant les laissés-pour-compte des salles françaises, les films qui n’arrivent dans nos contrés que dans le petit boîtier d’un DVD, ou parfois même encore dans la case « e-cinéma ». Parfois, quelques pépites sortent du lot, et nous nous efforçons de mettre en avant leurs qualités. Certes, At The Devil’s Door, film de fantômes, n’est pas parfait, mais il ne manque pas d’atouts. Il narre l’histoire de Leigh, une jeune femme qui travaille pour une agence immobilière, et fait le forcing pour revendre une baraque et faire décoller sa carrière. Problème, la maison est le théâtre de mystérieux événements et d’apparitions effrayantes…
« J’ai adoré le tournage ! »
Quelques frissons plus tard, le spectateur satisfait poussera la curiosité jusqu’aux « bonus » pour découvrir dans le making-of, intitulé « Le diable au corps » qui rassemble les interviews des acteurs du film de Nicholas McCarthy. Et c’est avec une perplexité presque surnaturelle qu’il découvrira le jolis minois de Colin Eggesfield. Trop occupé à admirer le beau monsieur en costume, le spectateur en oublierait presque de lire le carton qui passe bien rapidement sous ses yeux. Mais qui est ce Colin qui truste la quasi-totalité des interviews de tournage, avec, il faut bien l’avouer, un sourire chaleureux à toute épreuve ?
Est-ce le réalisateur du film ? Avec tout le respect que nous devons pour le réalisateur de The Pact, Nicholas McCarthy n’a rien d’un sex-symbol. Un producteur alors ? Peut-être, mais alors pour quelle raison revient-il sur le plaisir infini qu’il a eu à donner la réplique à Catalina Sandino Moreno (A Most Violent Year), l’actrice principale du film ? Le monstre, alors ? La réponse nous vient de Catalina elle-même : Colin jouait en fait son époux dévoué. La perplexité s’intensifie au point de revoir la totalité du film en accéléré. Là, le figurant dans le plan ! Non ? Et ce personnage ? Non, aucune trace, même la plus infime de Colin dans At The Devil’s Door, pas même dans le générique de fin !
Acteur bonus
Après enquête, nous devons nous rendre à l’évidence, Colin, malgré sa motivation, a bel et bien été coupé au montage. Entièrement, comme s’il n’avait jamais existé. Comment les producteurs du film ont-ils osé lui demander de promouvoir une apparition éphémère ? Certes, sa présence au scénario ne présente aucun intérêt narratif et pourrait, suivant sa prestation, alourdir un hypothétique premier montage que nous n’avons pas vu, mais pourtant, il a eu l’honneur des bonus (pas de Laurent Bouzereau, nous vous l’accordons…), mais des bonus quand même.
Qui est Colin Eggesfield qui se tape l’incruste dans ce making-of ? Colin, quarantenaire venu du Michigan, après des études de médecine pour faire comme Papa, a débuté sa carrière en tant que mannequin (étonnant ?), avant de se tourner vers le cruel métier d’acteur. Cruel, car, après avoir accédé au statut de star dans le soap mythique américain, La Force du Destin, il enchaîne les flops avec un pilote avorté et son éviction du remake de Melrose Place en raison de l’impopularité de son personnage. S’ensuit une lente et inexorable descente aux enfers avec des petits rôles dans des séries aussi intéressantes qu’éphémères et ce At The Devil’s Door où les producteurs n’ont même pas conservé sa prestation oscarisable (ok, personne n’a pu juger). Ainsi, tel est le destin tragique de bon nombre de ces Colin du 7e art, qui, après avoir embrassé une « brillante » carrière à la télévision, se rebellent et se heurtent à la dure loi de Hollywood.
Mais pourquoi sont-il aussi méchants ?
Que Colin « champs d’œufs » se rassure, il n’est pas le seul à avoir subi le coup de ciseau impitoyable d’un réalisateur. Terrence Malick est d’ailleurs champion olympique dans le domaine de l’effacement d’acteurs. Rachel Weisz, Jessica Chastain, Amanda Peet, Michael Sheen et Barry Pepper, tous éjectés d’A la merveille s’en souviennent. Si une coupure peut se justifier par l’humeur d’un réalisateur, elle épouse parfois des motifs étonnant, comme Tobey Maguire, jugé « trop célèbre » pour apparaître dans L’Odyssée de Pi. Demandez donc à Bill Pullman et à Martin Sheen leur avis sur leur disparition complète de La ligne rouge après un tournage éreintant. Où est donc passée Uma Thurman, présente sur le tournage de Savages mais malencontreusement disparue du montage final ?
[quote_center] »Comment les producteurs ont-ils osé lui demander de promouvoir le film ? »[/quote_center]
La honte est aussi tombé sur le frenchy Gilles Lellouche, pas peu fier d’apparaître dans Sherlock Holmes 2, avant que Guy Ritchie décide de se passer des scènes tournées sur notre territoire. Que dire aussi d’Audrey Fleurot, folle de rage, qui justifie sa disparition du montage de Midnight in Paris car elle aurait accidentellement fait peur à Woody Allen. Saviez-vous qu’Harrison Ford figurait au casting d’origine d’E.T. ? Son seul défaut : être l’adulte de trop dans un film que Steven Spielberg souhaitait tout public ! Avant de rejoindre son cercueil, entouré de ses amis, Kevin Costner devait également apparaître dans Les Copains d’abord. Ses flash-backs seront sucrés sur le banc de montage, mais à sa décharge, Costner était encore inconnu en ce temps. Pour finir, une première projection à Cannes aura eu raison de la prestation, jugée trop longue, de Maggie Cheung dans Inglourious Basterds.
Andy Garcia (Esprits rebelles), Mick Jagger (Fitzcarraldo) ou, plus étonnant, Novak Djokovic (Expendables 2 : Unité Spéciale) ont également fait partie de cette longue liste des recalés de dernière minute. Humeurs, longueurs, nationalité, notoriété, âge, tous les prétextes sont bons pour éjecter un acteur d’un montage final, comme ce pauvre Colin Eggesfield. Ne nous lamentons pas trop sur son sort tout de même : si le cinéma et la télé le boudent et si les podiums ne veulent plus de lui, Colin pourra songer à devenir Docteur Mamour, mais en vrai !