Honeydew : la campagne, ça vous calme (BIFFF 2021)

par | 21 avril 2021 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

Honeydew : la campagne, ça vous calme (BIFFF 2021)

Honeydew est un film de genre, le survival redneck, qui vient avec ses passages obligés, que le réalisateur veut contourner en jouant sur l’attente. Pari réussi ?

Au cas où vous ne le sauriez pas, « honeydew » en anglais veut dire miellat : une sorte de miel excrété par des pucerons qui s’apparente aussi à une nuisance naturelle, ce liquide épais et visqueux s’accrochant à tous les bâtiments ou mobiliers qui peuvent se trouver sous les arbres infestés de petits insectes. Un truc qui colle à la peau, donc, un peu comme l’ambiance que tente d’instaurer le réalisateur Devereux Milburn dans son premier long-métrage, qui n’a de doucereux que le titre. Honeydew, donc, a toutes les apparences d’un film indépendant qui n’en a pas encore terminé avec les influences fondatrices du genre « survival redneck » impulsé au mi-temps des années 70 par Massacre à la tronçonneuse. C’est un film de convention, donc, qui se refuse pourtant à être conventionnel en attendant aussi longtemps que possible avec de livrer au public de connaisseurs qui le découvrira ce qu’il est venu chercher.

La maison des sévices. Peut-être.

Honeydew : la campagne, ça vous calme (BIFFF 2021)

Portant le nom le plus illustre qui soit dans le monde du cinéma, Sawyer Avery Spielberg (l’un des fils de Steven et Kate Capshaw, oui) fait ses débuts à l’écran dans le rôle de Sam, qui part en week-end accompagner sa chère et tendre Rylie (Malin Barr), en pleines recherches pour sa thèse scientifique sur un virus empoisonnant le blé et les agriculteurs qui le cultivent et le consomment. Ambiance road movie avec problèmes de 4G – ce qui nous rappelle au besoin que le film ne se déroule pas durant la décennie auquel tout (musique, générique, photo, même la voiture vintage) nous fait penser – qui oblige les tourtereaux, perdus, à camper dans un champ la nuit. Le virage fatal s’opère quand un vieil homme leur donne l’ordre de quitter son terrain, que leur voiture ne s’allume plus et que le duo décide de se rabattre sur la maison la plus proche. L’antre d’une vieille dame hospitalière, mais décidément étrange, qui insiste pour leur offrir le gîte et le couvert en attendant le réparateur. N’importe quelle personne éduquée aux films d’horreur chercherait le panneau de sortie le plus proche, surtout quand on découvre qu’un fiston à moitié trépané comate dans la cuisine, mais Sam a plus envie de rester – pour emmerder sa moitié, a priori. La soirée se prolonge et avec elle, la menace grandit…

« Milburn veut nous questionner, nous titiller et déjouer nos attentes. »

La caractéristique la plus saillante de Honeydew, outre sa photo capiteuse signée Dan Kennedy et le soin apporté à la BO envoûtante de John Mehrmann (qui évoque le score tout aussi picaresque de Vorace), c’est sans doute son absence de surprise. Oui, quelque chose de louche se trame dans cette maison perdue au milieu des bois dans laquelle le destin (un peu forcé) amène Rylie et Sam. Oui, bien qu’ils aient du mal à le réaliser, les choses ne vont pas bien se terminer pour eux. Mais Milburn prend son temps pour arriver à ce troisième acte « libérateur », où Honeydew met un nom et des images sur l’horreur qu’il cache. Plus fasciné par la démente scène de repas du film de Hopper que par celles avec la tronçonneuse, il en reprend ici les ressorts en y ajoutant une composante scientifique, qui laisse en filigrane penser que les hôtes inquiétants qui piègent le couple sont presque victimes de leur environnement (le script laisse entendre qu’ils ont été empoisonnés, ruinés et rendus fous par le fameux virus). Un fatalisme qui rajoute au nihilisme ambiant, Sam et Rylie étant de plus décrits comme un couple attentionné, mais dysfonctionnel : Sam en particulier a tout de l’égocentrique capricieux et agit constamment à rebours de nos attentes. Honeydew délaie donc son intrigue autant qu’il peut, à tel point que le climax horrifique ne peut que décevoir. Milburn veut nous questionner, nous titiller et déjouer nos attentes, mais à quoi bon faire le malin si le résultat est bien ce que nous soupçonnions (excepté un caméo, inattendu et vraiment bizarre, de Lena Dunham !) depuis le début ?