Si le décès, à 40 ans, de Paul Walker, en a choqué plus d’un l’an passé, elle aura aussi eu comme conséquence d’altérer le jugement de beaucoup de critiques sur ses derniers travaux. Le comédien américain enchaînait en effet les tournages à vitesse grand V ces dernières années, et en dehors de la franchise Fast & Furious, quatre productions étaient encore en attente de sortie sous nos latitudes au moment de l’accident. La petite série B Run Out (qui comme le sympathique Kidnapping et le récent Locke se passait quasi entièrement dans une voiture), la Tarantinade American Stories et Brick Mansions, le remake débilou de Banlieue 13, ayant été distribués, Hours est le dernier long-métrage de Walker a être officiellement commercialisé en France, uniquement en vidéo (en attendant de connaître l’étendue de son rôle dans Fast & Furious 7).

[quote_center] »Le film tient debout parce que Walker démontre qu’il pouvait incarner un homme ordinaire poussé à bout dans des circonstances extraordinaires. »[/quote_center]

Ce qui tombe plutôt bien : Hours, sans être une éclatante réussite, s’avère largement meilleur que les autres titres, et réussit dans la limite de ses ambitions à proposer un récit original et plutôt émouvant dans ses derniers instants. Paul Walker incarne ici Nolan, un brave gars vivant un cauchemar assez inédit : il accompagne dans l’urgence sa femme Abigail (Genesis Rodriguez) à l’hôpital pour un accouchement avant terme, au moment même où, à La Nouvelle-Orléans, l’ouragan Katrina s’apprête à causer des dommages colossaux en Louisiane. Même si le bébé prématuré survit, l’opération se déroule mal et Abigail perd la vie. Effondré, Nolan a à peine le temps de pleurer son épouse : les digues de la ville ont lâché, et l’inondation de la ville entraîne l’évacuation progressive de l’hôpital dans un complet chaos. Nolan se retrouve seul pour protéger son nouveau-né, placé sous respirateur dans une couveuse impossible à déplacer. Les choses se compliquent quand le courant coupe et que le jeune père doit recharger, toutes les trois minutes, l’appareil, à l’aide d’une vieille batterie de secours…

Papa malgré lui

Hours : tempête dans un berceau

Hours, de manière plutôt surprenante pour une production mettant en vedette un Paul Walker traditionnellement assez « limité » dans son jeu (pour ne pas dire complètement transparent), se résume donc littéralement à un drame en chambre, une sorte de one-man-show pour un comédien confronté au défi de devoir remplir seul l’écran pendant 90 minutes. Le scénario multiplie avec un plaisir manifeste pour l’accumulation de coïncidences les événements qui poussent Nolan à devoir rester le plus possible auprès de cet enfant qu’il ne désire au départ pas autant que sa femme. Celle-ci est présente dans de multiples flash-backs qui, s’ils n’apportent pas grand-chose à l’intrigue, permettent de casser la routine qui s’installe rapidement. En effet, Walker étant obligé de remonter tout le temps, à l’aide d’une manivelle puis de tout ce qui lui passe sous la main, sa récalcitrante batterie, une bonne partie du film se résume à regarder l’acteur mouliner des bras avec un air exaspéré, entre deux explorations express de l’hôpital abandonné.

Malgré tout, le film tient debout, ne serait-ce que parce que Walker, comme dans le sous-estimé La peur au ventre, démontre qu’il pouvait parfaitement incarner avec un peu d’effort un homme ordinaire poussé à bout dans des circonstances extraordinaires. Le twist émotionnel de Hours étant que ces circonstances-là (il s’agit après tout ni plus ni moins d’un survival, à la All is lost) amènent notre héros à se découvrir un instinct de père et à révéler son tempérament profondément protecteur. Walker parvient à vendre ces moments de doute, de désespoir et de rage, notamment lors de quelques scènes mémorables, où il doit pleurer sa femme posée sous un drap à même le sol faute de place, ou se transformer en vigilante face aux pilleurs qui investissent les lieux.

Mon père ce dingo

Hours : tempête dans un berceau

Là où le long-métrage pêche, c’est dans ses dialogues, de manière générale peu inspirés, surtout à partir du moment où Nolan se retrouve isolé. Plutôt que de s’appuyer sur le montage et la mise en scène pour baliser son intrigue, Hours préfère transformer Walker en gentil dingo parlant tout seul ou à son bébé pendant une bonne heure. Non seulement la situation devient irréaliste, mais elle tourne parfois au ridicule (Nolan vide son portefeuille pour montrer ses photos de famille au nourrisson, explique tout haut ce qu’il doit faire pour survivre, etc.), accentuant de fait l’aspect « remplissage » de certaines scènes. À la décharge de l’acteur, il faut préciser que le film est signé et réalisé par Eric Heisserer, un tâcheron de première puisqu’on lui doit les scénarios pathétiques des remakes de The Thing et des Griffes de la nuit.

Hours, qui ménage quelques moments spectaculaires au cœur d’un récit profondément intimiste, gagne enfin quelques points en situant son action dans un véritable hôpital de La Nouvelle-Orléans, devenu inutilisable après l’inondation de 2005. Un décor parfait utilisé du sol (immergé) jusqu’au toit, au centre d’une petite production qui ne paie pas de mine, mais, contrairement à de nombreux titres de la filmo de l’ami Walker, vaut le détour.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]
Trois sur cinq
Hours
D’Eric Heisserer
2013 / USA / 97 minutes
Avec Paul Walker, Genesis Rodriguez, Kerry Cahill
Sortie le 3 septembre 2014 en DVD et Blu-ray chez Pathé
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