The Jane Doe Identity : morgue de peur !
Perle horrifique signée par le réalisateur de Troll Hunter, The Jane Doe Identity nous enferme dans une salle d’autopsie le temps d’une nuit de cauchemar… intense !
Y a-t-il décor plus familier et évocateur, au cinéma s’entend, qu’une morgue ? Par un paradoxe qu’autorise seulement la fiction, nous avons tous en tête une image mentale de ce à quoi ressemblent ces endroits, même si nous n’en avons jamais vu en vrai. Et le 7e agt s’est rarement fait prier pour exploiter la dimension profondément fascinante et effrayante de ces antichambres de l’au-delà, que ce soit dans les procedurals, où ils font figure de passage obligé, ou bien entendu dans les films d’horreur. Un frigo rempli de corps, c’est angoissant. Mais une autopsie décortiquée en longueur par un réalisateur chargé de vous flanquer la frousse de votre vie ? C’est un programme que certaines âmes sensibles ne pourront supporter, et que remplit The Autopsy of Jane Doe, trompeusement renommé chez nous The Jane Doe Identity (sans doute pour rassurer les distributeurs). À ces êtres fragiles, nous déconseillons donc de s’aventurer dans ce film découvert lors du PIFFF 2016, comme nous l’aurions fait pour des œuvres similaires autrement plus insoutenables, comme The corpse of Anna Fritz, Autopsy, Aftermath, ou l’infernal Camp 731.
La mort sous la peau
Tourné en Angleterre, Autopsy of Jane Doe nous propulse pourtant dans une ambiance purement américaine : suite à la découverte de plusieurs cadavres dans une maison de banlieue, le shérif livre au service légiste local, une petite entreprise familiale, le corps non identifié d’une jeune femme. Une « Jane Doe », donc, qui doit être autopsiée pour déterminer les causes de son décès. Tommy (Brian Cox), médecin légiste au bord de la retraite, se charge du cas, et reçoit, bon gré mal gré, l’aide de son assistant Austin (Emile Hirsch), son propre fils, dont il espère qu’il reprendra le flambeau après son départ. Alors que la nuit tombe et qu’ils s’activent sur ce « dossier », les questions et les détails bizarres s’accumulent. « Jane Doe » a subi un véritable calvaire, visiblement, mais de quoi exactement est-elle morte ?
« On suit les révélations qui s’accumulent avec le même entrain qu’un Watson qui assisterait à la résolution d’une enquête de Sherlock Holmes. »
Les promesses d’un titre aussi explicite qu’Autopsy of Jane Doe ont beau être remplies à l’écran, le film n’a toutefois rien d’une bande inutilement glauque. L’histoire n’est pas un prétexte à un déballage de tripes, mais à une sorte de puzzle médical, où la raison se heurte au mystère, le raisonnement scientifique à l’inexplicable. Comme un épisode de House classé R, d’une certaine manière, qui déraperait à mi-parcours dans l’angoisse pure et dure. Contre toute attente, on suit les révélations qui s’accumulent avec le même entrain qu’un Watson qui assisterait à la résolution d’une enquête de Sherlock Holmes. À cette différence près que chaque raisonnement découle d’un bruit d’os suspect, d’un organe bizarrement brûlé ou de corps étrangers découverts dans la trachée d’un cadavre filmé sous tous les angles. Une femme dont les yeux sans vie semblent nous fixer avec une insistance de moins en moins naturelle (coup de chapeau au passage à Catherine Kelly, qui a endossé ce rôle extrême et impudique)…
Des corps et des frissons
Mélange sous tension de suspense et de macabre, The Jane Doe Identity parvient à nous river à notre fauteuil en ne quittant presque jamais son décor principal. Une morgue familiale, criante de vérité, avec son architecture gothique, ses couloirs boisés et son ascenseur rustique, qui contrastent avec la salle d’autopsie, aux allures de salle de classe, que la mise en scène explore dans un souci constant de renouvellement des perspectives. C’est un plaisir d’ailleurs de retrouver derrière la caméra le norvégien André Øvredal, qui opère un virage stylistique marquant après le found footage Troll Hunter qui l’avait fait en connaître en 2010. Inspiré par le succès de Conjuring, le futur réalisateur du Dernier Voyage du Demeter a voulu apporter sa pierre à l’édifice en construisant un film patient, dont la progression vers l’horreur a pour effet de nouer tout aussi graduellement l’estomac.
Même sans connaître les tenants et les aboutissants de l’intrigue (comme souvent, ne tentez pas d’en savoir trop avant de pousser les portes de cette morgue), les habitués du genre n’auront pas trop de mal à anticiper certains effets faciles et à pointer du doigt des coïncidences un peu trop malheureuses pour être réalistes. C’est d’ailleurs quand il répond aux normes des jump scares et scènes de tension jouant avec les échelles de plan popularisées par James Wan que The Jane Doe Identity se montre le moins convaincant. La dernière ligne droite de cette nuit de cauchemar n’est pas l’élément le plus satisfaisant d’un film qui peut toutefois se reposer, de la première à la dernière minute, sur une paire d’acteurs on ne peut plus convaincante. Emile Hirsch et Brian Cox apportent un métier et un bagage d’acteur de composition indispensables pour faire tenir debout un scénario où tous les rebondissements passent par les dialogues. Øvredal, intelligemment, irrigue de plus le film d’une forme de mélancolie discrète, la relation contrariée père/fils apportant une dimension émotionnelle salvatrice à un récit morbide… et très intense !