Korean Fried Chicken : recette connue, client satisfait
Des poulets sans talent troquent le badge contre la friture dans cette comédie policière qui a cartonné en Corée du Sud.
Même s’il est devenu lors de sa sortie en 2019 l’un des plus gros succès de tous les temps au box-office coréen, et malgré une projection remarquée au Festival du Film Coréen à Paris dans la foulée, Extreme Job est resté inédit pendant trois années avant de nous parvenir en vidéo affublé d’un nouveau titre, Korean Fried Chicken (ou K.F.C…. Ça y est, vous l’avez ?). Un jeu de mots qui pourrait paraître gratuit, mais qui n’est pourtant pas si bête : le poulet frit coréen est une spécialité à part entière du pays du Matin calme, un plat que l’on déguste sans souci sur le pouce dans des restaurants dédiés à travers le pays. Bien sûr, la référence au poulet n’est pas non plus innocente : Extreme Job est moins une exploration patiente de la culture tradition culinaire locale qu’une comédie policière vitaminée où une brigade des Stups pas très efficace en vient à acquérir un restaurant de poulet frit en guise de couverture pour surveiller de dangereux trafiquants. Une idée simple, mais efficace prétexte à un divertissement un peu gras comme la Corée du Sud sait souvent les faire.
Tiens, voilà du poulet
La force de Korean Fried Chicken réside surtout dans l’alchimie entre ses cinq personnages principaux : un gang de « poulets » hébétés et immédiatement attachants, que l’on découvre lors d’une interpellation calamiteuse à base de descentes en rappel incontrôlé et de poursuites mal embarquées. Ryu Seung-ryong, vétéran de l’industrie coréenne au charisme rugueux (croisé dans War of the arrows, Psychokinesis, Masquerade ou Miracle in cell 7) joue de son œil hagard et d’un jeu de chien battu pour incarner Go, le boss de cette brigade de la loose, qui bénéficie d’un coup de pouce de collègues plus sérieux pour entamer l’étroite surveillance d’une troupe de petits trafiquants. Ces derniers se préparent à accueillir un parrain de la drogue psychopathe et recherché dans tout le pays. Affalés dans le restaurant en face de la rue, Go et ses hommes (et femme) se retrouvent obligés de racheter le commerce devenu désert pour poursuivre leur planque. Ce qui veut dire qu’ils vont devoir eux-mêmes cuisiner et vendre du poulet frit ! Une situation absurde qui « empire » lorsqu’il devient évident pour tout le quartier que l’un d’entre eux, qui tient la recette de sa mère, cuisine le poulet de manière divine…
« Le film reste dans les clous du cinéma commercial coréen. »
Emmené par un réalisateur, Lee Byeong-heon, déjà habitué de la comédie (le film pour ados Twenty), Korean Fried Chicken n’a pas vocation à jouer une partition finaude ou complètement novatrice. Sorti de son excitante idée de départ, qui donne son plein potentiel pendant un acte central hilarant – où les flics habitués à perdre jouissent du plaisir de réussir une deuxième (fausse) carrière jusqu’à en oublier de surveiller leur proie -, le film reste dans les clous d’un cinéma commercial coréen mêlant, avec une certaine habileté, gags lourdauds, slapstick hystérique et savante dérision. Tout ne fonctionne pas, et Byeong-heon aurait bien fait de tailler dans le lard d’un script tirant un peu trop sur la ficelle, en particulier dans un climax où les révélations saugrenues sur le passé de ses poulets cuistots s’enchaînent trop facilement – on a droit à un running gag à base de « zombie » dont l’idiotie colle mal avec le ton général du film. Korean Fried Chicken n’a pas la profondeur inattendue de certaines comédies locales (le cinéma coréen adore glisser de la tragédie dans les sujets en apparence idiots). Ses rares combats sont moins mémorables que certaines de ses scènes comiques, tout entières portées par l’abattage de comédiens en mission pour plaire à leur public – qui le leur a bien rendu en salles.