La séance de rattrapage : Une prière avant l’aube
Passé injustement inaperçu en salles, Une prière avant l’aube, film de boxe et de rédemption, est pourtant l’une des claques sensorielles de cette année.
Les bons échos engrangés depuis le festival de Cannes 2017 ne mentaient pas : Une prière avant l’aube, en compétition au festival de Beaune 2018, est un véritable uppercut. Second long-métrage cinéma de Jean-Stéphane Sauvaire, qui après une carrière d’assistant réalisateur avait marqué les esprits en 2007 avec les enfants soldats de Johnny Mad Dog, Une prière avant l’aube persiste dans la voie du cinéma-vérité qui fait mal, en adaptant la biographie de Billy Moore. L’histoire d’une boule de nerfs incontrôlable, arrêté en Thaïlande entre deux matchs de boxe underground pour deal de drogue, et jeté dans une prison archaïque et surpeuplée qui ferait presque reconsidérer la glauquerie de Midnight Express et Carandiru. Seul blanc dans un océan de corps asiatiques tatoués jusqu’aux paupières, Moore, qui tente de survivre, d’échapper à ses addictions et à propres démons, verra, ou pas, sa rédemption arriver sous la forme d’un tournoi de boxe inter-carcéral…
Uppercut sensoriel
Le corps meurtri, malaxé, chéri, d’un survivant poussé jusqu’au bout de ses limites, c’est bien le cœur battant du film de Sauvaire, qui nous propulse dans un chemin de croix aussi bien physique que mental. Le sound design, le montage heurté et la mise en scène tantôt étouffante ou transcendantale, deviennent les atouts d’un récit qui se passe souvent de dialogues ou même de sous-titres (tout du moins dans son premier acte) pour nous faire sentir la détresse, l’isolement et la quête de paix intérieure qui agite son héros, que jamais la caméra ne lâche. Tâche ardue donc pour l’acteur, mais Sauvaire peut s’appuyer sur un extraordinaire, et le mot est faible, Joe Cole (Green Room), qui met son corps, son âme et ses tripes au service de ce voyage aux effluves quasi mystiques, totalement immersif, ultra-sensible et sans concessions. Une claque, comme on dit dans le milieu.
L’édition vidéo du film, malheureusement passé un peu inaperçu au moment de sa sortie en salles, comprend notamment un intéressant bonus en forme de conversation de 40 minutes entre Jean-Stéphane Sauvaire et le tout aussi « hors cadre » Gaspar Noé, revenant notamment sur le tournage forcément haut en couleur du film, sur les lieux de l’action en Thaïlande, ainsi qu’aux Philippines. C’est peu, mais ça reste très éclairant.