Tiens, plutôt que de parler de la rentrée du cinéma, de son avalanche de festivals tous plus excitants les uns que les autres, des grands films de Cannes qui soudain se bousculent sur les écrans, revenons un instant sur l’été qui vient de se finir. Je ne vais pas vous parler météo, rassurez-vous, mais cinéma ! Parce que, peut-être que pour vous rien n’a changé, mais il semble que la saison estivale, côté salles climatisées, est devenue bien triste. Bien vide même. Inutile de revenir sur ce lieu commun, qui est que les salles sont désertées pendant les grandes chaleurs, et qu’en gros, seuls les Américains ont la puissance de feu nécessaire pour vous faire revenir dans une pièce éteinte remplie d’odeurs de sueurs et de pop-corn. C’est un refrain connu parce que c’est vrai, et ce depuis Les dents de la mer, comme l’a surligné le dossier paru pendant l’été sur Première.fr. L’été appartient aux grosses machines, mais en 2015, plus que jamais, ces machines-là ont senti la rouille, le contre-plaqué et la malfaçon.
Cet été, je me suis tenu longtemps éloigné des salles obscures, alors que je ne suis pas plus immunisé au parfum du grand spectacle hollywoodien que n’importe quel autre enfant de la génération Amblin. L’ombre tutélaire de Spielberg planait d’ailleurs sur une bonne partie de l’été des blockbusters, à commencer bien sûr par Jurassic World, carton (pré)historique, qui de l’avis de tous, ne fait que ressasser le souvenir d’un film bien plus révolutionnaire en attendant que les fans de Chris Pratt et de dinosaures remplissent le tiroir-caisse. Le même sentiment de manipulation de nos souvenirs m’a étreint à la vue des bandes-annonces de Terminator Genysis (ou Genisys ?), de la bouillie Pixels, de la photocopie Poltergeist, de la resucée de 2012 avec Dwayne Johnson, San Andreas.
Plus que l’excitation, c’était la fatigue qui dominait en voyant les affiches, placardées partout, tout le temps, d’Ant-Man et Les 4 Fantastiques, ce dernier ayant connu un destin proportionnel au nombre de mauvaises raisons qui ont justifié sa mise en chantier. Les suites inutiles (Insidious 3, Pitch Perfect 2, Magic Mike XXL, Ted 2, le reboot de Hitman) ont pullulé, comme chaque année, mais rarement pour le meilleur. Excepté le retour en grâce de Pixar avec Vice-Versa, et le terriblement efficace Mission Impossible: Rogue Nation, qui s’est imposé comme le meilleur divertissement estival par défaut, il est révélateur de constater que le meilleur film hollywoodien sorti cet été en France est Sorcerer. C’était un bide en 1977, au moment où le règne des blockbusters estivaux (de La guerre des étoiles en l’occurrence) commençait. C’était il y a 40 ans, et certes, on ne fait plus des films comme ça maintenant. Mais comment les fait-on alors ? Parce que derrière ces films interchangeables, inodores, gavés d’effets spéciaux numériques plus ou moins digestes, dénués de surprises et de risques, il n’y a plus d’auteur, encore moins de vision. Tout est automatique, propre, pré-digéré. Le blockbuster est commercial par essence, encore faut-il que le produit soit emballé avec un minimum de soin, de swag, d’audace. Tout le monde ne peut pas être le nouveau McTiernan, ou l’émule surdoué de George Miller – dont le Fury Road est pratiquement hors concours de par ses origines et surtout ses stratosphériques qualités de mise en scène. Mais vu les sommes engagées, vu les enjeux, mondialisés, cela vaut peut-être un peu la peine d’essayer ?