Mercy Black : les démons de l’imagination
Sorti exclusivement sur Shadowz, Mercy Black est une production Blumhouse qui gâche une histoire potentiellement glaçante en recourant aux ficelles usées du genre.
Mercy Black n’est pas le genre de production Blumhouse qui pas vocation à faire autant parler d’elle que les récents Invisible Man et The Hunt. Non, Mercy Black, c’est un peu le versant industriel de la boîte à succès de Jason Blum : un petit budget fantastico-horrifique usiné dans une poignée de décors ruraux, avec peu de personnages dont des enfants flippants, qui cherche moins à révolutionner le genre qu’à occuper 90 minutes de votre vie en cherchant vaguement à faire naître un bout de frisson sur votre échine.
Parce qu’il a ce parfum d’inédit un peu « rare » (le film est uniquement disponible sur la plateforme spécialisée Shadowz alors qu’il est sorti aux USA dans un plus grand anonymat sur Netflix), Mercy Black intrigue au départ. Il s’agit moins d’une histoire de fantômes, que d’une réflexion – pas très habile – sur les origines, souvent douloureusement terre-à-terre, de certains mythes et légendes urbaines. Car « Mercy Black », en est une, de légende : celle qui est entrée dans le folklore local après que Marina (Daniella Pineda, Jurassic World : Fallen Kingdom) ait commis un crime terrible durant son enfance. Après avoir poignardé une camarade de classe avec l’aide d’une amie, afin d’invoquer la figure mystique qu’elle appelait « Mercy Black » pour soigner sa mère, Marina est internée et ressort quinze ans plus tard. Logée chez sa soeur, elle s’aperçoit que le mythe n’est peut-être en rien le fruit de son imagination : son propre neveu Bryce a aussi des visions de la créature et devient obsédé par elle, au point d’adopter son comportement étrange. Pendant ce temps, Marina retourne sur les traces de son passé, qui est loin d’en avoir fini avec elle…
Un démon loin d’être légendaire
Surfant ouvertement sur la mode des « creepypasta » (réinterprétations des légendes urbaines faisant fureur sur Internet) qui ont donné notamment lieu au film Slender Man – le réalisateur-scénariste Owen Egerton avoue s’être inspiré du cas réel d’une agression au couteau influencée par le film -, Mercy Black a tout du titre coincé le cul entre deux chaises. Egerton souhaite visiblement détourner le cahier des charges initial (balancer des jump scares à la moindre porte entrouverte, créer un monstre flippant, confronter une héroïne mimi à des phénomènes inexplicables) pour livrer une insidieuse réflexion sur notre propension à créer notre propres démons, à leur donner une forme concrète pour justifier nos psychoses.
« Si le matériau de Mercy Black est digne d’intérêt, l’exécution proprement dite laisse à désirer. »
On est pas loin thématiquement de la terreur psychologique d’un Candyman ou d’un Mister Badabook, mais le résultat est loin d’être aussi concluant. Si les scènes de flash-back reconstituant le rituel sadique des jeunes filles sont par endroits glaçantes, et le design difforme de la fameuse «Mercy Black » étonnant, le film lui-même est cloué au sol par son manque d’inventivité. Les rebondissements s’enchaînent guidés par l’arbitraire, les scènes de frisson sont si plates qu’elles sentent le passage obligé et le dénouement à la Scooby Doo tente une fin brutale qui génère plus de frustration qu’autre chose. Si le matériau de Mercy Black est digne d’intérêt, l’exécution proprement dite laisse donc clairement à désirer, à tel point que cette légende urbaine semble déjà s’être évaporée de notre mémoire…