Après avoir escaladé à mains nues le Burj Khalifa de Dubaï pour les besoins de Protocole Fantôme, Tom « invincible » Cruise récidive, à 53 ans, accroché à la porte d’un Airbus A400M Atlas en plein décollage. Quatre ans après son dernier numéro de voltige, c’est un Tom Cruise réellement terrifié qui apparaissait dans le premier trailer de ce Mission : Impossible – Rogue Nation, conçu de A à Z pour scotcher le spectateur à son siège jusqu’à la cascade finale. L’astuce, c’est que cette performance dantesque, qui évoque les cascades de Belmondo dans les années 70, mais poussées à leur point de non-retour, est placée en ouverture de ce cinquième opus de la saga. Cela pourrait laisser présager une intrigue plus poussive en comparaison, mais il n’en est rien. Au contraire, le film se révèle comme un concurrent direct au prochain James Bond, et pourrait bien coiffer au poteau en terme de divertissement pur et dur, un agent 007 vieillissant et dépressif.
Prouesses physiques et esprit d’équipe
Tourné entièrement à l’ancienne, c’est-à-dire au format pellicule, Mission : Impossible – Rogue Nation poursuit la dynamique initiée par ses illustres prédécesseurs. Le son quasi canonique de Lalo Schifrin résonne encore avec une étonnante fraîcheur. Les recettes héritées de la série sont pour une fois respectées dans le script : la menace représentée par « Le Syndicat » est une idée évoquée à l’époque dans le show de Bruce Geller. Alors que l’IMF est absorbée par la CIA, Ethan Hunt entre en clandestinité pour poursuivre ce mystérieux réseau terroriste. Il s’associe avec Ilsa Faust, une agente britannique infiltrée, dans « Le Syndicat ».
[quote_center] »Où s’arrêtera Tom Cruise ? »[/quote_center]
Fidèle à son identité sur grand écran, le nouveau Mission : Impossible – Rogue Nation demeure avant toute chose un véritable « Cruise Show » où l’acteur/producteur, après son décollage ahurissant et déjà surmédiatisé, se lance à corps perdu dans une course poursuite à moto et sans casque (une habitude dans la franchise), des bagarres savamment orchestrées et une plongée en apnée à couper le souffle, littéralement, et réalisée, c’est le mot d’ordre de ce film, sans trucages.
Cette avalanche d’action et de prises de risques herculéennes, enchaînées à un rythme effréné, devrait faire rugir de plaisir de nombreux cinéphiles. Mais ce Mission : Impossible – Rogue Nation ne se résume pas aux cabrioles de sa star omniprésente. L’équipe se trouve davantage mis en avant, en particulier avec le personnage de Simon Pegg, véritable acolyte gaffeur du héros (« tu vas l’ouvrir cette porte ? ») qui prend ici une place prépondérante dans l’intrigue. Jeremy Renner demeure également omniprésent, quoique l’acteur de débarrasse jamais de sa mine impassible. Ving Rhames, le hacker de la troupe, reste quant à lui en second plan. Révélation et peut-être véritable héroïne du long-métrage, la suédoise Rebecca Ferguson, aperçue dans Hercule, incarne la jeune Ilsa Faust, atout de charme qui fait tourner la tête (dans une moindre mesure) d’Ethan. Dernière surprise de casting, le toujours fringant Alec Baldwin campe quant à lui un patron de la CIA bien peu autoritaire.
Une intention brillante
Comme il est de coutume avec la franchise, un réalisateur différent reprend le flambeau de ce nouvel épisode. Pour cette production de prestige chapeautée par Tom Cruise, bien entendu, mais également J.J. Abrams, c’est Christopher McQuarrie qui a été choisi pour prendre les manettes du scénario et de la réalisation de ce projet à 150 millions de dollars. Difficile à première vue de succéder à ces illustres prédécesseurs, de Brian De Palma à J.J. Abrams en passant par John Woo et, plus récemment, le talentueux réalisateur made in Pixar Brad Bird. Pourtant, le réalisateur de Jack Reacher s’en tire avec brio et insuffle à la franchise des obsessions qui lui collent à la peau.
Sous la direction de Christopher McQuarrie, le film d’action efficace prend aussi des allures de thriller tendu où l’espionnage n’est plus l’affaire des Nations, mais de trahison au sein même des agences. Particulièrement sérieux, le film s’autorise quelques échanges humoristiques bien placés, notamment entre Cruise (sans cabotinage) et Simon Pegg. L’intrigue, fluide et maligne, est propulsée par des dialogues efficaces, rebondissant sans effort apparent de la simple blague à l’échange stratégique. Le film n’est pas avare en séquence de pur suspense également. Dans une superbe scène à la Hitchcock, l’opéra de Vienne devient le théâtre d’un assassinat remarquablement orchestré, le tout, originalité ultime, sur un air de Puccini. Cette recherche constante de l’équilibre parfait entre intrigue et morceaux de bravoure, entre enjeux sérieux et second degré judicieusement utilisé, rend la saga Mission: Impossible quasiment… impossible à égaler à l’heure actuelle.
Le chemin de Cruise
De l’opéra viennois à l’épopée antique, la saga se laisse entraîner dans une quête insatiable de spectaculaire, repoussant toujours les limites de sa folie. La course à la mort de sa star, au-delà du simple personnage fictionnel populaire qu’est devenu Ethan Hunt, ne peut que renforcer l’aspect bizarrement tragique (on a vraiment peur pour l’acteur) d’un spectacle qui ne revendique, paradoxalement, aucune dimension plausible. Après avoir survécu à la chute d’un gigantesque aquarium, à une escalade à mains nues, à une descente en rappel le long d’un building et à tout ce spectaculaire Mission : Impossible – Rogue Nation, où s’arrêtera Tom Cruise ? Réponse au sixième épisode, d’ores et déjà annoncé avant même la sortie du cinquième pour 2017.
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Mission : Impossible – Rogue Nation
De Christopher McQuarrie
2015 / USA / 132 minutes
Avec Tom Cruise, Jeremy Renner, Simon Pegg
Sortie le 12 août 2015
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Crédit photos : © Paramount Pictures France