La rencontre sur grand écran entre Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger faisait partie des fantasmes tenaces de n’importe quel adolescent dans les années 80 et 90. Amis de longue date, les deux colosses se disputaient à chacun de leurs projets respectifs le sommet du box-office, rebondissant à chaque fois que l’on croyait leur carrière sur la voie de la destruction. Et puis les années 2000 sont arrivées : une décennie synonyme de DTV et d’un inespéré retour en grâce pour l’Italien, et de carrière politique pour l’Autrichien. La perspective de les voir se croiser dans la franchise carnavalesque Expendables s’est avérée frustrante à deux reprises. Les deux acteurs, plus que conscients de ce que leur passif représente aux yeux du public, se sont bornés à échanger des répliques en forme de clins d’yeux forcés, comme s’il n’était pas nécessaire de bâtir une histoire autour de leur rencontre pour créer l’événement (rappelons que, geekasme ultime, Bruce Willis était aussi présent avec eux, et que, signe que les temps ont changé, cette vision dantesque n’aura même pas suffi à faire d’Expendables 2 un grand film).
On a donc d’autant plus envie, avec le recul, de miser sur cet Escape Plan, ex-Exit Plan, ex-The Tomb, qui annonce clairement la couleur avec un titre qui aurait tout aussi bien pu convenir à la série Prison Break ou à n’importe quel classique du film de zonzon. Dans ce thriller conçu au départ comme un véhicule pour Bruce Willis, Stallone incarne un ingénieur nommé Breslin, spécialiste des prisons dont il peut s’évader comme personne, et qu’il conçoit donc pour être inviolables. Manque de pot, Breslin est victime d’un complot et enfermé dans son propre bijou, une taule hi-tech d’où il va devoir s’échapper pour être blanchi, avec l’aide d’un compagnon de cellule sardonique, Swan Rottmayer (un Schwarzenegger grisonnant, qui accroche un autre formidable nom de personnage à son tableau de chasse). Malgré le lieu confiné, leur plan ne va pas émuler les films de Jacques Becker, mais plutôt consister en une suite de cascades, bastons et fusillades assorties de répliques du style « Je vais détruire cet endroit de fond en comble ».
Un plan en or… ou presque
Le premier trailer enfin visible sur la toile (le film a été tourné au printemps 2012 et repoussé de six mois), Escape Plan s’avance avec quelques atouts dans sa besace en dehors de ses deux têtes d’affiches, visiblement ravies de pouvoir se mettre quelques pains dans la face (on a même droit à une punchline en or d’Arnold : « Tu frappes comme un végétarien ! ») tout en évoluant enfin côte à côte. Le production designer Barry Chusid (Source Code) semble avoir eu les coudées franches pour créer la fameuse prison ultime, qui évoque un entrepôt géant où des cellules de verre disparates remplaceraient les containers. Une vision à la Oz, en moins réaliste et cohérent, et qui rappelle surtout l’un des décors de Volte/Face, impression renforcée par le fait qu’une partie du plan de Breslin et Rottmayer semble impliquer un hélicoptère et quelques sauts de l’ange. Comme dans La loi et l’ordre, la réunion au sommet entre deux méga stars semble avoir attiré le rappeur 50 Cent, appelé pour jouer un hacker à lunettes (sic), mais aussi un trio de méchants prometteur composé de Jim Caveziel, Vinnie Jones et Vincent d’Onofrio. Sam Neill dans le rôle d’un docteur et Amy Ryan (Sur écoute) en complice extérieure figurent aussi au casting.
Seul problème, outre le côté modeste du projet (les 70 millions de dollars de budget ne transparaissent pas nécessairement à l’écran – peut-être sont-ils passés dans les salaires ?), le réalisateur aux commandes de ce buddy-movie carcéral n’est autre que Mikael Hafström, tâcheron récidiviste à qui l’on doit les merveilleux Dérapage, Le Rite ou Shangai. Le Suédois doit adapter ici un script imaginé par les scénaristes des DTV Machine Gun avec Gerard Butler et, hum, Road House 2 (oui, ça existe). Autant dire que l’attelage devant la caméra fait plus rêver que celui derrière, et au vu du trailer, qui ne lésine pas sur les révélations de l’intrigue, Escape Plan s’annonce plus comme une série B luxueuse mais routinière dans la lignée du Dernier Rempart ou Du Plomb dans la tête que comme le sommet mythologique espéré, voilà déjà plus de 20 ans, par des ados extatiques rêvant les yeux humides d’une mission rassemblant John Rambo et le major Dutch Schaefer… Fin du suspense prévue le 13 novembre prochain.