La greffe aura peut-être mis du temps à prendre, trop au goût de Reed Hastings, le PDG du géant Netflix. Mais cette fois, ça y est : le portail de SVOD présent aux quatre coins du globe est devenu un acteur majeur de la production cinématographique, et son champ d’action est loin de se limiter à l’Amérique du nord. Netflix était déjà connu, et reconnu, pour son savoir-faire en matière de création de séries originales (oublions un instant Marseille si vous le voulez bien). Le bilan, côté films, était néanmoins plus discret, malgré les qualités de longs-métrages comme Beasts of no nation. La société a surtout travaillé à obtenir les droits de titres déjà produits, comme récemment Spectral, produit sous la bannière de Legendary Pictures.

Une « exclu » venue de Corée du Sud

Okja : Bong Joon-ho mise sur Netflix

L’année en cours a vu le line-up cinématographique de Netflix s’intensifier, et de manière spectaculaire. Alors que le portail vient d’accueillir dans son catalogue le dernier grand prix de Sundance en date, I don’t feel at home in this world anymore, les annonces se sont succédé et ont fait écarquiller de plus en plus de paires d’yeux devant leur ordinateur. Duncan Jones (Moon) avec Mute, David Michod (The Rover) avec War Machine, David Ayer et Will Smith (Suicide Squad) avec Bright… Les futures exclusivités de la plateforme font salement baver d’impatience les cinéphiles. Et encore, tout cela c’était avant le coup de tonnerre de février, quand Martin Scorsese lui-même a annoncé que son tant attendu Irishman, budgété à 100 millions de dollars, avec Robert de Niro et Al Pacino, serait produit et distribué par Netflix. Il n’en fallait pas plus pour que le jugement soit rendu : le leader du streaming légal est entré dans la cour des grands.

Il ne faut cependant pas oublier, dans cette litanie de productions de prestige, la présence d’un objet plus singulier, car plus international encore : Okja, derrière son titre cryptique, est la nouvelle réalisation d’un des plus grands réalisateurs asiatiques en activité, Bong Joon-ho. Le nom du cinéaste est peut-être moins rutilant auprès du grand public qu’un Scorsese, mais l’arrivée de son nouveau long-métrage, le 28 juin prochain sur Netflix, est un véritable événement. Depuis le choc Memories of Murder jusqu’au récent et époustouflant Transperceneige, le metteur en scène a réussi un parcours sans faute d’artiste complet : engagé, virtuose, surprenant et singulier. Un auteur sans frontières, qui pour la deuxième fois de sa carrière a réuni devant sa caméra un casting international : Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Lily Collins, Steven Yeun (The Walking Dead), Paul Dano et Choi Woo-sik (vu dans Dernier train pour Busan) figurent au générique de ce « conte fantastique » tourné entre New York, Séoul et Vancouver, qui explore la relation entre une jeune fille, Mija, et un animal extraordinaire nommé Okja.

Créatures fantastiques et univers singulier

Okja : Bong Joon-ho mise lui aussi sur Netflix

À quelques mois de la diffusion mondiale du film, Okja se révèle enfin via un court teaser, porté par une musique élégiaque et la voix hypnotique de Tilda Swinton, que l’on imagine être la directrice de la multinationale capitaliste qui se lance à la recherche de la fameuse bête à travers le monde – on ne lui voit que l’œil, mais son espèce de roucoulement la rend déjà plus que vivante et instantanément attachante. Aventure initiatique aux contours familiers, voire spielbergiens (une enfant innocente, une créature-confidente, des adultes dénués d’empathie), le film risque fort d’être dans la lignée du fabuleux The Host. Bong Joon-ho a toujours été un fin satiriste de la société de consommation et un fervent défenseur de l’écologie – il n’y a qu’à voir le dénouement de Snowpiercer pour s’en convaincre. Au vu de sa filmographie, il est clair qu’Okja devrait sans peine échapper aux formules éculées et au sentimentalisme dégoulinant, pour imposer sa propre patte poétique et viscérale.

Visuellement, le film, éclairé par Darius Khondji, devrait également être étonnant et légèrement futuriste, si l’on en juge par l’apparence de Tilda Swinton, et l’accoutrement sur le tournage de Gyllenhaal. Même si The Irishman est attendu de pied ferme pour 2018, Okja est sans aucun doute notre attente numéro 1 en provenance de Netflix pour 2017. Et tant pis s’il ne passe pas au cinéma ailleurs qu’à Cannes et lors de quelques avant-premières…

Bande-annonce