Cet étonnant mais frugal mois d’avril aura été, en tout cas dans le domaine des inédits vidéo, étrangement dédié à un genre qui fournit régulièrement son lot de « plaisirs coupables » : le film de monstre, de gloumoute baveux, de grosse bête qui tâche. Trois films sur les six ci-dessous nous parlent de bestioles énervées, sans compter le nouvel arrivant du surchargé rayon « invasion zombie », lui aussi apte à égayer une bonne soirée pizza. Quoiqu’il en soit, ces séries B ne s’avèrent pas indispensables si l’on est plutôt amateur de grand cinéma ou de Ridley Scott (erf) et pour faire marcher un poil plus son cerveau, il faudra se tourner vers l’ibérique Groupe d’élite et ses flics corrompus.
Autre genre, autres codes, mais un même chemin : celui de la VOD, du Blu-Ray, des étals de la future défunte Virgin ou de votre ordinateur (quoi, vous ne regardez jamais un DVD sur votre portable ?). Un destin qui semble être le lot commun de plus en plus de films de genre, quel que soit leur pédigrée, comme les prouvent les récentes annonces de sortie du thriller Welcome to the Punch ou de l’horrifique Lords of Salem directement en vidéo. Et on parle de films produits justement par Ridley Scott, ou réalisés par Rob Zombie. Bon, allez, trêve de lamentations, bonne lecture… et bonne chasse !
Groupe d’élite
Un film d’Alberto Rodriguez, avec Mario Casas, Antonio de la Torre
Sorti le 16 avril – Zylo
Genre : polar rugueux
Séville, années 80. La ville cherche à nettoyer ses rues du trafic de drogue en prévision de l’exposition universelle de 1992, et pour ça, tous les moyens sont bons. L’unité 7 en particulier est chargée de faire le ménage chez les narco-trafiquants, quitte à se mouiller pour attraper les plus gros poissons. Au fil des ans, les descentes spectaculaires et la sensation de pouvoir finissent par ruiner le semblant d’unité qui règne entre cette poignée d’hommes. Groupe d’élite, ou plutôt Grupo 7 en espagnol (c’est moins générique, et on oublie la référence au Troupes d’élite brésilien) est un oiseau rare : un polar rugueux, spectaculaire sans être putassier, qui rappelle beaucoup le cinéma italien, et a réussi à amasser la bagatelle de 16 nominations aux derniers Goyas – les Césars espagnols. Le film d’Alberto Rodriguez, aussi documenté et musclé qu’il soit, se concentre surtout sur ses personnages, un quatuor de flics qui fait beaucoup penser aux Incorruptibles et à The Shield. À la différence que le leader naturel du groupe n’est pas comme on pourrait le penser le vétéran Rafael, qui pense se racheter une rédemption en accueillant une junkie, mais la jeune tête brûlée Angel, un beau gosse déterminé qui connaîtra au fil des arrestations les mêmes désillusions que ses aînés. Il plane comme un parfum de Sidney Lumet sur Grupo 7 : même si le film n’est pas très original ou palpitant – l’évolution de la ville et ses changements sont abordés de manière très elliptique, et l’unité 7 s’en tire finalement très bien malgré les compromissions -, sa sobriété, sa froide efficacité en font un titre tout à fait digne d’intérêt.
Cockneys vs zombies
Un film de Matthias Hoene, avec Michelle Ryan, Jack Doolan
Sorti le 3 avril – France Televisions
Genre : comédie zombiesque
L’équipe derrière Cockneys vs Zombies n’a pas froid aux yeux : en choisissant de réoccuper le terrain de la comédie british zombifiante en milieu prolo, le film se heurte de plein fouet à une comparaison désavantageuse avec Shaun of the Dead. Matthias Hoene et son co-scénariste (à qui l’on doit notamment le script de Severance) ne foncent heureusement pas dans le mur sans idées, et dans le genre, Cockneys vs Zombies fait plutôt bonne figure. Comme son nom l’indique, il s’agit ici de montrer les quartiers Est de Londres et leurs habitants au verbe fleuri, confrontés à une classique invasion de morts-vivants. D’un côté, une bande de bras cassés en plein cambriolage. De l’autre, les retraités d’une maison de repos sur le point d’être démolie. Au milieu, des ouvriers imprudents ouvrant une tombe datant de 1666 (sic)… Et c’est parti pour 90 minutes de punchlines plus ou moins inspirées, de headshots gratuits et de gags parfois brillants (la poursuite en déambulateur est déjà culte). Cockneys vs zombies n’évite pas la répétition, et tourne sur la fin à vide, malgré l’abattage de son casting mené par un Alan Ford (Snatch) en roue libre, la mimi Michelle Ryan (Jekyll), le dégingandé Harry Treadaway (Rock’n’Love) et, surprise, Honor Blackman en personne, qui a bien changé depuis Goldfinger et Chapeau melon et bottes de cuir. Mais le film divertit et fait sourire, ce qui était mine de rien son unique mission de départ.
The Curse (Needle)
Un film de John V.Soto, avec Michael Dorman, Travis Fimmel
Sorti le 3 avril – M6 Vidéo
Genre : horreur piquante
Production australienne datant de 2010, Needle, retitré The Curse pour son exploitation française, aiguisait (ah ah) depuis longtemps la curiosité avec son pitch de slasher classique rehaussé par le choix d’une méthode aussi sanglante qu’originale pour éliminer son prochain : la bonne vieille poupée vaudou. Celle de Needle est confectionnée de manière quasi magique, à l’aide d’une machine datant du XVIIIe siècle, dont les rouages apparents rappellent beaucoup le cube d’Hellraiser. Et ses effets, forcément, sont dévastateurs : il suffit d’une mèche de cheveux et d’une photo, et le casting de cette série B un peu nanardeuse décède dans d’atroces souffrances. Cette promesse d’un sous-Scream en rajoutant dans la mise à mort sadique est vite désamorcée par le rythme pantouflard de l’intrigue et le jeu consternant d’acteurs aussi peu charismatiques que motivés (le héros voit tous ses amis mourir, mais a l’air aussi contrarié qu’un ado découvrant que ses chaussettes sont dépareillées), qui condamnent le film à un anonymat quasi instantané.
Crawlspace
Un film de Justin Dix, avec Eddie Baroo, Amber Clayton
Sorti le 3 avril – Fox Pathé Europa
Genre : monstrueux bis
On reste en Australie à l’occasion de Crawlspace, petite production issue du cerveau de Justin Dix, surtout connu comme un expert des maquillages sur quelques belles réussites locales comme Lake Mungo, Red Hill ou Storm Warning. Presque trente ans après sa sortie, c’est Aliens, le retour qui sert d’inspiration matricielle à cette série B cloisonnée dans une base secrète australienne, où bien évidemment des scientifiques ont conduit des expériences interdites. L’armée débarque avec ses détecteurs de mouvement et ses clones de Hudson et Vasquez armés jusqu’aux dents. Et tout ce petit monde ce retrouve à ramper (« crawl ») dans des conduits de ventilation ou des couloirs gris pendant ce qui semble être une éternité. La blonde héroïne, Eve, est aussi amnésique qu’étrange, et semble avoir été dotée de pouvoirs psychiques rappelant beaucoup des jeux comme Psi-Ops. Quelques créatures étranges (un gorille géant !) et des scientifiques retors relancent régulièrement l’intérêt. Mais globalement, Crawlspace reste un film SF sous influence assez décevant, malgré une belle facture visuelle – et de très beaux posters – et une volonté marquée de concevoir un background narratif fouillé, sans doute mal exploité par manque de moyens.
Storage 24
Un film de Johannes Roberts, avec Noel Clarke, Colin O’Donoghue
Sorti le 2 avril – BAC Films
Genre : monstrueux
Film de couloirs, toujours, avec le britannique Storage 24, qui enferme lui ses protagonistes dans un entrepôt de stockage de la banlieue londonienne. Déjà réalisateur de l’efficace F, Johannes Roberts se frotte ici au monster movie tout ce qu’il y a de plus classique, au sein d’un décor hélas chiche en possibilités. La preuve, la plupart des plans de coupe de Storage 24 consistent en de lents travellings latéraux entre les rangées de containers de l’entrepôt. Bouh, quelle tension ! Surtout que le monstre du film, un alien à la gueule dentue, ne montre sa bobine qu’après 45 bonnes minutes, le temps pour le réalisateur de présenter une poignée de personnages antipathiques, transparents et inintéressants, quand ils n’ont pas des changements d’humeur incompréhensibles (le meilleur ami du héros qui devient soudain un immonde salaud parce qu’il couchait avec sa copine ? Sérieusement ?). Production générique ne trouvant même pas son salut dans une fin ouverte évoquant au mieux les nanars SF made in Asylum, Storage 24 déçoit d’autant plus que sa star et co-producteur Noel Clarke a généralement du flair devant et derrière la caméra pour choisir des projets originaux et marquants (de Heartless à Carcéral en passant par 4.3.2.1).
Spiders 3D
Un film de Tibor Takacs, avec Patrick Muldoon, Christa Campbell
Sorti le 10 avril – Metropolitan
Genre : nanarachnéen
Le fond de cette page est donc ce mois-ci destiné au fond du panier. Spiders 3D c’est une promesse gâchée, et de quelle manière ! Un film d’araignées géantes, par un vieux routard du genre et produit par cette usine à bis qu’est Nu Image, peut-être pouvions-nous assister à un spectacle généreusement régressif, à la Arac Attack ? Que nenni les amis. Spiders 3D, malgré son budget décent, n’est rien d’autre qu’un navet ennuyeux et cheap, dont la débilité n’a rien à envier aux téléfilms SyFy qui polluent les soirées de W9. Tourné en studio (et ça se voit) en Bulgarie, le film lutte pour donner un semblant d’ampleur à son histoire fatiguée d’araignées manipulées génétiquement, tombées depuis l’espace dans le métro new-yorkais (sic) et démolissant l’unique portion de décor urbain du film à l’aide de SFX à peine corrects. Ce pitch navrant pourrait divertir avec un peu de second degré et des punchlines assumées, mais non, Tibor Takacs (Rats, Mosquitoman, Mega Snake, un vrai gardien de zoo ce Tibor) traite le tout avec un sérieux inébranlable, même lorsqu’il se pique de piller des plans entiers de Cloverfield avec 1/10e de son budget. Apparemment pas très motivés par leurs cachets, Patrick Muldoon (qui s’y connaît en arachnides depuis Starship Troopers) et la très refaite Christa Campbell (Hell driver, Le flingueur et tout un tas de téléfilms érotiques dans sa prime jeunesse) courent dans tous les sens pour animer un spectacle pauvre en frissons, mais rien n’y fait. Reste à savoir si Big ass spider !, dont nous parlions ici, saura redorer le blason de nos chères créatures aux pattes velues.
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