C’est une bonne nouvelle et nous avons bien le droit de nous en réjouir : le cinéma français fait recette depuis début 2014. Alors, certes, le public continue à se déplacer en priorité, non pas pour soutenir le cinéma de genre de qualité (Mea Culpa, par exemple), mais pour les comédies calibrées pour le plus large public possible. Le triomphe assez inexplicable de Supercondriaque, assez férocement descendu par la critique, a redonné des couleurs au premier trimestre de l’année, faisant oublier les deux précédents bides de Dany Boon (comme si son public ne venait finalement le voir… que lorsqu’il était également réalisateur de ses films. Incroyable, non ?). Dans la foulée, d’autres titres plus (Le crocodile du Botswanga) ou moins (Fiston) recommandables ont également répondu aux attentes de leurs producteurs, sans toutefois rassurer sur le niveau actuel des productions comiques hexagonales. Des comédies à venir, comme la beaufisante Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, sont là pour nous le rappeler.

Qualité France : pas vus, déjà descendusCela dit, ceux qui se lamentent du coût de production des navets les plus friqués descendus dans notre rubrique seront content d’apprendre, via un article des Échos, que les investissements dans le cinéma français sont en baisse notable : à production égale, en 2014 moins de films chers, donc plus de « films du milieu », moins étouffés par les desiderata des chaines de télévision et dépendant moins du « star system » tirant chaque semaine vers le bas des productions commerciales interchangeables et inodores. Un monde aisé, mais sans ambition dont les poules aux œufs d’or se nomment actuellement Dany Boon et Kev Adams. Juste pour situer le niveau.

Les forçats du box-office

La news qui nous fait malgré tout le plus plaisir, et qui se trouve relayée dans un long dossier de L’Express, c’est que les innombrables micro-productions du genre La fille publique, Doutes ou Inavouables, qui nous consternent autant qu’elles nous interrogent sur la nécessité de donner une caméra à tous ceux qui s’imaginent artistes, sont finalement vues par très peu de gens. Ah c’est sûr, ces forçats du box-office ne comptent pas leurs efforts pour faire parler de leur « bébé », et essayer péniblement d’atteindre les 1000 entrées en démarchant des patrons de cinéma qui préfèrent avoir des salles pleines que jouer la solidarité. Nous les comprenons : qui voudrait subir Les variations dans une salle obscure quand la bande-annonce fait déjà plonger votre existence dans un vortex insondable d’ennui mêlé d’effroi ? Un bide cinglant peut aussi permettre de prendre un recul salvateur sur son travail. Nous doutons que la centaine de réalisateurs français voués à attirer moins de 10 000 spectateurs cette année se remettent aussi crûment en question. Tant pis pour eux !

[quote_center] »En 2014, il y aura moins de films chers, donc plus de « films du milieu », moins étouffés par les desiderata des chaines de télévision et dépendant moins du star system. »[/quote_center]

Rappelons-le cette fois encore : la sélection de bandes-annonces ci-dessous se base sur un choix tout à fait subjectif des pires films français à venir. Nous ne les avons pas vus. Nous ne les verrons sûrement pas. Avons-nous tort ? À vous de le dire : tous les goûts, même les pires, sont dans la nature (oui, c’est méchant. Mais c’est l’époque qui veut ça, d’abord).


Côtes de beaufs

Il y a d’abord eu l’affiche. Qui en disait long, mais qui ressemblait presque à un détournement du Gorafi. Barbecue, le film. Par le réalisateur de Protéger et servir et Bienvenue à bord, Éric Lavaine, qui a apparemment toujours le droit d’exercer. Il y a maintenant les teasers du film, qui alignent une galerie d’habitués (Dubosc, Foresti, Wilson, de Tonquédec) dont on ne sait plus trop s’ils nous énervent ou nous laissent indifférents à chaque nouvelle compromission. Le slogan du film (« L’inconvénient des vacances entre amis… c’est parfois les amis »), le titre, le décor (le Sud et ses maisons de bourgeois bon teint, forcément), le niveau des répliques et des gags, tout en dit long sur le niveau d’efforts déployé dans ce projet déplorable, qui rappelle les dégâts qu’a pu causer la « saga » du Cœur des hommes dans la tête des producteurs français. Quand ces derniers comprendront-ils qu’un scénario de comédie peut avoir des enjeux plus ambitieux qu’une simple réunion entre potes quadras à l’ombre des pinèdes ?

La punchline qui vend du rêve : « Mais pourquoi t’as pris le sel, franchement ! »

Le teaser « Côte de bœuf » :


Et aussi le teaser « Prescription » (on insiste) :


100 % des gagnants vont rire devant ce film

Quand on parle d’acteurs qui énervent, l’un des noms qui arrive en premier est Mathilde Seigner. L’actrice au franc-parler « légendaire » a convaincu au début dans des films (Vénus Beauté Institut ou Harry un ami qui vous veut du bien) employant sa charmante bonhomie à merveille. Et puis patatras : sans doute pas aidée par ses années de vie commune avec Laurent Gerra, Seigner est devenue la porte-parole de la France d’en-bas, malgré des cachets de plus en plus mirobolants pour, ô ironie, la série maxi-beauf des Camping. Elle balade maintenant sa voix de poissonnière et son jeu caricatural dans des projets aussi excitants que Maman, Bowling, Max (avec son « buddy » Joey Starr, qu’elle avait embarrassé aux Césars en même temps que Michel Blanc) ou cette Liste de mes envies. Une comédie bien populo aux blagues moisies d’anthologie (ah, le coup des poils…) dans laquelle une mercière d’Arras gagne 18 millions au Loto et décide de ne rien dire à ses proches. Parce que, vous comprenez, l’argent ça fait pas le bonheur, chers amis. À part pour refaire sa cuisine, bien sûr, mais sinon, les Français ce qu’ils veulent c’est pas être riches. Nooon. Ils veulent de l’amour, des amis, vivre dans le Nord et surtout pas dangereusement. Une bien belle leçon de vie que Mathilde devrait nous asséner avec le sourire de celle qui sait de quoi elle parle.

La punchline qui vend du rêve : « Alors, la liste de mes envies : une poêle Téfal, un couscoussier, un nouveau manteau… »

La bande-annonce :


Agnès fait son cinéma

À première vue, Agnès B., Agnès Troublé de son vrai nom, est une cible facile : une créatrice de mode reconnue, plus associée au strass des tapis rouges qu’au cinéma d’auteur, qui se lance dans la réalisation sur un coup de tête ? Ok, super. Sauf qu’a priori, Agnès est une vraie cinéphile, admiratrice de Tati, productrice de Gaspar Noé. Bon, ça ne lui a pas pour autant permis d’impressionner son monde : la première bande-annonce de Je m’appelle Hmmm… annonce une sorte de road-movie mou du genou suivant la fugue d’une fillette (qui s’appelle Céline mais préfère se faire appeler Hmmm…, cherchez pas) au pays des camionneurs, embarquée par un gentil routier (c’est connu, les routiers sont gentils). Potentiellement, ça parait un peu glauque, mais le film semble au contraire jouer la carte de la poésie grisâtre à base de balades sur la plage, de photographie dégueu, de danseurs de kabuki dans les bois et de musique d’opéra à fond les ballons. Certes, Agnès B. déjoue les attentes, mais le résultat n’en est pas moins tristounet à mourir, et semble aussi palpitant qu’une fiction du samedi soir sur France 3 Normandie.

La punchline qui vend du rêve : « Toi tu es la nouvelle route, et moi l’ancienne route. »

La bande-annonce :


Un film ne se tourne pas… si ?

C’est la tradition : chaque numéro de « Qualité France » a son moment WTF, son espace d’étonnement, bref, son film tellement improbable qu’on se demande si l’équipe qui l’a enfanté n’était pas alternativement shootée à la camomille et à la coke. Une fois de plus, Une lettre ne s’écrit pas est un premier long-métrage, décrit par son réalisateur Guillaume Levil, manifestement un poète des plus inspirés, comme « un petit ange tout neuf qui ne demande qu’à s’envoler vers les toiles ». Maaaw. En plus d’oser l’écrire, il a aussi osé réaliser ce mélo parisien en mode amateuriste, centré sur un couple qui s’aime, qui aime oser (le saphisme, entre autres) et finit par se déchirer. Lui va la tromper, mais écrit apparemment aussi des lettres chelou. Du genre qui ne s’écrivent pas, ou quelque chose comme ça. Elle pleure très fort allongée sur la chaussée en gros plan. Bref, ils vont souffrir, sans doute parce qu’ils se sont mutuellement saoulés à force de parler comme dans un bouquin d’Apollinaire.

La punchline qui vend du rêve : « Moi je n’ai pas besoin du monde. Car ma beauté sert d’excitation à la vie. »

La bande-annonce :