Skin : rédemption à fleur de peau

par | 16 décembre 2019

Présenté à Deauville, Skin relate la classique mais impressionnante histoire de rédemption d’un néo-nazi tatoué pris de remords, incarné avec force par Jamie Bell.

Comme l’ont douloureusement rappelé les attaques de Charlottesville et le Blackkklansman de Spike Lee qui utilisait les images d’archives filmées pendant le drame, la mouvance néo-nazie, bien que pathétique dans son repli sur soi et parcellaire par son nombre, fait planer une vraie menace sur la société américaine. Avec ces blousons noirs exhibant fièrement leurs tatouages SS et leur violence intrinsèque, la haine trouve une incarnation véritable, tangible et anxiogène. Faire partie de ces « clubs » suprématistes, cela passe d’abord par la création d’une carapace extérieure identifiable. Quand apparaît à l’écran Jamie Bell dans Skin, premier film du réalisateur israélien Guy Nattiv, lauréat d’un Oscar pour le court-métrage du même nom, il n’y a pas de besoin de long discours ou de séquence introductive. Son personnage, Bryon « Babs » Widner, est un skinhead tout ce qu’il y a de plus violent et fanatisé, prêt à défigurer au couteau un jeune noir opposé à une marche xénophobe dans l’Ohio.

Affublé d’une prothèse nasale et couvert des cuisses à la nuque de tatouages si spectaculaires qu’ils constituent un des ressorts essentiels du scénario, l’acteur de Billy Eliott et Tintin, vu récemment dans Rocketman, s’est donné du mal pour incarner le « pitbull » Widner, véritable suprématiste tombé dans les années 2000 dans la liste des personnes les plus recherchées par le FBI. Skin est l’histoire, non pas de son endoctrinement ou de ses années de « bon soldat » (un personnage de jeune désoeuvré servira de miroir à cette période laissée hors-champ), mais d’un début de prise de conscience, d’illumination intérieure après trop d’actes violents, et sa rencontre avec Julie (Danielle MacDonald, révélation de Patti Cake$$$ croisée aussi dans Paradise Hills), mère endurcie de trois enfants qui ne lui laisse pas le choix. Si Byron veut entrevoir la possibilité d’une vie de famille avec eux, il lui faudra laisser cette vie derrière lui. Or, cette vie au service de ses parents de substitution et créateurs de son gang « viking » néo-nazi, Fred (Bill Camp) et Shareen (Vera Farmiga, qui manque de leur voler la vedette à chaque apparition), c’est tout ce qu’il a connu jusqu’à présent.

Une seconde chance est toujours possible

Contrairement à un American History X, dont le héros n’empruntait la voie de la rédemption qu’après de multiples séquences traumatisantes, ou à un Imperium plus procédural, Skin ne cherche pas à nous plonger dans les arcanes de la sphère suprématiste. Guy Nattiv cherche, et trouve souvent, à dépeindre la mélancolie qui submerge un personnage de jeune paumé devenu pratiquement extrémiste par défaut, et qui se trouve désemparé lorsqu’il devient évident qu’il n’est pas, ou plus, le caïd sans remords qu’il prétend être chaque jour. Le pourquoi de ce soudain revirement importe moins que sa réalité pour Nattiv. Il se repose pour la dépeindre sur un couple d’acteurs à l’alchimie visible, dont la romance écorchée débouche vite sur la naissance d’un cocon familial impensable pour son héros.

« La mélancolie submerge un personnage de jeune paumé qui se trouve désemparé lorsqu’il devient évident qu’il n’est pas, ou plus, le caïd sans remords qu’il prétend être chaque jour. »

À partir de ce point de bascule, Skin devient l’histoire d’une émancipation, à la fois physique (de multiples flash-forwards nous montrent Bryon se faire enlever ses tatouages provocateurs au prix d’interventions chirurgicales répétées) et surtout judiciaire. De drame intense sur une faction ultraviolente, Skin se transforme en film « d’exfiltré », Bryon et Julie cherchant à tout prix à s’éloigner du gang de Fred, quitte à vivre sous couverture ou sous la menace d’une attaque aveugle. Si cette partie s’avère très classique, et l’inclusion du personnage de Daryle Jenkins (Mike Colter, Luke Cage), activiste noir qui aidera Bryon à changer de vie, reste balourde et confuse, Skin parvient à nous passionner et nous faire trembler pour la personne la moins susceptible de mériter notre pardon. Pour une fois qu’une histoire de skinheads se termine par un happy end