La dernière fois que Pierce Brosnan a enfilé le smoking de l’agent 007, c’était en 2002, à l’occasion de Meurs un autre jour. Son quatrième Bond, le plus surréaliste, le plus ridicule aussi par moments : à ce stade de l’increvable franchise, l’univers de l’espion britannique était devenu tellement invraisemblable qu’il n’aurait pas été surprenant qu’il enfile tout d’un coup une armure en métal et vole plus vite qu’un avion de chasse. Le genre a bien évolué depuis, principalement grâce à la trilogie Jason Bourne (qui n’en sera bientôt plus une) et au reboot Casino Royale, poursuivi avec plus (Skyfall) ou moins (Quantum of Solace) de style et d’imagination. L’espionnage est redevenu une affaire sérieuse, ténébreuse même, et ce changement d’ambiance a dû donner à Brosnan, qui enchaîne désormais plus volontiers les comédies romantiques que les films d’action à gros budget, des envies de revanche, lui qui avait été sèchement remercié par les Broccoli après ses loyaux services pour la Majesté.
[quote_center] »Les espions n’ont ici rien de suave et n’hésitent pas à tirer dans le tas si la situation l’exige. »[/quote_center]
Le voir reprendre du service dans un nouveau rôle sérieux d’agent secret a donc quelque chose d’intrigant pour les fans de James Bond et pour le grand public. Producteur et star de The November Man, l’acteur a acheté les droits d’une série de romans signés Bill Granger, avec, peut-être, le fol espoir d’en tirer une nouvelle franchise. Peut-être était-ce l’ambition de ce projet confié aux bons soins d’un vieil ami, Roger Donaldson, qui l’avait dirigé il y a près de 20 ans (!) dans Le pic de Dante. Quelles que soient les intentions de départ, les chances de revoir l’agent Peter Devereaux sur un grand écran sont bien minces, tant November Man cumule les tares et les clichés, au point de ressembler à un DTV made in Millenium Films, générique cheap et tournage dans les pays de l’Est compris.
Une traque rythmée
Cette fois, ce n’est plus au MI-6 qu’officie le fringant Brosnan, mais à la CIA, sous le nom de Peter Devereaux. On l’appelle « November Man », pour la simple raison qu’après son passage, rien ne survit. Quel est le rapport ? À vous de nous le dire. En pré-retraite après des années de barbouzerie, Devereaux se voit appeler à la rescousse par son ancien boss et frère d’armes, qui lui demande d’aller sauver une ancienne conquête en Russie, Sarah. Celle-ci possède des infos vitales sur le futur candidat à la présidence, Federov. Dès qu’il arrive sur place, Devereaux doit sauver Sarah, mais elle se fait tuer par nul autre que Mason (Luke Bracey, vu dans GI Joe : Conspiration), un agent de la CIA que Devereaux a lui-même formé. En fuite et traqué par ce jeune loup revanchard, l’agent renégat doit poursuivre l’enquête à Belgrade avec l’aide d’Alice (Olga Kurylenko, qui s’est faite connaître avec… Quantum of Solace), une assistante sociale…
Si l’on doit reconnaître une qualité à November Man c’est de ne jamais relâcher le rythme imprimé par les premières séquences, qui suivent une opération de protection tournant mal. Roger Donaldson n’a rien d’un génie de la caméra, mais c’est un vieux routier d’Hollywood, qui a dirigé sans se poser de questions une pelletée de stars en trente ans de carrière. Il limite au maximum, et au détriment d’une certaine cohérence narrative, les scènes d’exposition, pour se concentrer sur l’action et le suspense, donnant à cette chasse à l’homme des allures assez radicales : les espions n’ont ici rien de suave et n’hésitent pas à tirer dans le tas si la situation l’exige. En bref, si vous redoutez l’ennui, Donaldson est votre homme. Pour ceux que le déjà-vu et la routine effraient, c’est une autre histoire.
Vieilles ficelles et complots idiots
Il y a d’abord cet artifice usé jusqu’à la corde du maître-espion pourchassé par son propre élève, une vieille marotte qui permet au moins de donner un rôle consistant à de jeunes espoirs comme l’Australien Bracey, véritable sosie juvénile de Sean Bean. Mais aussi content que l’acteur puisse être, The November man ne lui donne guère d’occasions de briller, autrement que via des dialogues affreusement clichés (« Tu n’es qu’un vieil idiot et je vais t’attraper », ce genre de perles) ou des sous-intrigues ridicules comme la romance entre Mason et sa voisine (sic), qui permet au film de remplir son quota nudité. Les femmes, tiens, parlons-en. Outre cette quasi figurante expédiée dès la fin de l’obligatoire scène de sexe, et une tueuse d’élite au physique ingrat neutralisée avec une simple pelle (une scène digne des Nuls), la pauvre Olga Kurylenko, qui semble s’être spécialisée dans les rôles de femmes en détresse, hérite du rôle le plus invraisemblable de l’année. Elle change d’accent, d’identité et de personnalité sans aucun souci de cohérence, surtout lorsqu’il s’agit de l’habiller comme une prostituée de luxe filmée en contre-plongée. La justification ? Sans doute rendre le poster plus glamour et sexy.
Quant au « grand complot » qu’est chargé de déjouer Devereaux, qui joue sur l’idée d’un rapprochement post-Guerre Froide entre les USA et la Russie, il n’est pas nécessaire d’être diplômé en Sciences politiques pour en mesurer l’invraisemblance, surtout dans un monde post-11 septembre. Avec un peu de jugeote, et grâce au jeu incroyablement peu subtil du casting, il sera en tout cas facile de deviner qui tire les manettes de cette opération à la finalité brumeuse. Brosnan, lui, promène sans se fouler son flegme irlandais au milieu de cette machinerie à l’esprit et à l’ambition étriqués. Acteur très crispé et mécanique, transparent quand il n’est pas motivé, Brosnan n’a, malgré son besoin visible d’incarner une version de l’espion plus brutale, plus proche des références actuelles incarnées par Daniel Craig et Matt Damon, pas assez haussé son niveau de jeu pour faire oublier l’inanité du film. Tel quel, The November man aurait pu avoir Dolph Lundgren et Cuba Gooding Jr. en tête d’affiche que cela n’aurait choqué personne.
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The November Man
De Roger Donaldson
2014 / USA / 108 minutes
Avec Pierce Brosnan, Luke Bracey, Olga Kurylenko
Sortie le 29 octobre 2014
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la tueuse à gage « au physique ingrat » ( sic ) est interprétée par Amila Terzimehic, une gymnaste serbo croate, dont la figuration dans ce film a nettement plus de classe que la critique ci dessus….