The Tomorrow War : un blockbuster qui sera oublié demain

par | 20 juillet 2021 | À LA UNE, Critiques, VOD/SVOD

The Tomorrow War : un blockbuster qui sera oublié demain

Grosse machine SF vendue à Amazon, The Tomorrow War pille joyeusement ses aînés pour un résultat faiblard et idiot.

Dans un monde normal, The Tomorrow War aurait été l’une des attractions de l’été 2021 dans tous les cinémas. Un film à gros budget, avec la all-american-star Chris Pratt en tête d’affiche, des aliens et des explosions à gogo… Mais en ces temps covidés, le studio Paramount a fait le grand ménage en revendant la plupart de son catalogue à venir aux plateformes de streaming. Netflix a eu Love & Monsters, Prime Video a sorti le chéquier (200 millions de dollars !) pour avoir The Tomorrow War en exclusivité. Dans les deux cas, de la SF post-apocalyptique, qui n’est ni un remake, ni une séquelle, ni une adaptation de jeu vidéo ou de série, ce qui est rafraîchissant. Mais au vu du nombre de films que le deuxième pille et du manque hurlant d’originalité, voire même d’intelligence, de l’ensemble, le spectateur découvrant le long-métrage de Chris McKay (Lego Batman) n’y gagne pas vraiment au change.

Un vortex d’incohérences

The Tomorrow War : un blockbuster qui sera oublié demain

Il y a quelque chose d’un peu triste, en fait, à découvrir une telle production, nantie de moyens illimités et d’effets spéciaux dont la parfaite intégration à l’image rappelle que l’expertise hollywoodienne en la matière reste inégalée – ça n’est pas toujours le cas, bien sûr, mais difficile de prendre les VFX en défaut ici, malgré une direction artistique qui fait pencher l’ensemble vers une esthétique de jeu vidéo. Ce budget et ce savoir-faire technique évidents n’empêchent pourtant pas The Tomorrow War de se vautrer dans un océan de facilités, de choix narratifs stupides, de clichés ou de moments carrément gênants, tout en louchant sans vergogne sur une concurrence autrement plus mémorable. Les problèmes arrivent vite, dès l’ouverture à base de flash-forward apocalyptique – un artifice indigent, uniquement là, comme souvent, pour rassurer le spectateur impatient piaffant d’avoir sa dose immédiate de grand spectacle. Le scénario de Zach Dean embraye sur de pantouflardes scènes d’exposition, où Chris Pratt, qui incarne avec son mélange habituel d’attitudes patriotiques et d’autosatisfaction l’ex-militaire Dan Foster, découvre à la télé avec sa famille des visiteurs du futur, venus annoncer l’extinction de l’humanité en 2050. Les humains du présent doivent se projeter dans le temps avec eux, pour venir en renfort et combattre trente ans plus tard une race alien qui est en train d’annihiler la Terre…

« Le grand spectacle de McKay a à peine plus de personnalité qu’un bidon de lessive. »

Même s’il tente de botter en touche le temps d’une scène de dialogue explicative à la Avengers : Endgame, The Tomorrow War se révèle d’une idiotie redoutable dès lors que l’on se penche sur son utilisation des voyages temporels et des paradoxes inévitables qu’ils engendrent. Pourquoi catapulter dans le futur la génération du passé si l’humanité est déjà pratiquement éteinte ? Les génies de 2050 ont-ils oublié qu’ils ne naîtront pas si leurs géniteurs meurent dans le futur plutôt que de vivre leur vie ? Pourquoi ne pas faire profiter leurs ancêtres de leur technologie temporelle et de leurs connaissances de l’ennemi pour anticiper la guerre et se déplacer ensuite à loisir dans le temps pour les frapper de manière chirurgicale ? Toutes ces considérations vertigineuses, The Tomorrow War les balaie d’un « on a qu’une machine et on n’a pas le temps » bien pratique, avant de provoquer une pluie de facepalm lors de l’inévitable briefing pré-voyage temporel, où des tonnes d’information cruciale (comme l’identité de certains compagnons de Dan Foster, l’entraînement basique à la manipulation des armes ou, voyons, la NATURE de la menace alien) sont cachées arbitrairement aux héros et par extension au spectateur par un scénariste trop paresseux pour modifier sa construction narrative. Oh, et si vous pensiez que les scènes d’émotion familiale choupinou entre Dan, sa femme (Betty Gilpin de The Hunt, malheureusement transparente ici) et sa fille ultra-précoce allaient avoir un écho dans le futur, soyez rassurés : The Tomorrow War repose entièrement sur le principe que la famille de papa Pratt sauve à elle seule l’intégralité de l’espèce humaine.

C’était mieux hier

The Tomorrow War : un blockbuster qui sera oublié demain

Le degré d’acceptation et de satisfaction pris devant un tel film dépend en fait de votre tolérance à la débilité assumée du projet, dont aucune scène prise globalement ne supporte un examen logique approfondi. Avec 2h20 au compteur, cela tient presque de l’exploit – il n’y a qu’à voir l’enchaînement de coïncidences permettant au climax de s’enclencher, cela tient du (mauvais) génie. La débauche de moyens signifie au moins que The Tomorrow War n’est pas hideux, même si les décors traversés par Dan et ses potes pendant son aventure sont au mieux fonctionnels. Certaines idées (des brochettes de soldats téléportés en plein air tombant comme des sacs du ciel ; la morphologie tentaculaire des aliens et leurs dards-fléchettes) font mouche et Chris McKay peut compter sur Yvonne Strahovski (La servante écarlate), presque trop intense pour son rôle de Sarah Connor du futur, pour dynamiser un peu son acte central.

Mais cela compte peu au regard du constat qui peut être fait de la pauvreté d’un tel produit de masse, tiré d’un script original consistant en un copié-collé de références à peine reliftées. De la filmo de James Cameron à The Thing (et sa suite-remake !) et Prometheus en passant par District 9 et Independance Day – Chris Pratt, comme Will Smith, aime bien donner des coups de poing à des bestioles vicelardes de trois mètres de haut -, The Tomorrow War bouffe à tous les râteliers et régurgite l’ensemble sans se préoccuper de l’unité de ton et de la pertinence du résultat. Certes, il est difficile de s’ennuyer devant un film de SF voulant à tout prix empêcher son public de réfléchir deux secondes, mais la démission artistique des studios américains devient ici tristement évidente. Le grand spectacle de McKay a à peine plus de personnalité qu’un bidon de lessive. Il ne demande rien de son audience et surtout pas son implication émotionnelle (à moins que les trois expressions faciales de Pratt suffisent à vous faire chavirer de tristesse). Il témoigne surtout du peu d’estime de ses géniteurs pour le public, sommé d’avaler une nouvelle fois sans trop d’exigence la même compote joliment colorée, mais immédiatement périmée.