Top 10 : et l’Oscar n’aurait pas dû aller à…

par | 26 février 2016

Le 28 février aura lieu la 88e cérémonie des Oscars, et avec de la chance, le vainqueur sera moins controversé que ces films : top 10 des flops de l’Académie !

Le 28 février prochain, l’Académie devra choisir parmi huit longs-métrages, celui qui remportera l’Oscar du meilleur film. Des titres aussi divers que Spotlight, The Revenant, Room ou Mad Max Fury Road, concourent pour la précieuse statuette. Une sélection solide, mais qui ferait grincer des dents, si d’aventure, admettons, le divertissant, mais oubliable Seul sur Mars venait à les coiffer au poteau. Ce ne serait pas la première fois que les Oscars rateraient le train de la postérité et couronneraient un film ne faisant pas l’unanimité.

Toute cérémonie de récompenses est subjective, bien entendu. Aucune n’a cependant le prestige et la longévité des Oscars, qui malgré les polémiques qui agitent cette édition 2016, reste si essentielle à l’industrie que la moitié du calendrier annuel des majors et des studios indépendants tourne autour de cette échéance médiatique. Près de 90 ans après leur création, nous avons eu envie de lister les plus beaux loupés des Oscars : des longs-métrages sacrés Meilleur Film, qui n’auraient peut-être pas dû l’être dans un monde idéal. Si certains choix peuvent être soumis à controverse, d’autres, vous allez le voir, laissent circonspects. Bonne lecture !

10. FORREST GUMP AU LIEU DE PULP FICTION

Top 10 : et l’Oscar n’aurait pas dû aller à…

L’édition 1994 restera comme celle des occasions manquées aux Oscars, malgré une batterie de films nommés d’un très haut niveau. Le vainqueur de cette année-là, Forrest Gump, représentait une belle victoire pour Robert Zemeckis. Tom Hanks y gagna son second Oscar d’affilée, et l’Amérique se prit d’un véritable amour pour l’attendrissant benêt qui traversait, plein d’innocence dans les yeux, quarante ans d’Histoire moderne. Aussi solide et ambitieux soit-il, Forrest Gump reste un pâle vainqueur lorsqu’on le compare au vaincu de la soirée : le Pulp Fiction de Tarantino. Là où Gump célébrait et réécrivait avec ses violons l’Americana du passé, Pulp faisait basculer le cinéma indépendant dans une nouvelle ère, celle du post-modernisme à tout crin. Au lieu de célébrer un marqueur artistique, l’Académie préféra saluer une odyssée rassurante, et sans doute pas aussi émouvante qu’un autre concurrent rentré lui carrément bredouille : Les Évadés. Soit dit en passant le film le mieux noté de l’histoire sur Imdb. Oups.

9. SOUS LE PLUS GRAND CHAPITEAU DU MONDE AU LIEU DE CHANTONS SOUS LA PLUIE

Top 10 : et l’Oscar n’aurait pas dû aller à…

Parfois, le destin se pare d’une certaine cruauté : si certains grands réalisateurs n’ont jamais été récompensés par l’Académie (voir plus loin), certains, comme Cecil B. DeMille, l’ont malheureusement remporté pour un mauvais film. Dans le cas présent, il s’agit du soap-opéra forain Sous le plus grand chapiteau du monde, qui en 1952 rafle l’Oscar du meilleur film, un peu à la surprise générale, face à un classique du western (Le train sifflera trois fois) et un John Ford (L’homme tranquille). Interminable et inerte, le film de DeMille n’allait pas rester dans l’Histoire du 7e art, contrairement à un chef d’œuvre absent de la course : Chantons sous la pluie. L’Académie, pourtant friande de comédies musicales, échoua cette année-là à reconnaître le génie de Gene Kelly. Cruellement, elle ignorera ensuite l’ultime blockbuster avant l’heure de DeMille, Les Dix Commandements, au profit, à nouveau, d’un barnum indigeste et même gentiment raciste : Le tour du monde en 80 jours.

8. GIGI AU LIEU DE VERTIGO

Top 10 : et l’Oscar n’aurait pas dû aller à…

Comédie musicale à nouveau en cette année 1959, où milieu d’une assez faible sélection (on y distinguait surtout La chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks), est récompensée Gigi de Vincente Minnelli. Alors, certes, Minnelli n’est pas un manchot, loin de là. Et Gigi, avec 9 oscars au total, n’est pas un navet, mais la comparaison avec le précédent vainqueur du genre, My fair lady, ne plaide pas exactement en sa faveur. Le charme de la Française Leslie Caron aide à faire passer la pilule, mais le film a mal vieilli et demeure un Minnelli mineur, ce qui n’est pas le cas d’autres prétendants cette année-là, qui ne seront même pas nommés : Les sentiers de la gloireLa soif du mal, et surtout Vertigo, ou Sueurs Froides. Peut-être bien le meilleur film d’Alfred Hitchcock, celui qui aurait pu lui valoir enfin cette statuette que jamais il ne reçut, si l’Académie ne s’était pas encore, cette fois-là, réfugiée dans les plaisirs simples des concours de chant en Technicolor.

7. OLIVER ! AU LIEU DE 2001, L’ODYSSÉE DE L’ESPACE

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Vous sentez venir le gag récurrent des Oscars ? Si nous connaissons tous l’histoire d’Oliver Twist, le roman d’initiation foisonnant de Dickens, certains ont peut-être oublié le succès remporté en 1968 par son adaptation en comédie musicale signée Carol Reed (Le troisième homme). Enjoué et bénéficiant de superbes décors (eux aussi récompensés), le film remporta l’Oscar durant une édition obsédée par les films en costumes, comme le Romeo et Juliette de Zeffirelli. Là encore, le temps n’a pas été tendre avec le vainqueur, qui n’a pas aussi bien passé les années qu’un chef d’œuvre non nommé dans la catégorie : 2001, l’odyssée de l’espace. Nous le savons, l’Académie préférera toujours un musical à la SF. Mais s’il y avait bien une date-clé du genre à récompenser, c’était celle-là. Nommé seulement comme meilleur réalisateur, Kubrick sortira presque bredouille de la soirée : 2001 gagna cette année-là, pratiquement par défaut (seulement deux films nommés !), l’Oscar des meilleurs effets spéciaux. C’est la moindre des choses, mais cette odyssée-là méritait plus encore.

6. KRAMER CONTRE KRAMER AU LIEU DE APOCALYPSE NOW

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Les plus jeunes spectateurs (enfin, disons même les moins de 30 ans) ne peuvent s’en souvenir, mais lors de sa sortie au tournant de la décennie 70-80, Kramer contre Kramer ressembla à un vrai petit phénomène de société. Le film de Robert Benton était en effet l’une des premières productions de « prestige » à aborder de front, de manière contemporaine, le sujet du divorce, et l’effet dévastateur qu’il pouvait avoir sur les enfants pris au milieu de cette bataille. Dustin Hoffman et Meryl Streep étaient formidables dans ce drame sincère, et ils furent logiquement récompensés. Mais avec le recul, Kramer contre Kramer n’apparaît plus assez essentiel pour justifier son Oscar du meilleur film. Ses enjeux semblent logiquement dépassés, et la réalisation de Benton n’excède pas en inventivité celle d’une production HBO actuelle. Tout le contraire du titan qui lui était opposé en 1980, un certain Apocalypse Now. Le film marmoréen de Coppola, tour de force résultant de plusieurs années de production cauchemardesques, avait sans doute le tort d’avoir déjà reçu une Palme d’Or, d’arriver après un autre film oscarisé sur le Vietnam (Voyage au bout de l’enfer), et d’être réalisé par un artiste déjà deux fois récompensé pour les Parrain. Quand bien même : Apocalypse Now écrase de loin par sa postérité le drame de Benton, sans doute le plus faible des films nommés (Que le spectacle commenceNorma Rae) ou non (AlienManhattanBienvenue Mister Chance) durant cette édition.

5. DES GENS COMME LES AUTRES AU LIEU DE RAGING BULL

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Il ne faut pas sous-estimer l’amour que porte l’Académie à l’un de ses plus distingués représentants, qu’est Robert Redford. Martin Scorsese a appris cette leçon dans la douleur en 1981, lors d’une cérémonie restée fameuse à Hollywood. Battu par Rocky lorsqu’il présentait Taxi Driver, Scorsese allait poursuivre un long chemin de croix en voyant son Raging Bull, chef d’œuvre intégral autant que catharsis existentielle, snobé au profit du premier film en tant que réalisateur de Redford, Des gens comme les autres. Un drame solide, réévalué au fil des années par les connaisseurs, mais un poids plume quoiqu’il arrive comparé au manifeste pugilistique du réalisateur new-yorkais, souvent considéré comme l’un des meilleurs films de la décennie, et l’un des trois meilleurs de son auteur. La postérité retiendra que Scorsese gagna finalement l’Oscar pour Les Infiltrés, mais comme Clint Eastwood le souligna fameusement ensuite : « C’est pour Raging Bull qu’il aurait dû le gagner ». ‘Nuff said !

4. COLLISION AU LIEU DE LE SECRET DE BROKEBACK MOUNTAIN

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Malgré les avalanches de pronostics, malgré les observations pleines d’acuité des journalistes, les Oscars savent ménager d’année en année des surprises, mais pas toujours pour le meilleur. Chacun pensait à raison qu’en 2006, Le secret de Brokeback Mountain allait être sacré meilleur film, malgré une compétition plus qu’honorable (MunichGood night and good luck). Ang Lee était même couronné meilleur réalisateur… Et à la surprise générale – mais vraiment, il suffit de voir la vidéo -, c’est Collision, le petit poucet des Oscars, qui fut récompensé. D’un côté, un drame sensible, déchirant et forcément polarisant (c’est une histoire de cowboys homosexuels) porté par deux acteurs en état de grâce, tous deux nommés. De l’autre, un film choral jouant les Altman aux petits bras, blindé de clichés sur le racisme, de morales faciles et de manipulations émotionnelles, qui ne tenait absolument pas la distance et enfonçait un hangar entier de portes ouvertes. Le réalisateur Paul Haggis lui-même, des années plus tard, s’étonne encore d’avoir reçu ses honneurs, tant son film n’est en rien digne d’entrer dans l’histoire du 7e art. Sûrement pas autant que les amants maudits d’Ang Lee en tout cas.

3. QU’ELLE ÉTAIT VERTE MA VALLÉE AU LIEU DE CITIZEN KANE

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Les années 30 ont rétrospectivement été néfastes pour la crédibilité naissante des Oscars, qui en privilégiant d’aimables fantaisies musicales, des westerns ou des biopics poussiéreux, ont véritablement manqué de clairvoyance. Des films séminaux, essentiels, comme FrankensteinL’ennemi publicM le mauditKing KongLes temps modernesBlanche-NeigeFantasia ou To be or not to be, n’ont même pas concouru pour la statuette. Pas étonnant, dans ce contexte que le « meilleur film de tous les temps » (selon un classement récemment modifié de l’AFI) soit rentré perdant de la cérémonie 1941. Certes, Citizen Kane a perdu face à John Ford (pour une adaptation plutôt solide au demeurant), mais Ford a gagné plusieurs fois l’Oscar, Orson Welles jamais, et s’il y a bien un long-métrage qui a révolutionné l’Histoire du 7e art à Hollywood, c’était bien celui-là. Mais l’Académie n’était manifestement pas encore au courant à cette époque…

2. CHICAGO AU LIEU DE LE PIANISTE

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Promis c’est la dernière fois qu’on vous parle de comédies musicales, mais vraiment, les votants de l’Académie savent tendre le bâton pour se faire battre. Chicago vient nous rappeler à quel point les Américains sont fans de Broadway. Chaque succès joué pendant plusieurs années débouche inévitablement sur une adaptation cinéma. Et tant mieux si ça marche ! Mais pitié, ouvrons un peu les yeux lorsqu’il s’agit de kouglofs aussi gonflants que le film de Rob Marshall. Vautré dans le bling-bling, cette suite de saynètes musicales sans liant ni virtuosité, fréquentée par des actrices en surrégime (Renee Zellweger, assez insupportable) et des acteurs qui ne se foulent pas (Richard Gere a bien fait de ne pas être chanteur), Chicago fit office de furoncle béant concluant une édition 2003 où avaient été distingués Hayao Miyazaki, Pedro Almodovar et Roman Polanski. Ce même Polanski à qui l’Oscar du meilleur film pour son Pianiste échappa malgré sa Palme d’Or et ses Césars, à l’incompréhension générale.

1. SHAKESPEARE IN LOVE AU LIEU DE IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN

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Si vous aviez Canal+ en 1999, et que vous aviez fait nuit blanche pour regarder les Oscars, vous vous en souvenez aussi. En fait, même si ça n’était pas le cas, tout le monde s’en souvient. La victoire de Shakespeare in Love, au-delà des qualités que l’on peut trouver au film de John Madden, réalisateur aussi transparent que le seront ses projets suivants, est avant tout celle d’un système ayant écrasé toute logique artistique. Ce système c’est bien entendu celui des frères Weinstein et de Miramax, les véritables vainqueurs d’une cérémonie qui réussit ce soir-là l’exploit d’ignorer LE film de guerre définitif de notre époque moderne, Il faut sauver le soldat Ryan, et son cousin, si loin si proche, qu’est La ligne rouge, réussite la plus éclatante de Terrence Malick (avis perso, ça va sans dire). Au profit, à nouveau, d’un film en costumes, plutôt malin, mais inoffensif, et conçu clairement pour séduire les votants, avec l’aide de producteurs – très – insistants. Certes, Spielberg fut sacré meilleur réalisateur à cette occasion (c’était la moindre des choses, malgré la présence du Malick), mais indéniablement, les Oscars ne furent jamais plus injustes et incohérents que lors de cette fin de soirée – ou de nuit, pour les spectateurs français.

Sur 87 éditions, les Oscars ont trouvé à de nombreuses reprises le prétexte pour s’attirer les foudres des cinéphiles. En dehors des exemples nommés dans ce top, nous aurions pu aussi militer contre la victoire d’American Beauty durant une année incroyable pour le cinéma américain (le film poseur et timidement provocateur de Mendes se mesurait à, excusez du peu, RévélationsSixième SensDans la peau de John Malkovich ainsi qu’à Fight ClubMagnolia et Matrix), ou celle des Chariots de Feu (un film sur des coureurs de fond britanniques, bien) face à Indiana Jones (yee-ha !). Enfin, nul doute que l’on parlera encore dans dix ans The Social Network, et beaucoup moins du Discours d’un roi