Top 10 : la magie au cinéma

par | 5 août 2013

À l’occasion de la sortie d’Insaisissables, Born to Watch se penche sur le métier fascinant de magicien, vu par le cinéma. Un top 10 garanti sans baguettes magiques !

La sortie d’Insaisissables, si elle est synonyme de déception, a au moins le mérite de remettre sur le devant de la scène la figure du magicien, objet de fascination universelle qui, paradoxalement, est rarement mis en avant au cinéma. Entendons-nous bien : on ne parle pas ici de Harry Potter ou de Gandalf, d’apprenti sorcier (version Mickey ou Nicolas Cage, qu’importe) ou de mage guérisseur, mais de professionnels de l’illusion, d’amoureux des lapins et de fanas du tranchage de femme en boîte. Un art en soi auquel les quatre as du film de Leterrier rendent en partie justice en défiant entre autres les piranhas ou la gravité.

Mais les « Quatre cavaliers » du film marchent quoiqu’il arrive dans les traces de prestigieux prédécesseurs (enfin, ça dépend desquels…), que nous avons réunis ci-dessous, dont l’habileté et l’imagination sont tantôt étonnants, tantôt inquiétants… Alors ? Prêts pour le show ?

10. LE GRAND MAGICIEN (2012)

Top 10 : la magie au cinéma

Ce n’est un secret pour personne : le tournage du Grandmaster de Wong Kar-Wai s’est avéré si long que le casting a eu le temps entre deux pauses de boucler d’autres films. Dans le cas de Tony Leung, cela s’est traduit par la sortie de The Silent War et de ce Grand Magicien, réalisé par Derek Yee (Shinjuku Incident). Un divertissement vif et malin se déroulant après la révolution chinoise de 1911, alors que les seigneurs de guerre se disputent le contrôle du pays. Leung prête son charisme tranquille au personnage de Chang Hsien, magicien débarquant dans la ville du seigneur Bully Lei et de ses sept femmes. Chang a un objectif secret, tout comme les hommes de sa troupe : renverser le fantasque général et récupérer la femme qu’il aime. Le pitch rappelle immanquablement L’illusionniste (on va en reparler), mais Le grand magicien se distingue par son ton comique original, élaboré avec une finesse et un sens du rythme étonnants chez le très sérieux Derek Yee. Les tours de magie, eux, s’avèrent grisants et dégagent une vraie poésie, en particulier ce tableau mouvant que Leung modifie à chaque fois en quelques nanosecondes.

9. THE INCREDIBLE BURT WONDERSTONE (2013)

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Vous n’avez sans doute pas entendu parler de The Incredible Burt Wonderstone, et il n’y a rien d’anormal à cela : sorti en début d’année, la comédie de Don Scardino a fait un bide inattendu au box-office US, et a été expédié directement en VOD dans notre beau pays. Le casting rassemblait tout de même Steve Carrell, Steve Buscemi, Jim Carrey et feu James Gandolfini (dans son dernier rôle). Burt Wonderstone fonctionne basiquement comme une comédie à la Will Ferrell, avec son personnage-titre, un magicien à succès de Las Vegas, présenté comme une ordure suffisante et grossière que le scénario va enfoncer plus bas que terre avant qu’il ne trouve le chemin de la rédemption. Avec ses costumes pailletés et son atroce coupe de cheveux, Carrell en fait des tonnes sans subtilité, contrairement à Buscemi, toujours attachant. L’intrigue n’a rien de révolutionnaire, certains gags ne mènent nulle part et l’ensemble aurait mérité quelques séances de réécriture. Néanmoins, les tours de magie, très nombreux et supervisés par l’équipe de David Copperfield (qui y va de son caméo), sont efficaces, Carrey est dans une forme olympique dans un rôle d’antagoniste prônant une évolution façon Jackass de la magie, et le grand numéro final est un délice de débilité assumée.

8. PRESTO (2008)

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Une fois n’est pas coutume, incluons un court-métrage dans ce top, mais pas n’importe lequel : un petit bijou issu de l’écurie Pixar, faisant partie de ces incontournables (enfin, sauf chez UGC) avant-programmes ressuscitant le plaisir oublié de voir des cartoons à la Tom & Jerry précéder les projections de long-métrages. L’esprit de la série créée par Hanna et Barbera n’est d’ailleurs pas éloigné de ce Presto, au rythme hystérique et aux gags millimétrés. Le pitch est simple : le fidèle lapin d’un grand magicien, déçu de ne pas avoir eu sa carotte, se venge sur scène au moyen d’un chapeau magique, le public étant persuadé que tout fait partie du spectacle ! Et c’est parti pour cinq minutes de comédie échevelée, emballées dans un écrin visuel absolument ébouriffant et bien pensé, y compris dans le générique de fin.

7. MISTER SHOWMAN (2008)

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Sorti sur quelques écrans en France, Mister Showman (The Great Buck Howard en VO) est un autre de ces films de magiciens resté dans l’ombre, et ce malgré encore une fois un générique prestigieux alignant John Malkovich, dans le rôle-titre, Colin Hanks et son père Tom, ainsi qu’Emily Blunt. Mister Showman conte une histoire comme Hollywood les adore : celle d’un perdant magnifique (mais odieux, forcément), l’illusionniste Buck Howard, ancienne gloire du Tonight Show se produisant maintenant dans des centres commerciaux, et qui entrevoit une chance de retrouver sa célébrité après un tour particulièrement impressionnant. L’intrigue est vu à travers les yeux de son candide assistant (Hanks Jr.), uniquement là pour mettre en valeur un Malkovich bien plus inspiré que dans des navets comme Red 2. Classique mais émouvant, Mister Showman célèbre la magie dans ce qu’elle a de plus simple, et quelque part, de plus dépassé.

6. AU-DELÀ DE L’ILLUSION (2007)

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Lorsqu’on aborde l’histoire de la magie avec un grand H, peu de noms font autant impression dans notre mémoire collective que celui de Harry Houdini. Le roi de l’évasion, d’origine hongroise, fut l’équivalent d’une rock star au début du XXe siècle, et le film australien Au-delà de l’illusion, réalisé par Gillian Armstrong (Les quatre filles du docteur March) rend bien compte du culte dont faisait l’objet à cette époque ce maître magicien, dont même Arthur Conan Doyle était persuadé qu’il détenait des pouvoirs psychiques. C’est d’ailleurs de ce côté-là que le récit du film s’aventure, le scénario s’intéressant à la quête de Houdini (Guy Pearce, très bon même si un peu jeune pour le rôle) d’un medium pouvant le faire rentrer en contact avec sa défunte mère. Il rencontre à Edimbourg Mary et sa fille Benji, de prétendues voyantes. Mary et Harry tombent amoureux, et Au-delà de l’illusion se transforme alors en drame romantique, parfois envoûtant, parfois laborieux. Le film demeure toutefois intéressant en ce qu’il dépeint de nombreux épisodes bien réels de sa vie, comme, tragiquement, sa mort, survenue suite à un défi de trop – Houdini se vantait d’être tellement invincible qu’il encourageait les quidams à le frapper au ventre. Oui… C’était une autre époque.

5. HUGO CABRET (2011)

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Dans plusieurs titres de cette sélection, comme Le grand magicien, l’arrivée du cinéma est partie prenante de l’intrigue : art de l’illusion par excellence, évolution logique de celui de la prestidigitation, qui consiste à faire croire à la présence de quelque chose qui n’existe pas. Aucun film ne rend toutefois mieux compte de cette dualité thématique que le Hugo Cabret de Martin Scorsese, hommage énamouré et formellement splendide au 7e art, qui célèbre l’imagination de George Méliès, dont les projections au début du XXe siècle ressemblaient trait pour trait à un spectacle de magie pour ses innocents spectateurs. Le scénario a beau mettre au premier plan un avatar d’Oliver Twist pourchassé dans un Paris fantasmé, le cœur du film bat à l’unisson de l’histoire tragique de Méliès, racontée dans un long flash-back qui constitue, avec la reconstitution d’une projection de L’arrivée en gare du train de la Ciotat, un véritable morceau du bravoure du long-métrage, l’un des rares à profiter d’une 3D immersive questionnant mine de rien notre capacité à croire, comme à l’origine, à l’illusion qui peut naître dans une salle obscure.

4. MAGIC (1978)

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Avant qu’il ne connaisse la gloire avec Le silence des agneaux et cabotine comme un damné dans des dizaines de thrillers indignes et productions de « prestige » indignes de son talent, Anthony Hopkins était un comédien aux capacités illimitées, comme le prouve son interprétation du ventriloquiste Corky Withers dans l’oublié Magic de Richard Attenborough. Comme dans le sketch de l’anthologie Au cœur de la nuit (1945), Magic conte la tragique histoire d’un magicien rencontrant le succès le jour où il se produit sur scène avec sa marionnette, Fats. Celle-ci prend vie avec tellement de conviction qu’elle rend petit à petit Corky schizophrène : Fats prend le pouvoir sur sa personnalité, puis sur sa vie amoureuse. C’est Hopkins qui donne de la voix pour incarner cette marionnette particulièrement flippante (James Wan doit encore s’en souvenir), pas du tout surnaturelle, qui crée une ambiance malsaine à chacune de ses apparitions. Magic souffre finalement d’avoir à se conformer aux règles d’un genre (le film d’épouvante) qu’Attenborough ne porte pas dans son cœur.

3. L’ILLUSIONNISTE (2006)

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Souvent relégué dans l’ombre à cause de sa très visible ressemblance avec Le Prestige (sorti quelques mois plus tôt), L’illusionniste n’est pourtant pas dénué de qualités. Neil Burger (Limitless) prend beaucoup de soin à reconstituer la cour Viennoise du XIXe siècle, lieu d’affrontement entre l’illusionniste Eisenheim (inspiré d’un véritable magicien de cette époque, Erik Jan Hanussen) et le Prince Leopold : le second a prévu d’épouser Sophie, l’amour d’enfance du premier, et incidemment de déloger son père du trône. Entre deux tours de magie bluffants – dont celui de l’oranger, que Houdini réalisait véritablement dans ses spectacles -, l’intrigue prend des allures de drame politique mystérieux, chaque personnage avançant ses pions avec prudence. Si Rufus Sewell se montre parfaitement fielleux dans le rôle de Léopold, la star du show ici est bien évidemment Edward Norton, qui s’est longuement entraîné à la pratique de la magie, avec le consultant et comédien Ricky Jay (le Dale Dye de l’illusion, connu chez nous pour ses rôles chez David Mamet), pour pouvoir effectuer certains tours sans l’aide d’effets spéciaux. Le résultat est envoûtant, parfois trop maniéré et languissant, mais le dénouement, aussi surprenant que radical, vaut lui son pesant de lapins blancs.

2. LE MAÎTRE DES ILLUSIONS (1995)

Top 10 : la magie au cinéma

Notable exception à la règle de ce top, le troisième long-métrage de Clive Barker est tout autant un film de magie qu’un film fantastique, le monde de l’illusion faisant ici office de porte d’entrée vers une autre réalité beaucoup plus irrationnelle. Bien moins connu qu’un Hellraiser, et moins aimé que CabalLe maître des illusions, handicapé comme les autres œuvres du romancier américain par des remontages barbares des studios, demeure un film fascinant. L’histoire nous plonge dans un univers de film noir, avec son détective privé d’usage, Harry d’Amour (Scott Bakula, fraîchement sorti de Code Quantum), sa femme fatale (Famke Jannsen)… et son magicien un peu trop téméraire, Swann, dépositaire d’un pouvoir qu’il utilise pour des tours incroyables, jusqu’à ce que l’un d’eux tourne mal (indice : il y a des épées). Harry découvre alors que la magie de Swann est véritablement magique, et qu’il s’agit précisément de magie noire, utilisée par une secte particulièrement néfaste. Plus abouti dans sa version director’s cut, Le maître des illusions n’a pas été gâté par les années (certains effets numériques font tâche, l’interprétation est inégale) et Barker n’a manifestement pas eu les coudées franches sur le tournage – ce n’est pas un hasard s’il n’a pas retourné de film depuis – mais le film exhale un parfum d’interdit et de transgression inimitable, nous rappelant que derrière les tours de magie se cachent aussi des choses que nous ne pouvons comprendre.

1. LE PRESTIGE (2006)

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Si un film a réussi à capturer dans toute sa vénéneuse splendeur le mélange d’admiration et de crainte suscité par un magicien, c’est bien Le Prestige. Cité en référence depuis sa discrète sortie (notamment par le film de Leterrier), le film de Christopher Nolan s’est imposé, grâce au bouche-à-oreille, comme un véritable bijou du genre. Dans cette histoire se déroulant au XIXe siècle à Londres, un duel entre deux prodiges de la scène, joués par Christian Bale et un étonnant Hugh Jackman, dégénère en véritable haine, conduisant chacun des deux illusionnistes à prendre toujours plus de risques. La compétition prend un tour véritablement glauque lorsque le fameux Nikola Tesla (pour beaucoup le véritable inventeur de l’électricité) entre involontairement en scène. Nolan réutilise ici la méthode de narration fragmentée et non-linéaire qui avait fait le succès de Memento, construisant en suivant les préceptes énoncés par le personnage de Michael Caine un tour en trois actes, aussi labyrinthique que sadique. Dans Le Prestige, la magie devient une arme, et un prétexte idéal pour que nos deux antipathiques héros assouvissent leurs sombres pulsions, jusqu’à une résolution qui fait encore parler sept ans après. Étonnant, virtuose et inoubliable : le propre de tout bon tour de magie, finalement.