Soyons honnêtes, la franchise Saw, dont le compteur s’est (pour l’instant ?) arrêté à sept épisodes, n’est pas loin d’être ce qui est arrivé de pire au cinéma d’horreur ces dernières années. Passé un premier opus sentant bon la débrouillardise et s’appuyant sur un script bétonné par de multiples réécritures, chaque séquelle s’est enfoncée plus profondément dans l’enfer de l’exploitation racoleuse pure et dure, réduisant le genre à un pur défouloir sadique, nonsensique et vaguement nauséeux. Le duo de scénaristes composé de Marcus Dunstan et Patrick Melton, auteur des scripts de Saw IV, V et VI, n’est bien sûr pas étranger à ce massacre artistique.

[quote_center] »The Collector et The Collection forment un double programme inhabituel, entre thriller horrifique à suspense et pur film d’exploitation à l’ancienne. »[/quote_center]

Toutefois, leur travail sur The Collector et The Collection, s’il n’a pas non plus révolutionné le petit monde du film d’horreur, permet de leur redonner un semblant de crédit, les deux amis ayant manifesté à travers cette mini-franchise plus d’amour pour le gore old school et de références maîtrisées qu’avec leur travail de scribouillard pour la franchise initiée par James Wan.

L’amour du piège bien fait

Pas vu au ciné : The Collection

La mise en parallèle de ces deux sagas n’est pas si innocente qu’il n’y paraît : avant d’être une création originale, le personnage du Collectionneur était le héros d’une sorte de préquelle à Saw, un concept finalement refusé qui a profité à Marcus Dunstan. Ce dernier a en effet fait ses débuts derrière la caméra à l’occasion de The Collector, slasher sous influence qui entretient plusieurs points communs stylistiques avec les Saw. Comme Jigsaw, le Collectionneur est un serial-killer qui se définit avant tout par son amour du piège bien fait : là où son homologue adore trafiquer des pièges à loups pour les transformer en collier fatal, le Collectionneur préfère en acheter dix d’un coup et les poser tels quels dans une pièce obscure, histoire de maximiser ses chances, et aussi de marquer les esprits. Ce dingue d’élite, dont le visage est masqué par une sorte de masque en toile de jute, ne laissant deviner que ses yeux de chat (ils brillent dans le noir !), est confronté dans The Collector à un cambrioleur malchanceux, Arkin (Josh Stewart, vu dans The Dark Knight et la série Dirt), qui a le malheur de pénétrer par effraction dans la même maison de banlieue que lui.

Le film est un huis-clos à l’habillage visuel soigné, tirant le meilleur parti d’un script invraisemblable – le tueur parvient à construire en seulement quelques heures et en plein jour des dizaines de pièges mortels et élaborés – pour jouer au chat et à la souris avec style, même si on peut regretter, une fois de plus, l’usage d’un montage clippesque et frénétique fatiguant à force de se vouloir inquiétant (difficile d’imaginer que le générique de Seven continuerait, vingt ans plus tard, à influencer l’esthétique des films d’horreur). Dunstan démontre à plusieurs reprises un penchant pour les cadrages tarabiscotés et les compositions lumineuses agressives, reprises de chez Argento, tout en mettant face-à-face un voyou moins mauvais qu’il n’y paraît (il doit au fil des minutes se transformer en sauveur pour la famille retenue prisonnière dans la maison) et un croquemitaine tirant une bonne partie de sa force des questions non résolues qu’il suscite. Qui est-il ? Que veut-il ? Pourquoi garde-t-il une victime vivante pour la kidnapper avant de s’enfuir ?

Le Fort Boyard de l’horreur

Pas vu au ciné : The Collection

Toutes ces questions, The Collection y répond sans détours, même si l’on sent bien que la construction d’une mythologie soignée n’est pas ce qui intéresse en priorité Dunstan et Melton, toujours aux commandes du projet. Sorti en 2012 sur les écrans, et directement en vidéo chez nous, comme le premier opus, The Collection adopte selon l’aveu même de ses créateurs une approche « à la Die Hard 2 ». En gros, il s’agit de refaire la même chose, mais en plus débridé, plus explosif, et inévitablement, plus gore. Après réflexion, on pourrait même dire que le duo se la joue désormais « à la Aliens » : au suspense tendu comme une corde de piano (ça tombe bien, le Collectionneur est fan) de The Collector, sa suite oppose une ambiance de survival bourrin complètement décomplexé, perceptible dès les premières minutes, conçues comme un pied de nez grotesque aux conventions du genre. Une bande de jeunes se retrouve dans une boîte de nuit clandestine pour draguer, danser et boire comme des trous : au moment pile où l’on commence à se dire qu’ils seraient plus intéressants morts que vivants, notre tueur en pull noir apparaît au-dessus de la piste. Et l’impensable arrive : une énorme rabatteuse à griffes descend du plafond pour découper en rondelles toute l’assistance, faisant grimper le bodycount à des hauteurs indécentes. Aussi stupide que gonflée, cette introduction sanguinolente permet au moins au spectateur de savoir où il met les pieds : dans une séquelle iconisant à mort son bad guy, quitte à jeter toute notion de crédibilité par la fenêtre en cumulant en cinq minutes plus de morts que dans toute la saga Halloween.

Après s’être assuré que le personnage d’Arkin, seul rescapé du premier épisode, était lui aussi de retour pour faire le lien avec The Collector, grâce à une idée de scénario gentiment pompée sur The Descent 2, Dunstan & Co. déplacent le terrain de jeu dans l’antre même du tueur (qui a changé d’interprète entre temps, et gagné en muscles) : un bâtiment désaffecté transformé en Fort Boyard de l’horreur, où le fétichiste de la maroquinerie peut pratiquer tranquillement ses expériences chirurgicales déviantes (le gars est tellement fan de scarabées qu’il veut en créer à taille humaine) tout en truffant l’endroit de mécanismes tordus et bien souvent fatals. Arkin, accompagné d’une bande de mercenaires faisant office de chair à canon, doit y retrouver la dernière « pièce de collection » du tueur, Elena, et on comprend vite que ces deux-là vont vendre leur peau chèrement. Le scénario ne perd pas de temps pour justifier la géographie improbable du lieu, labyrinthe gothico-industriel abandonné et pourtant fourni en électricité, ou pour donner une quelconque épaisseur à ses personnages. The Collection file à l’essentiel, sans temps morts, à tel point qu’il se termine au bout d’à peine 75 minutes, attendant les dernières minutes pour dévoiler l’identité (mais pas le visage) de son boogeyman, et ménager assez d’espace pour un possible troisième opus – déjà écrit selon certaines rumeurs. La boucle paraît toutefois bouclée, le mystère inhérent au premier opus, qui se terminait sur un cliffhanger, ayant débouché sur un règlement de comptes en bonne et due forme. Au final, The Collector et The Collection forment un double programme inhabituel, entre thriller horrifique à suspense et pur film d’exploitation à l’ancienne – Dunstan se dit fier d’avoir eu recours à des effets spéciaux uniquement prosthétiques et mécaniques. Pas du grand cinéma, certes, sans doute même pas de la grande série B, mais pour les allergiques à Jigsaw et les fans de McGyver, l’increvable Collectionneur et son arsenal exotique constituent une efficace alternative.


[styled_box title= »Note Born To Watch » class= » »]

The Collection de Marcus Dunstan
2012 / USA / 80 min
Avec Josh Stewart, Emma Fitzpatrick, Randall Archer
Sorti le 7 juillet
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