Depuis le début du tournage du film de Marc Forster (en juin 2011, soit bientôt deux ans) les rumeurs d’un tournage désastreux n’ont cessé de fuiter à tous les étages de la production. World War Z est avant tout, et c’est son problème, un film de producteurs, et parmi ces producteurs se trouve la star du film, Brad Pitt himself. C’est lui qui a imposé à la Paramount Marc « James Bond m’a tuer » Forster, le réalisateur des funestes Quantum of Solace et Neverland, pour diriger l’adaptation du roman à succès de Max Brooks. Chronique chorale narrant sur un ton journalistique les conséquences sociales, environnementales et religieuses d’une guerre mondiale contre les zombies, World War Z est devenu sous la houlette du scénariste Matthew Michael Carnahan (Lions et agneaux), un mélange entre 2012, Je suis une légende et Contagion, centré autour d’un seul personnage d’employé des Nations Unies, Gerry Lane, joué évidemment par le mari d’Angelina Jolie. À lui de remonter à la source de la maladie qui a transformé les trois-quarts de planète en zombies sprinteurs, en ayant pris soin de mettre d’abord sa famille à l’abri.
Au cœur… d’un beau bordel
Malgré la trahison manifeste (et assumée) du matériau de base, World War Z se veut très spectaculaire. Quel que soit le degré de réussite du film, qui se dévoile un peu plus avec un nouveau trailer s’attardant sur la périlleuse enquête de Gerry, elle ne pourra sans doute pas être attribuée à Forster. Dépassé dès le stade de la pré-production, le réalisateur a vécu un calvaire sur le tournage, qui s’est éparpillé entre Londre, Glasgow, Malte et surtout Budapest, où la production a vu ses armes (factices) confisquées par les services secrets. Forster, qui avait déjà montré ses limites avec 007, n’a jamais réussi à s’imposer face à un Pitt tout-puissant (ce dernier a semble-t-il pris rapidement son poulain en grippe, allant jusqu’à le virer du plateau) et une équipe technique plus expérimentée, menée par le directeur photo Robert Richardson (un habitué de Scorsese et Oliver Stone) et Simon Crane (réalisateur de seconde équipe sur… Quantum of Solace, et pompier en chef sur d’autres productions au bord de l’explosion comme Men in Black 3 ou Mr et Mrs Smith). Face au retard et aux gaffes qui s’accumulaient, plusieurs têtes ont « sauté » en cours de route, amenant à encore plus de confusion. En cause enfin, les délais de tournage absurdement serrés imposés par le studio, qui ont mené le film dans le mur avant même la dernière prise. Conséquence : World War Z a été repoussé jusqu’à l’été 2013, et cinq semaines de reshoots ont été financées à grands frais, notamment pour changer le dernier acte du film, réécrit au dernier moment par, hum, Damon Lindelof (Prometheus).
L’opération de sauvetage, qui a fait grimper le budget, selon les estimations, à plus de 170 millions de dollars, va-t-elle porter ses fruits ? Le film semble réaliser enfin un vieux rêve de geek (des zombies dans l’avion !) et promet un spectacle à grande échelle, mais on ne voit finalement que des images de fuite, de guerre vue du ciel… Malgré les milliers de zombies, aucune morsure, et l’omniprésence des effets numériques ne risque pas de déboucher sur une œuvre viscérale. World War Z semble prendre la voie, plus sûre, du film catastrophe « viral » avec des morts-vivants, plutôt que l’inverse. Fin du débat prévue le 3 juillet prochain.