Ce n’est peut-être pas un hasard si Christophe Gans et Guillermo del Toro ont longtemps tourné autour d’une idée d’adaptation de La belle et la bête, conte immortel popularisé au XVIIIe siècle par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Tout comme le cinéaste mexicain, le réalisateur et ex-journaliste français, depuis Silent Hill, n’a cessé d’annoncer, de travailler et de finalement se casser le nez sur ses projets, le dernier en date étant un alléchant Fantômas envisagé non plus comme une comédie d’aventures populaire, mais un film de super-héros. Alors que la version made in Del Toro tarde à se concrétiser, Gans s’apprête finalement, près de huit ans après son aventure américaine, à montrer sa vision du conte et à se mesurer à un imposant héritage culturel.

La belle et la bête : made in Gans

S’il surfe volontiers sur la mode du conte de fées revisité (de Alice à Blanche-Neige en passant par le futur Maleficent, ils vont tous y (re)passer), La belle et la bête, malgré le soutien et le budget pharaonique débloqué par Pathé – plus de 30 millions d’euros, ce qui le situe malgré tout encore loin d’Astérix aux jeux olympiques -, ne peut rivaliser avec les productions hollywoodiennes. Après une volée de dessins de production tous plus magnifiques les uns que les autres, la première bande-annonce montre pourtant que Christophe Gans est loin d’avoir bridé son ambition pour illustrer cette histoire féérique : costumes débordant de couleur signés Pierre-Yves Gayraud (Le Parfum), décors enneigés de forêts et de châteaux créés dans les studios de Babelsberg par Thierry Flamand… Surtout, le film ne semble pas avare en créations numériques, qui à part les plans entièrement en images de synthèse, semblent encore perfectibles. Cela concerne les petites bestioles aux grands yeux peuplant le château, qui semblent sorties d’un Harry Potter, et surtout la Bête elle-même, « performance capturée » par Vincent Cassel, qui ressemble pour l’instant à une version king size du Chat Potté avec quelques airs de la Bête version Disney.

La belle ambition

La belle et la bête : made in Gans

Parlons-en justement des prédécesseurs. La récente restauration 4K du chef d’œuvre de Jean Cocteau a remis, s’il était besoin, ce film-clé du cinéma français au centre de l’actualité en 2013. La superbe version Disney (nominée aux Oscars, à une époque où les films d’animations n’étaient encore pas récompensés chaque année), ainsi que la comédie musicale à succès et, pour les fans des années 80, la version télévisée avec Ron Perlman (tiens, tiens…) et Linda Hamilton, ont chacune contribué à bâtir dans l’inconscient collectif une vision précise de cette histoire d’amour impossible, plus sombre qu’elle n’y paraît, où une fille de marchand nommée Belle doit vivre sous le même toit ténébreux que la Bête, ancien prince frappé d’une malédiction. En cinéphile incorrigible, Christophe Gans a annoncé vouloir placer sa version sous l’influence de Hayao Miyazaki, déclarant vouloir créer un univers « jamais vu », « qui transcende les barrières culturelles », féérique au sens le plus proverbial du terme.

[quote_right] »Vincent Cassel intense comme à son habitude mais un peu trop guindé. »[/quote_right]La note d’intention est ambitieuse, et au vu des premières images, le côté « livre d’images », avec ses airs de Pacte des loups bis mélangés à une esthétique criarde et solaire qui ne dépareillerait pas dans les Disney d’aujourd’hui comme Le monde d’Oz, semble bel et bien présent. Reste à savoir si l’émotion et l’émerveillement seront au rendez-vous. Entre un Vincent Cassel intense comme à son habitude mais un peu trop guindé, et surtout une Léa Seydoux (vu le nom du producteur, pas étonnant finalement de la voir à l’affiche) coincée en mode binaire inexpressif / surjeu, déclamant ses répliques avec la conviction d’un drone domestique, l’interprétation parait être pour l’heure le vrai talon d’Achille de cette adaptation risquée. À deux mois et quelques de la sortie du film, fixée au 12 février 2014, Gans serait encore de peaufiner les effets visuels de son bébé. Le réalisateur joue gros sur ce coup, mais rien que pour l’ambition plastique du projet, inhabituelle pour une production française, il faudra pour l’instant lui accorder le bénéfice du doute.

La bande-annonce