Bien qu’il soit devenu en quelques années l’un des seconds rôles les plus prisés d’Hollywood, dans la foulée du succès critique de Démineurs puis de The Town (deux rôles qui lui ont valu autant de nominations aux Oscars), et que son nom ait été associé à des franchises aussi importantes que Mission Impossible : protocole fantôme et Avengers, Jeremy Renner peine pour l’instant à convaincre le public lorsqu’il tient seul la tête d’affiche. Jason Bourne : l’héritage, spin-off peu inspiré de la saga d’espionnage, a fait peu de bruit, et Hansel & Gretel n’est pas exactement resté dans les mémoires (il est étonnant de noter que les deux films pourraient, malgré leur accueil timide, bénéficier de séquelles). Dans la foulée des plus sérieux American Bluff et The Immigrant, Jeremy Renner sera donc cette année attendu au tournant dans le « film à dossier » Kill the Messenger, qui aborde une page politique plutôt sensible de l’histoire américaine récente.
Guerre froide et cocaïne
Dans ce film de Michael Cuesta, ancien rejeton du cinéma indépendant (avec notamment Long Island Expressway) devenu une figure de la télé (on lui doit une bonne partie de la première saison de Homeland, ainsi que la série Elementary), un Renner moustachu incarnera le journaliste Gary Webb, lauréat du prix Pulitzer décédé dans des conditions mystérieuses en 2004. Reporter couvert de prix à la fin des années 80, Webb s’était rendu célèbre en 1996 avec la parution, dans le « San Jose Mercury News », d’une vaste enquête intitulée « Dark Alliance », qui pointait du doigt le comportement de la CIA au Nicaragua durant la précédente décennie. En résumé, l’agence de renseignements américaine était accusée, avec forces détails, d’avoir facilité et même encouragé l’importation de cocaïne en Californie, l’argent de la drogue devant aider à financer la rébellion des fameux Contras, guerilleros en guerre contre le pouvoir communiste en place. Un sujet chaud, donc, qui a provoqué un véritable scandale suite à la parution de l’article de Webb – une commission d’enquête officielle sera même mise en place dans la foulée. Ironie de l’histoire, Webb sera à cause de son travail mis sur la sellette par sa rédaction, puis sur le banc de la profession à cause des attaques répétées suscitées par ses révélations. « Certaines histoires sont trop vraies pour être racontées », nous prévient la bande-annonce.
[quote_center] »Un Renner moustachu incarnera le journaliste Gary Webb, lauréat du prix Pulitzer décédé dans des conditions mystérieuses en 2004. »[/quote_center]
Basé à la fois sur le travail de Webb et le livre de Nick Schou du même nom, qui relate le combat et l’enquête minutieuse et à haut risque du reporter, Kill the Messenger risque de marcher, comme son trailer l’indique, dans les traces sérieuses de succès bien connus du genre « magouilles politiques à grande échelle », comme Les hommes du Président, Traffic ou JFK. Ce qui tombe bien vu que le scénariste, Pete Landesman, est aussi l’auteur du bien fade Parkland, consacré à l’assassinat du président bien-aimé. Bien que le récit semble moins « exotique », le film de Cuesta évoque aussi fortement, ne serait-ce que par la période historique qu’il aborde et son atmosphère de complot international, le plus récent Argo. Avec une date de sortie US fixée au 10 octobre, un casting prestigieux pour soutenir la star Renner dans un rôle impliqué (Michael Sheen, Paz Vega, Ray Liotta ou encore Andy Garcia figurent au générique), il ne fait en tout cas aucun doute que Kill the messenger fera partie des candidats déclarés aux Oscars à surveiller en fin d’année…