Top 10 : Denzel Washington
À l’occasion de la sortie d’Equalizer, penchons-nous sur la carrière de Denzel Washington, star à l’ancienne qui impose depuis 30 ans son charisme et sa versatilité.
La sortie du nouveau film de Denzel Washington la semaine dernière aux USA, une adaptation (très libre) de la série Equalizer, a immédiatement éclipsé ses concurrents au box-office. Sans être synonyme, un triomphe planétaire à chacune de ses sorties, l’acteur américain, à 60 ans, est une solide garantie de succès depuis ces vingt dernières années. Washington est une marque déposée, une star à la fois populaire et oscarisée, aussi à l’aise dans les films d’action ouvertement commerciaux que les drames exigeants, et que le public a adopté quel que soit le registre dans lequel il s’illustre.
Né près de New York et ayant en partie fait ses études au Texas, Denzel Washington a choisi le métier de comédien presque par hasard, et a débuté comme beaucoup de comédiens son apprentissage devant la caméra à la télévision. Dans les années 80, l’acteur figurait au générique des 137 épisodes de la série hospitalière Hopital St-Elsewhere, précurseur feuilletonnant d’Urgences. Depuis ses premiers succès au cinéma, Washington est apparu dans une soixantaine de films, pratiquement toujours en tête d’affiche, a remporté deux Oscars et trois Golden Globes, et est demeuré l’un des plus solides représentants de la fameuse « A-List » hollywoodienne, en se reposant certes parfois sur ses acquis, mais sans jamais se départir de son charisme et son jeu intense et physique. Tout ça méritait bien un top 10, non ?
10. USS ALABAMA (1995)
Premier des cinq films tournés par Denzel Washington avec le regretté Tony Scott, USS Alabama demeure, n’en déplaise aux fans de Man on Fire, leur plus mémorable collaboration. Pur produit des années 90, USS Alabama réactive, quelques années après À la poursuite d’Octobre rouge, le sous-genre du film de sous-marin avec l’aide officieuse de Quentin Tarantino, qui avait rencontré Scott à l’occasion de True Romance. Washington joue ici un officier « débutant » confronté à une possible Troisième guerre mondiale. Malgré ses apparences de huis-clos militaire, c’est un film de gros bras et de durs à cuire, avec ce que cela comporte de fronts en sueur, de mâchoires crispées et de répliques définitives. Et Denzel n’a aucun mal à tenir tête au terrifiant Gene Hackman, qui incarne un commandant buté. Rien que pour l’intensité de leur face-à-face, USS Alabama mérite sa place ici.
9. AMERICAN GANGSTER (2007)
L’histoire vraie de Frank Lucas, devenu un parrain de la drogue dans les années 70 en important de l’héroïne à l’intérieur des cercueils des GI morts au Vietnam, était si incroyable qu’elle méritait bien un film. Ridley Scott en a fait (comme souvent) une fresque épique de trois heures, au carrefour du Parrain et de Serpico, en relatant à la fois son histoire et celle de l’agent fédéral qui l’a arrêté. Dans le rôle de Lucas, Denzel Washington prend manifestement un plaisir immense à jouer les mafieux sans peur et sans scrupules. Il fait de Lucas, décidé à bâtir un business fragile, mais juteux, à « devenir quelqu’un plutôt que de n’être personne », un paradoxe ambulant : un homme brandissant les valeurs traditionnelles de l’Amérique pour justifier ses activités de grand banditisme. De fait, American Gangster s’avère bien plus passionnant quand Washington est à l’écran, plutôt que quand Scott s’attarde sur l’enquête et la vie privée de Richie Roberts, joué par l’inévitable Russell Crowe.
8. FLIGHT (2012)
Gros drame à Oscars qui marquait le retour de Robert Zemeckis au cinéma « traditionnel », Flight restera surtout dans les mémoires à cause de sa première demi-heure, mini-film catastrophe aérienne à la tension maximum, découpée de main de maître. Mais il est impossible de nier l’impact de Washington dans le rôle d’un pilote de ligne rongé par l’alcoolisme : cabotin (car censé être bourré), l’œil hagard et constamment au bord de l’écroulement total, le comédien effectue un véritable one-man-show durant les séquences qui suivent la traumatisante ouverture du film. Les films sur l’alcoolisme sont nombreux, mais la prestation de Washington suffit à faire de Flight un incontournable du « dossier ».
7. MO’BETTER BLUES (1990)
Non content d’être devenu l’acteur fétiche de Tony Scott, Denzel Washington a aussi vu sa carrière marquée par sa rencontre avec un confrère new-yorkais nommé Spike Lee. Leur première collaboration, et l’un des meilleurs films du réalisateur, sera Mo’Better Blues, film musical fiévreux, coloré et construit comme une sorte de film noir jazzy, dans la lignée stylistique de Do the right thing. Washington y est plus que crédible en trompettiste séducteur possédé par son art au point de ne pas voir que les dettes de son ami et manager (Spike Lee lui-même) risque de nuire directement à sa carrière. Entouré d’un casting étincelant (Wesley Snipes, Giancarlo « Gus » Esposito, Bill Nunn, John Turturro), bourré d’énergie et de couleurs, Mo’Better blues est surtout un testament de la versatilité bouillonnante de l’acteur, alors en pleine ascension à Hollywood.
6. CRY FREEDOM (1987)
L’Histoire retiendra sans doute moins le nom de Steve Biko que celui de Nelson Mandela. Ce leader du mouvement anti-Apartheid, mort en 1977 dans les geôles de la police sud-africaine, devenu célèbre pour son slogan « Black is Beautiful », marque pourtant de son empreinte le beau film de Richard Attenborough, Cry Freedom, dans lequel un Denzel Washington quasiment débutant au cinéma lui prête ses traits. Traité comme le personnage secondaire d’un récit mettant en vedette un journaliste blanc incarné par Kevin Kline, Biko est pourtant le cœur et l’âme du film, galvanisant les foules et prônant une paix alors impossible entre les peuples, sûr de son bon droit et de sa future légitimité. En dehors de la BO composée par Peter Gabriel, Cry Freedom est tombé un peu injustement dans l’oubli : une redécouverte s’impose, ne serait-ce que pour contempler la bluffante métamorphose de l’acteur.
5. HE GOT GAME (1998)
La fin des années 90 est marquée pour Washington par une pluie de récompenses obtenue pour son interprétation du boxeur emprisonné Hurricane Carter dans le film du même nom. Pourtant, le comédien se montre bien plus impressionnant quelques mois avant dans un film méconnu de Spike Lee. He got game présente l’acteur, dont l’apparence change ici notablement (il porte le bouc et la coupe afro), dans un rôle qui n’a rien d’agréable : celui d’un père abusif purgeant une peine de prison pour avoir tué sa femme, et à qui l’on propose une libération anticipée pour peu qu’il parvienne à convaincre son fils, prodige du basket, de rejoindre l’équipe du Gouverneur. Sur ce pitch, pas très réaliste, Lee bâtit un drame familial sans concession, où l’impossible reconnexion entre un père et son fils qu’il a laissé seul se joue entre deux paniers. Washington incarne avec véhémence ce personnage négatif, qui oscille toujours entre amour sincère et intérêt personnel. À redécouvrir.
4. PHILADELPHIA (1993)
Il est facile de l’oublier aujourd’hui, mais à sa sortie, Philadelphia fut un véritable événement médiatique et commercial : le premier gros film de studio consacré aux ravages du Sida, qui plus est réalisé par Jonathan Demme, qui venait de triompher avec Le silence des agneaux. Dans le rôle d’un avocat homosexuel renvoyé de son prestigieux cabinet parce qu’il avait contracté le VIH, Tom Hanks a ému des millions de spectateurs et glané son premier Oscar. Mais l’importance de Denzel Washington, qui incarne l’avocat qui va l’aider à porter son combat devant la justice, n’est pas négligeable. En plus d’endosser le rôle un peu ingrat de référent du spectateur, confronté pour la première fois à cette maladie, Washington doit montrer aussi l’évolution de son personnage, qui passe du statut de citoyen indifférent à celui de militant engagé, ayant dépassé ses propres préjugés. Classique, et démonstratif, mais indéniablement puissant.
3. GLORY (1989)
Excepté quelques comédies dispensables, la filmographie de Denzel Washington durant les années 80 tient du sans-faute, et Glory en reste sans doute le meilleur exemple. Film de guerre emphatique signé Edward Zwick (Le dernier samouraï), Glory aborde, longtemps avant 12 years a slave, le thème de l’esclavage par le biais de l’histoire vraie d’un bataillon composé de volontaires noirs durant la Guerre de Sécession. Aux côtés de Morgan Freeman, Washington est impressionnant dans la peau du soldat Trip, un ancien esclave combattant avant tout pour regagner sa dignité, en face de toute adversité, celle-ci venant paradoxalement des deux camps. Porté par une musique fabuleuse de James Horner, et une reconstitution évocatrice de cette sombre période, Glory valut à Washington un premier Oscar mérité, en tant que meilleur second rôle.
2. TRAINING DAY (2001)
Aujourd’hui encore, Denzel Washington considère le détective Alonzo Harris comme son rôle préféré. Training Day lui a valu après tout son deuxième Oscar, et lui a permis de devenir le deuxième Afro-Américain à être sacré meilleur acteur après Sidney Poitier. C’est aussi l’un des rôles dont se souvient le plus le public, malgré le fait qu’il s’agisse de l’un de ses rares personnages de méchants. Car Alonzo, malgré l’ambition réaliste portée en étendard par le scénariste David Ayer et le réalisateur Antoine Fuqua, est bel et bien une enflure faite pour le grand écran : flamboyant, malfaisant et ivre de sa propre brutalité, il fait vivre une journée cauchemardesque à son jeune partenaire Ethan Hawke, qui lui est opposé en tout. Avec son look reconnaissable entre mille, son débit verbal intimidant et une caméra collée en permanence à son menaçant sourire, Alonzo Harris est de fait une création mémorable, dont Washington, malgré les défauts du film, peut être fier.
1. MALCOLM X (1992)
La vie de Malcolm X, gangster devenu défenseur des droits des Afro-Américains, homme de paradoxes, de controverses, au destin tragique, fournissait un matériau digne d’un grand film. Spike Lee s’est montré à la hauteur du sujet, bien aidé par Washington, qui s’est effacé sans doute comme jamais derrière ce rôle qui paraît avec le recul fait pour lui. L’un des éléments clés pour comprendre la dévotion avec laquelle il s’est plongé dans le rôle de Malcolm Little, est de savoir que l’acteur, fils d’un pasteur pentecôtiste, a longtemps songé à devenir lui-même prêcheur. Chrétien pratiquant, Washington a sans aucun doute perçu dans ce biopic une occasion en or de « prêcher », à sa manière, un message de tolérance et de rédemption intemporel. Le mimétisme est tel durant ces trois heures de grand cinéma que l’on oublierait presque qu’il s’agit d’une fiction : c’est dire la qualité de ce qui demeure la meilleure performance de Washington.